« Effet de neige »… même en automne

Mécène et collectionneur, proche de Stéphane Mallarmé et d’Eugène Manet, le médecin d’origine dijonnaise Albert Robin constitua, tout au long de son existence, une riche collection où dominent les dessins et pastels de Manet, des peintures de Monet et de Sisley. 

Léguée en 1928 à la Ville de Dijon, elle ouvrit la voie à la constitution d’un fonds d’art moderne prestigieux qui doit énormément  à la donation Granville.

Malgré la présence de grands noms de limpressionnisme, cette collection ne comprenait aucun Degas, aucun Renoir, ni aucun Pissarro, pourtant l’un des pères fondateurs du mouvement. C’est à un dépôt du Musée d’Orsay que l’on doit, depuis 10 ans, de pouvoir admirer à Dijon l’un des chefs d’œuvre du maître : « Effet de neige à Eragny ».

Pissarro est un amoureux de la nature qui s’attache essentiellement à la représentation de la vie agreste où il excelle, attentif qu’il est à une représentation synthétique et objective des paysages ruraux, notamment d’Ile-de-France où il a résidé le plus souvent. S’il s’imposa jusque-là comme un paysagiste pur, il introduira après 1880 la figure humaine dans ses paysages certainement influencés par Degas.

Fidèle aux principes de la peinture de plein air et partageant avec ses amis impressionnistes le même attrait pour les effets atmosphériques, Camille Pissarro, né en 1830 (il  vécut 73 ans), accorda une grande importance au choix des sites dans lesquels il puisait des motifs déclinés au fil des saisons. La chronologie de ses œuvres suit celle de ses lieux de résidence et c’est à Pontoise, où séjourna aussi Cézanne, qu’il peignit la plupart de ses chefs d’œuvre impressionnistes.

Les dernières années de sa vie se déroulent à Eragny-sur-Epte, non loin de Gisors. Il y réalisa de nombreuses toiles sur le thème des pommiers en fleurs, empruntant à Monet le procédé des « séries ». 

La lumière froide des paysages d’hiver le séduit tout particulièrement, « Effet de neige à Eragny » peint en 1894 le rattache encore et toujours à l »impressionnisme par la construction de l’espace au moyen de petites touches de couleurs pures où dominent, juxtaposés, le mauve, le vert et le rose dans « les fluctuations de la lumière papillotante ».

Doyen des impressionnistes, Pissarro n’en fut pas moins sensible aux innovations de la jeune génération, comme en témoignera son adhésion enthousiaste au pointillisme de Seurat et son intérêt pour les recherches de Gauguin. Mais surtout pour celles de Cézanne, rencontré en 1861, qu’une admiration commune pour Courbet, unira au point de nourrir vingt ans durant une vive et heureuse émulation réciproque.

Pierre P Suter