La culture dijonnaise s’est invitée sur le terrain politique. Le bras de fer que se livrent le Département et la Ville de Dijon à propos des subventions à l’Opéra ainsi qu’à la Vapeur y est pour beaucoup. Nous avons profité de cette actualité pour interroger plus largement l’adjointe à la culture de François Rebsamen, Christine Martin, sur le bilan du MBA cinq mois après sa réouverture ainsi que sur les futures grands projets dans le domaine…
Dijon l’Hebdo : J’imagine que pour l’adjointe à la culture que vous êtes le 17 mai 2019 restera comme une date exceptionnelle… ouverture du musée des Beaux-Arts oblige ?
Christine Martin : « Effectivement, l’ouverture du MBA était attendue certes par l’adjointe à la culture que je suis mais surtout par les Dijonnais au premier chef. Cela faisait plusieurs années qu’on leur proposait un musée ouvert mais partiellement durant toute la durée des travaux. C’était un défi exceptionnel au demeurant. Il y a eu un travail formidable de toutes les équipes, notamment des bâtisseurs, de tous les corps des métiers qui ont été associés à cette rénovation, des restaurateurs d’œuvres d’art, etc. Nous sommes ravis de l’offrir à tous les Dijonnais. Aujourd’hui, et ce n’est pas moi qui le dis mais le ministre de la Culture, le MBA est après le Louvre le premier musée de France. Cette inauguration est venue conclure 18 ans d’études, de travaux mais aussi de construction des réserves, puisqu’avant celles-ci n’existaient pas, ce qui plaçait leur conservation en difficulté. Il ne faut pas oublier que le patrimoine que nous avons rénové sous l’impulsion du maire François Rebsamen est un patrimoine que l’on transmet. Nous n’en sommes pas propriétaires, nous sommes des passeurs. Après, le MBA a été revu de fond en comble dans tous les domaines, que ce soit en matière d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, de redéfinition des espaces, de muséographie, de scénographie… Le succès de cette inauguration nous a confortés dans le fait que, me semble-t-il, nous avons fait un bon choix. Nous en sommes depuis à quasi 200 000 visiteurs. C’est magnifique ! Le maire était très ambitieux sur la fréquentation de ce MBA, il avait raison ! »
DLH : Est-ce eu égard à ce succès que vous avez prolongé l’exposition de Yan-Pei Ming, « L’Homme qui pleure » ?
C. M. : « C’était formidable que la discussion entre le maire de Dijon et Ming aboutisse à l’exposition de cet Homme qui Pleure, parce que cela permet d’ouvrir le MBA sur l’art actuel, avec un artiste d’aujourd’hui. Ce que nous essayons de faire à Dijon, dans tous les domaines, c’est bien sûr d’entretenir et de parler du patrimoine, de l’histoire, mais également de les faire vivre. Et ce, en les confrontant dans de judicieux rendez-vous avec ce qui se produit aujourd’hui. Et Ming c’est tout cela… Il est entré en dialogue avec nos collections. C’est un précipité de notre histoire de l’art avec un artiste exceptionnel qui vit à Dijon et qui est heureux de vivre à Dijon ! »
DLH : Pourquoi avoir décidé la gratuité du MBA, comme des autres musées de la Ville (et ce dès 2004) ?
C. M. : « On peut faire des choses merveilleuses mais elles n’ont de valeur que si elles se partagent. Pour toutes et tous. Les musées, les bibliothèques sont gratuits. L’art et la culture ne valent que parce qu’ils se partagent. Ces décisions politiques ont un sens : nous ouvrons les portes. Je pense en premier lieu aux Dijonnaises et aux Dijonnais mais aux touristes également. Pour les publics qui nous concerne, cela permet de lever le frein financier. Mais encore faut-il aller chercher les publics qui, malgré cette gratuité, sont éloignés de la culture. Ils sont malheureusement nombreux. Continuons de construire des actions, d’amener les enfants qui sont les meilleurs ambassadeurs de l’art et de la culture ! L’image est très belle : des parents viennent pour la première fois au musée guidés par leur enfant. Je suis persuadée que notre monde se porterait mieux si l’art et la culture étaient à leur juste place pour créer du lien entre les hommes et les femmes… »
DLH : Dans notre dernier numéro, le président du conseil départemental, François Sauvadet, a expliqué les raisons de l’arrêt des subventions du Département à l’Opéra de Dijon ainsi qu’à la Vapeur. Comment avez-vous réagi à cette décision ?
