Guillaume Ruet : « Une véritable stratégie de l’arbre »

« Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent », écrivait déjà avec une forte conscience environnementale Chateaubriand. La municipalité de Chevigny-Saint-Sauveur, pour la sauvegarde de la planète et la lutte contre le réchauffement climatique, a décidé de redonner toute sa place à l’arbre. Et ce dans toutes ses dimensions. Le maire Guillaume Ruet revient sur les racines de son défi de taille : planter 1 000 arbres en 5 ans ! Chateaubriand aurait apprécié…

Dijon l’Hebdo : La crise sanitaire, qui perdure aujourd’hui, a accentué la prise de conscience environnementale. C’est aussi le cas à Chevigny-Saint-Sauveur ?

Guillaume Ruet : « Nous n’avons pas attendu la crise sanitaire pour avoir une réflexion sur comment changer de modèle et comment rendre notre ville plus verte, plus écologique. Nous œuvrons pour que le développement durable soit transversal et transpire dans chacune de nos politiques, que ce soit l’enfance-jeunesse, le bâtiment, l’action sociale, etc. Cest dailleurs le sens de notre Agenda 21 ».

 

DLH : Vous avez été la première commune de la métropole à vouloir relever, en termes de végétalisation, un challenge de taille : le « défi 1000 arbres à Chevigny… »

G. R : « C’est, en effet, notre projet phare. Nous l’avons lancé en 2019 après les grandes canicules dont tout le monde se souvient. L’été 2020 a été la suite logique puisque nous avons eu et la canicule et la sécheresse. Le réchauffement climatique intervient ainsi de manière très tangible dans nos villes. Que peut-on faire pour lutter contre ce phénomène ? La manière la plus simple est de planter des arbres. Nous n’allons pas ripoliner la ville avec 2 ou 3 arbres ici et là. Nous n’avons pas fait de la végétalisation gadget mais nous nous sommes interrogés sur une implantation massive d’arbres sur Chevigny-Saint-Sauveur. Nous disposons déjà de beaucoup d’espaces verts – 60 hectares au total –, et un quart de notre territoire est occupé par de la forêt. Nous sommes ainsi – il ne faut pas l’oublier – un des poumons verts de l’Est dijonnais. Nous ne manquions pas d’arbres mais nous avons décidé d’en rajouter parce que les bienfaits de l’arbre ne sont plus à démontrer : cela rafraîchit l’air, capte le carbone, donne de l’oxygène et c’est une réserve pour la biodiversité. Au moment où on constate partout une baisse du nombre d’oiseaux, d’insectes, c’est essentiel ».

 

DLH : 1000 arbres, c’est un objectif impressionnant pour une commune de la taille de la vôtre. Comment pensez-vous réussir ?

G. R : « Nous réfléchissons à une gestion durable de l’arbre… et nous nous donnons des objectifs quantitatifs et qualitatifs. Planter 1000 arbres sur 5 ans pouvait, en effet, sembler impossible au départ. C’est, il est vrai, un véritable défi. Mais à Chevigny nous avons une association appelée « Un enfant peut sauver un arbre » présidée par Annick Mathieu que tout le monde connaît comme Mamie Chaussette. Cette femme remarquable a planté 120 000 pins dans les Landes. Elle avait créé son association à la suite de la tempête Klaus (1). Son savoir-faire, notamment, dans la récolte de fonds, a peu d’égal. Dans le même temps, nous avons travaillé méthodologiquement avec le lycée agricole de Quetigny afin de parfaire les études de sol mais aussi sélectionner des essences adaptées au changement climatique, soit nécessitant moins d’eau, mais aussi indigènes, c’est à dire poussant sans l’intervention de l’homme. Nous avons aussi cherché à mettre des essences les moins allergènes possibles notamment à proximité des écoles. Nous souhaitons également avoir des arbres centenaires, alors qu’avant, très souvent, les essences plantées avaient une durée de vie limitée à une trentaine d’années. Et nous essayons dans le même temps d’avoir une vraie politique de l’arbre. Nous sommes ainsi en train de rédiger une « charte de l’arbre ». Il sagit d’avoir une véritable stratégie de l’arbre, ce qui n’était pas le cas précédemment, comme un peu partout au demeurant ».

 

DLH : Comment associez-vous vos habitants à ce projet d’envergure ?

