Quelles sont les principales tendances sur le marché de l’immobilier après cette période de confinement ? Me Guillaume Lorisson, membre de la chambre départementale des notaires de la Côte-d’Or, nous donne le ressenti d’une profession qui intervient à toutes les étapes des opérations immobilières.
Dijon l’Hebdo : Le Covid a évidemment paralysé le marché de l’immobilier sur notre région pendant le confinement. Quel bilan les notaires tirent-ils de cette période ?
Guillaume Lorisson : « Effectivement, cette situation totalement inédite a paralysé les nouvelles ventes, les nouvelles acquisitions sur une période qui, d’habitude, représente une forte activité des transactions. Par contre, un certain nombre de ventes qui étaient en cours au moment où tout s’est arrêté, le 16 mars, ont pu se poursuivre et 30 % sont allées jusqu’à la signature. Ce qui était surtout bloquant, c’était l’impossibilité de déménager.
Le confinement n’a évidemment pas été propice à la signature de compromis mais il a permis la préparation de projets immobiliers ».
DLH : On peut donc dire que le confinement a accéléré la digitalisation des visites…
G. L : « Sans aucun doute, cette démarche s’est accélérée pendant le confinement. Les clients ont très largement profité de ce type de visite virtuelle qui s’appuie sur la présentation de dix à vingt photos permettant de se donner une idée assez précise du bien à vendre. Et les professionnels de l’immobilier sont convaincus que ces visites « depuis chez soi » vont être de plus en plus importantes. Les photos, les vidéos vont permettre d’éliminer bon nombre de visites que l’on qualifie d’inutiles et d’organiser des rendez-vous avec des personnes qui auront déjà opéré une sélection qui correspond à leurs attentes ».
DLH : Une fois sur place, quelles sont aujourd’hui les contraintes qui s’imposent pour répondre aux règles sanitaires ?
G. L : « Agences et notaires qui font de la négociation ont mis en place un protocole appliqué à chaque visite. Il est demandé aux propriétaires de ne pas être présents. Le négociateur de l’office notarial ouvre portes et fenêtres de l’appartement ou de la maison un bon quart d’heure avant la visite qui va s’effectuer masqué après s’être lavé les mains. Tout cela se fait dans de bonnes conditions et sans problèmes.
DLH : Constatez-vous désormais une demande plus forte en direction de ce qui a manqué à beaucoup pendant le confinement, à savoir de maisons individuelles avec jardin et d’appartements bénéficiant de grands balcons ou de terrasses ?
G. L : « On l’avait pressenti et cela s’est avéré complètement vrai dès la sortie du confinement. On est même près dans une situation qui touche quasiment à l’hystérie. C’est en effet une bousculade qui suit la mise en vente de maisons avec jardins ou d’appartements avec balcons ou terrasses. On fait le forcing pour visiter et les décisions d’acquisition sont pratiquement prises à la sortie de la visite. C’est un retour que partagent très largement les agents immobiliers ou les particuliers qui vendent directement aux particuliers ».
DLH : Le marché de l’immobilier va-t-il dépendre essentiellement de l’intensité de la reprise économique ? L’incertitude n’est-elle pas de nature à repousser des projets d’achat ?
G. L : « C’est une crainte qu’on peut avoir mais qui aujourd’hui n’existe pas. Nous sommes clairement dans un marché qui a maintenu une forte dynamique avec toujours beaucoup d’acheteurs et, globalement, un manque de biens à vendre. Qui plus est, les candidats à l’acquisition sont en meilleure position qu’ils étaient avant le confinement. L’épargne a augmenté. Les statistiques nationales montrent que les livrets A ont été remplis.
Les vendeurs peuvent donc se rassurer, les acheteurs sont bien là, prêts à se lancer, motivés également par des taux d’intérêt qui restent bas. Reste à savoir si la motivation sera toujours là à l’automne prochain avec les doutes qui planent sur l’activité économique et les craintes légitimes de pertes d’emplois ».
DLH : On peut donc encore dire que la pierre est une valeur refuge ?
G. L : « La pierre est sans aucun doute une valeur refuge. Au-delà de ces candidats acquéreurs qui vont aller chercher des maisons avec jardins, des appartements avec balcons, on commence à voir un certain nombre de personnes, inquiets par les comportements de la Bourse, liquider contrats et placements financiers pour investir dans des biens tangibles comme l’immobilier. C’est un réflexe que l’on a constaté dans toutes les périodes de crise. Que ce soit en 2008, en 2013, il y a toujours eu une partie de nos concitoyens qui ont décidé de réduire leur patrimoine financier pour le convertir vers l’immobilier ».
DLH : Comment se comportent les ventes de l’ancien sur la métropole dijonnaise ?
G. L : « Comme je vous l’indiquais précédemment, les ventes sont dynamiques. Sur la région, les prix ne sont pas exorbitants comme on peut le constater dans d’autres grandes capitales régionales. A Dijon, les prix restent encore très accessibles. Aujourd’hui, nous finissons de régulariser les actes qui n’ont pas pu l’être pendant la période de confinement. Beaucoup de nouveaux compromis arrivent dans nos études. Beaucoup de dossiers se signent. Pour l’instant, les prix n’ont pas bougé. On constate même chez certains vendeurs des velléités d’obtenir des prix un peu plus élevé du fait de la rareté du nombre de biens. En tout état de cause, aucun signe de baisse des prix dans un marché que je qualifierai de solide et actif ».
DLH : Et le neuf ?
G. L : « Pour le neuf, les choses vont plutôt bien également. Ce sont les retours dont on dispose aujourd’hui ».
DLH : D’une manière générale, sur la métropole, les offres sont-elles supérieures aux demandes ?
G. L : « Non, aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de biens à vendre. C’est une vraie difficulté. Si j’avais un message à lancer en direction de vendeurs frileux, je leur dirais : « Allez y. Mettez votre bien en vente. Les acquéreurs sont là. Le marché ne se rééquilibrera qu’à la condition d’augmenter les biens à la vente ».
DLH : Quelles sont vos prévisions pour les mois qui viennent ? Quelles seront les tendances des taux et des prix de l’immobilier ?
G. L : « Pour les taux, on nous annonçait une augmentation sur l’année en cours mais les besoins de financement et de refinancement des activités vont maintenir les taux à un niveau très bas tout au long de l’année. Certes, il y a eu une très légère remontée mais pas à des niveaux suffisamment significatifs pour impacter le pouvoir d’achat immobilier. Dans l’absolu, ce pouvoir d’achat, par rapport à l’endettement, ne va donc pas bouger. Le vrai point d’interrogation, c’est l’étendue des faillites d’entreprises. Les mesures de chômage partiel sont de nature à rassurer les particuliers qui voient s’éloigner, par la même occasion, le spectre des licenciements. Le niveau de confiance est, semble-t-il, suffisant pour maintenir une activité immobilière saine ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre