L’innovation sociale dans l’ADN de Saint-Apollinaire

Le nouveau mandat de Jean-François Dodet à Saint-Apollinaire est placé sous le signe de l’innovation. Comme le maire l’explique lui-même : « Les outils et les modes de pensée évoluant, j’ai souhaité avoir une rupture générationnelle dans la liste. Cela conduit évidemment à un autre regard, à l’avènement de nouvelles actions… » C’est notamment vrai dans le domaine social où l’adjoint Adrien Huguet vient de présenter un projet d’une ampleur inédite marqué du sceau de l’anticipation afin de vaincre la spirale de la précarité. « C’est dans l’ADN de notre commune, mon prédécesseur Rémi Delatte ayant toujours mis l’humain au cœur de toutes ses actions », souligne Jean-François Dodet, qui insiste sur la dimension transversale de ce programme : « Ce projet s’apparente à un tableau de bord. Lorsqu’un point passe au rouge, le but de la transversalité est de regarder si tous les autres restent au vert ou changent de couleur. Ce n’est pas le traitement de la précarité que l’on cherche mais le fait d’éviter d’entrer dans la précarité. C’est ce qui est important… » Et le premier magistrat d’illustrer ses propos : « Avant, si une famille avait des difficultés à régler la cantine, le service petite enfance intervenait mais l’on ne se préoccupait pas de savoir si, éventuellement, quelqu’un de la famille avait perdu son emploi, s’il n’y avait pas de difficultés de paiement de loyer ou des factures énergétiques, etc. A partir du moment où il existe une porte d’entrée, nous devons investiguer les autres portes pour pouvoir anticiper ». Autre exemple mis en exergue par le maire : « Sur les quelque 400 demandeurs d’emploi que compte la commune, nous n’en voyons qu’une trentaine. Il ne faut pas travailler sur le flux mais sur l’ensemble des demandeurs d’emploi. Il faut regarder plus attentivement ceux qui sont en perte d’emploi depuis très longtemps et ceux qui viennent de le perdre. Le risque de précarisation est différent. Ceux qui basculent dans le chômage peuvent rapidement se retrouver dans une situation délicate, parce qu’ils doivent toujours assumer un loyer, des frais fixes identiques… Ce ne sont pas les mêmes propositions à faire. La réinsertion ne peut pas toujours passer par les mêmes remèdes. C’est la raison pour laquelle nous devons avoir une vue totalement transversale. C’est une nouvelle étape menant à Saint-Apollinaire 2030 ». Adrien Huguet nous détaille cette nouvelle étape… solidaire.

Dijon l’Hebdo : Vous venez de présenter un projet social couvrant un large spectre, avec pas moins de 26 propositions, dont beaucoup font la part belle à l’innovation. Est-ce inhérent aux prémices de la crise sociale, corollaire de la crise sanitaire, qui se manifestent actuellement sur l’ensemble des territoires ?

Adrien Huguet : « Tout d’abord, l’innovation est en quelque sorte devenue une tradition à Saint-Apollinaire qui, je le rappelle, avait reçu le prix de l’innovation sociale en 2004. Nous avons également la volonté de nous inspirer des expériences qui ont affiché leur réussite ailleurs. Et nos politiques publiques font aussi la part belle au lien entre les générations, à l’esprit village que l’on défend… Aussi, en terme de proximité et de solidarité, ce projet novateur prend-il tout son sens. Certaines auront évidemment une trajectoire budgétaire à l’échelle du mandat mais les 26 propositions seront toutes engagées d’ici la fin 2021 avec le service d’action sociale, avec le CCAS et nos partenaires. Je pense notamment à l’ensemble du tissu associatif et aux collectivités ou institutions. Nous avons souhaité aller vite parce qu’il y a une urgence en terme de prévention de la précarité. Nous le constations déjà avant la Covid mais cela a été renforcé en effet par la crise sanitaire et sociale. Nous voyons ainsi les prémices de la vague de chômage qui s’annonce. Notre objectif est également un suivi et une évaluation en permanence pour pouvoir rectifier lorsqu’il y a besoin. C’est le meilleur moyen de garantir l’efficacité et les résultats de nos politiques… »

DLH : Vous placez ainsi l’emploi au cœur de vos priorités avec l’avènement d’un nouveau service « Avenir Emploi… »

A. H : « Nous voulons faire connaître davantage notre service en allant au devant des demandeurs d’emploi, avec des publics un peu plus ciblés. Je fais référence notamment aux jeunes avec les questions relatives à l’apprentissage, aux stages, aux jobs d’été. Pour les demandeurs d’emploi, il est nécessaire aussi de faire le lien avec les questions de logement, d’aide alimentaire ou autres… C’est un accompagnement global personnalisé que nous allons proposer intégrant toutes les dimensions de la situation économique et sociale des bénéficiaires. Ainsi lorsque quelqu’un viendra pour une question liée à l’emploi, nous pourrons lui proposer de vérifier s’il mange à sa faim, s’il bénéficie d’une couverture médicale, s’il dispose d’un logement décent équipé… Et cela peut même aller jusqu’à l’accès à la culture, voire à l’implication dans la vie citoyenne ».