G. R : « L’année dernière, nous avons planté une centaine d’arbres sur le territoire communal dont une vingtaine financée et parrainée par des habitants. Ce chiffre montera à une cinquantaine cette année. Cette dimension citoyenne est intéressante. N’oublions pas non plus que les arbres sont plantés par les enfants de toutes nos écoles. Nous avons choisi comme premier site de plantation le parc de la Saussaie où nous avons lancé une vaste opération de requalification (changement des sols, réfection des chemins, installation de nouveaux lampadaires, création de jeux). Nous voulions que ce soit le parc des Chevignois, aussi faut-il des arbres et de l’ombre pour qu’ils se l’approprient. C’est ainsi sur ce parc de la Saussaie qu’Annick Mathieu réalise ses actions de parrainage auprès des habitants, des commerçants.

 

DLH : et ensuite ?

G. R : Ensuite, nous voulons également aménager un corridor vert autour de la ville, notamment vers le nouveau quartier Ouest afin d’isoler la ville, et créer un couloir de biodiversité. En entrée de ville, derrière Lidl, nous disposons en outre d’un hectare que nous allons transformer en forêt urbaine que nous planterons en associant les scolaires, les habitants et les associations. Nous travaillons sur la réalisation d’une micro-forêt urbaine ».

 

DLH : Pour gagner la bataille végétale, il faut aussi remporter celle de l’eau…

G. R : « Autour de l’arbre figure, en effet, la problématique de la gestion de l’eau. Sachez qu’un arbre nécessite environ 100 litres d’eau par semaine les deux premières années durant les périodes de sécheresse. Depuis le mois d’avril, nous avons un agent qui ne fait qu’arroser les arbres pour éviter que les nouveaux arbres meurent. Nous sommes très intéressés par un projet de la Chambre d’Agriculture qui travaille actuellement sur un bassin multi-usage afin de stocker l’eau l’hiver pour les mairies de Couternon, Quetigny et Chevigny ainsi que pour une dizaine d’exploitations agricoles. Celui-ci devrait recueillir 400 000 m3. Nous serions sûrs de notre approvisionnement en eau, condition sine qua non pour mener à bien le « défi 1.000 arbres » et nous aurions ainsi accès à une eau potentiellement moins chère et sécurisée.».

 

DLH : Comment les entreprises, à qui vous proposez de prendre part à ce projet, accueillent-elles votre initiative ?

G. R : « Nous souhaitons agréger nombre d’acteurs, à l’instar des bailleurs sociaux mais aussi des entreprises. Celles-ci sont parfois preneuses car elles peuvent aussi bénéficier d’une image positive. Quelques-unes nous suivent déjà sur cette action, soit en mécénat, soit en plantant elles-mêmes des arbres sur leur propre terrain, selon notre charte de larbre : nous voulons que tout le monde – et pas seulement la Ville – se saisisse de ce sujet. Pour les plus jeunes, nous aurons des temps pédagogiques. L’arbre fait et fera encore plus partie de l’identité de Chevigny. L’arbre qui semblait un moment ringard, si je peux me permettre l’expression, redevient tendance. Et ce défi est fédérateur et concret. Ces plantations s’inscriront comme une marque dans le temps ».

 

DLH : Lobjectif est dassocier dautres partenaires ?

G. R : « Nous sommes loin d’un coup de communication marketing. Avec ce projet de 1 000 arbres, nous déroulons derrière l’ensemble du fil. Il y a tellement dactions à entreprendre ! Le sujet est vaste !

Nous réfléchissons par exemple à encourager l’agro-foresterie afin que les agriculteurs plantent des arbres aux abords de leurs champs puisque toutes les haies ont été coupées au fil du temps. L’agro-foresterie permettrait aux professionnels de la terre de s’assurer un patrimoine. Pourquoi pas non plus planter des arbres fruitiers dans les champs dont on dispose afin les transformer en vergers ? Nous pourrions ainsi avoir une production en proximité (filières locales) et générer une activité économique. Le défi 1 000 arbres permet de lancer des idées et des projets. Nous réfléchissons par exemple à la création dun concours photo sur les arbres. Planter des arbres, cela peut paraître comme une idée simple mais c’est une véritable politique transversale en lien avec nos services techniques, l’enfance-jeunesse, etc. Nous espérons que ce sera un atout pour l’obtention de la 3e Fleur que nous visons. Lors de la Semaine Bleue, le président du conseil départemental, François Sauvadet, viendra planter un arbre dans notre EHPAD. Et le 12 décembre, nous planterons les arbres avec leurs parrains au parc de la Saussaie en présence de nombre d’enfants. Nous multiplions aussi les événements autour des arbres ! Notre objectif, cest que toute la ville sempare du sujet »

(1) Considérée comme la plus destructrice depuis celles de 1999, la tempête Klaus frappe durement le Sud Ouest dans la nuit du 23 au 24 janvier 2009.

Propos recueillis par Camille Gablo