C. M. : « Sidération ! Etonnement ! Incompréhension ! Je n’ai pas saisi qu’en plein été je reçoive un courrier m’annonçant la fin de ces subventions alors que les conseillers départementaux siégeant au nom de leur président dans les conseils d’administration de ces deux structures ne nous ont jamais précisé que les projets culturels ne correspondait pas à la politique du Département. Ils ont tout voté et approuvé. Cela veut-il dire que ces élus ne représentent pas en réalité le président Sauvadet ? La communication est très forte vis à vis de l’extérieur mais, manifestement, les tuyaux sont grippés en interne au conseil départemental ! Si je m’en tiens seulement aux compétences du Département, ces structures portent un projet d’accueil massif des collégiens ou des ateliers de médiation, d’éducation artistique qui se déplacent dans les collèges sur toute la Côte-d’Or. D’où mon incompréhension totale. Lorsque le conseil départemental annonce qu’il supprime sa subvention à la Vapeur, labellisée salle de musique actuelle, il devient une exception. Sur la région Bourgogne Franche-Comté, les 7 autres départements soutiennent leur salle de musique actuelle. Le Département considèrerait-il que la métropole ne fasse pas partie de la Côte-d’Or ? Les Dijonnais, les habitants des autres communes de la métropole sont côte-d’oriens. Qu’est-on en train de leur dire ? Qu’ils ne le sont pas ! »
DLH : François Rebsamen est allé plus loin en dénonçant le fait que « le Département faisait la campagne électorale… »
C. M. : « J’ose espérer que c’est une erreur de trajectoire du Département. Je ne veux pas imaginer qu’il se place sur un autre axe : est-ce la guerre ouverte précédent les municipales ? Comme je le disais précédemment, l’art et la culture doivent réunir les hommes mais manifestement ils sont dangereux politiquement ! »
DLH : Restons un instant sur les prochaines élections municipales. La métamorphose du MBA a été le grand projet des deux dernières décennies en matière culturelle. Quels nouveaux projets d’envergure présenterez-vous aux Dijonnais en mars prochain ?
C. M. : « Nous ne sommes pas, pour notre part, dans l’élection municipale. Nous sommes au travail. D’autres sont déjà dans les enjeux électoraux pendant que nous nous travaillons. Je suis adjointe à la culture jusqu’à ce que les citoyens ou le maire en décide autrement. Je travaille mais concernant les projets que vous évoquez, bien évidemment, nous sommes plein d’imagination, d’envie et d’ambition pour notre territoire. Ils pourront être aussi importants que celui du MBA mais également plus modestes, au plus près des habitants… Dijon est une ville de patrimoine, une ville d’art et d’histoire, mais aussi une ville de création, une ville actuelle. Une ville dans laquelle nous n’hésitons pas à installer une œuvre contemporaine de Gloria Friedmann ou encore le Semper Virens place François-Rude. Celui-ci fait désormais partie de l’imaginaire collectif de notre ville, presque au même titre que la Chouette. C’est cela une ville vivante, qui évolue, qui n’est pas figée. Je suis dijonnaise, je n’ai pas envie que ma ville se rabougrisse, se fige. Les habitants sont vivants, la ville est, selon moi, un organisme vivant en mouvement. Personne ne demande leur racornissement et la culture est justement un moyen de ne pas se racornir. La création, c’est cette possibilité de vitalité. Encore faut-il qu’elle soit accessible à tous. D’où ce besoin de financement… »
DLH : Surtout que la culture est multiple à Dijon…
C. M. : « La culture à Dijon n’est pas simplement portée par des grandes maisons, comme le MBA, l’Opera, la Vapeur. C’est aussi le Consortium, le Frac Bourgogne qui incarnent la création d’aujourd’hui. Ce sont des associations culturelles, des galeries comme Interface, Vortex, des lieux d’art comme l’atelier Chiffonnier. Ce sont des compagnies en résidence, des ensembles musicaux… La culture se construit avec tous les créateurs qui font des propositions ayant du sens. C’est puissant tout de même de se dire que le maire a choisi les Grésilles pour y installer le Centre de développement chorégraphique Art Danse. Nous essayons d’être à tous les rendez-vous. Ce n’est pas simple, car les budgets ne sont pas extensibles à l’infini mais la volonté partagée par l’équipe municipale du soutien à la création est primordiale ».
Propos recueillis par Camille Gablo