DLH : Votre projet prévoit une nouvelle caractérisation et un nouveau traitement des urgences sociales. En quoi consistent-ils ?

A. H : « Nous avons également souhaité nous adapter aux situations que nous avons eu à gérer depuis le début du mandat. Nous nous sommes interrogés sur la pertinence de nos moyens de répondre aux urgences. Le transfert pour partie de la compétence sociale à la métropole nous donne aussi cette occasion-là. On l’a vu sur un certain nombre de dossiers comme le fonds logement : cela permet une accélération du traitement. Pour l’urgence alimentaire, nous disposons d’un colis frais, sec et surgelé si une famille en a besoin. Nous avons également redéfini en interne avec les services et les élus nos possibilités de faire de l’hébergement d’urgence ou de la mise à l’abri si besoin. Notre volonté est de proposer une réponse ou un accompagnement au maximum dans la semaine qui suit la demande. Les personnes se voient ainsi très rapidement proposer un rendez-vous et une orientation directe vers les travailleurs sociaux compétents. Le binôme élu-chef de pôle au sein des services jouent un rôle pivot pour assurer le suivi des dossiers et la mobilisation de tous les acteurs. Notre objectif est de nous assurer que l’ensemble des besoins de la personne sont couverts afin de ne pas laisser passer une difficulté qui serait une porte après sur la pauvreté, la spirale de l’endettement, l’isolement… »

DLH : Vous changez de modèle et, de facto, de braquet en ce qui concerne l’action sociale. Quel sera l’impact financier sur le budget communal d’une telle politique ?

A. H : « Plus nous anticiperons les difficultés des bénéficiaires, plus nous limiterons l’impact financier. L’attente et le laisser-faire dans cette spirale de la pauvreté coûtent toujours beaucoup plus cher à la collectivité mais aussi humainement aux personnes concernées que l’anticipation. Nous allons réinternaliser un certain nombre de services. Nous avons également la volonté d’aller chercher auprès de fondations ou encore de services de l’Etat des financement innovants ou basés sur des appels à projets. Nous candidatons ainsi à la labellisation en 2021 du CCAS comme Point conseil budgétaire avec un vrai soutien financier de l’Etat à la clef. Dans le même temps, nous faisons le choix d’augmenter nos contributions à des fonds qui existent. Nous avons augmenté notre contribution de 20% au Fonds action logement, à l’instar de ce que fait la métropole afin de doper les moyens au soutien à l’accès et au maintien dans le logement. Nous avons eu aussi notre première contribution au Fonds d’aide pour les jeunes (FAJ) que la commune rejoint dans le cadre, là-aussi, du transfert à la métropole. Nous voyons tout l’effet que cela peut avoir pour nos jeunes ».

DLH : Eu égard au transfert de compétences, le fait que la métropole intervienne dorénavant dans le champ de l’action sociale change-t-il la donne ?

A. H : « Nous voulons nous inscrire et pourquoi pas être pilotes dans la priorité annoncée par la métropole dans l’action sociale, autrement dit dans la lutte contre le non recours aux aides et l’accès aux droits sociaux. Notre volonté est de lutter contre les préjugés et la stigmatisation liée à la pauvreté. C’est un facteur qui conduit certaines personnes en difficulté à ne pas oser demander de l’aide. D’autres ne savent pas non plus qu’elles sont éligibles à certains dispositifs d’accompagnement social… Nous allons mener une expérimentation afin d’aider ces personnes à identifier les aides qu’elles peuvent obtenir eu égard à leur situation, afin de les accompagner pour faire les démarches jusqu’au bout. Et nous évaluerons l’impact que cela peut avoir… Il existe beaucoup de débats sur un revenu minimum, un revenu universel, mais s’assurer déjà que chacun puisse bénéficier de ce à quoi il a droit, c’est une manière d’aborder la question du pouvoir de vivre de chacun. Nous inscrivons cela dans une véritable dynamique de droits et devoirs mais aussi d’engagement de tous au service de la collectivité. Nous portons cela avec notre sensibilité et notre refus de juger les gens. La bienveillance est le maître mot dans notre action quotidienne ! »

Propos recueillis par Camille Gablo