Cinéma : Un couteau dans le cœur

 

Thriller de Yann Gonzales avec Vanessa Paradis, Kate Moran et Nicolas Maury.

 

Paris, été 1979. Anne (Vanessa Paradis en blonde platine) est productrice de pornos gays au rabais. Lorsque Loïs (la radieuse Kate Moran), sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald (Nicolas Maury, Hervé dans la série Dix pour cent). Mais un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné et Anne est entraînée dans une enquête étrange qui va bouleverser sa vie…

En l’espace de dix mois, on aura pu voir Vanessa Paradis dans cinq longs-métrages très différents et plutôt enthousiasmants. La première photo d’Un couteau dans le coeur, le nouveau film de Yann Gonzalez, le réalisateur français des Rencontres d’après minuit, nous dévoile une Paradis blonde platine, en trench coat noir, de profil dans un décor urbain et nocturne, devant des affiches publicitaires, où une bouche au sourire agressif « ultra white » vante les mérites d’une pâte dentifrice. Le thriller franco-mexicain est présenté le jeudi 17 mai en compétition sur la Croisette où Vanessa est attendue comme la star incontestable qu’elle est devenue.

Trente ans après la parution de son premier album Marilyn et John, entièrement écrit par Étienne Roda-Gil et composé par Franck Langolff, Vanessa montera les marches pour défendre son personnage de Marilyn des bas-fonds dans un film estimé au parfum de scandale, plus « cul » que Coco pour cette égérie de la maison Chanel.

Oubliée la jeune femme malmenée des débuts, qu’un chauffeur de taxi alcoolique et mélomane, amateur d’Yma Sumac et de Xavier Cugat, de rumba et de mambo, aura propulsé sur le devant de la scène, au rythme d’une B.O. sortie d’un vieux polar des années 50. Joe le taxi était en réalité plus éloigné de la variété débile qui inondait la bande FM des années 80 que du septième art.

Le sulfureux Jean-Claude Brisseau ne s’y trompe pas lorsqu’il propose le rôle de Mathilde à Vanessa dans Noce blanche, renonçant à faire jouer Charlotte Valandrey découverte trois ans plus tôt dans Rouge baiser de Véra Belmont aux côtés de Lambert Wilson. Le tournage de Noce blanche est un enfer, Paradis s’en prend plein la gueule, secouée à gifles réelles par Bruno Cremer. Ça ricane sec en coulisse. Tout le monde prédit un bide sidéral à la Lolita du Top 50, jalousée et méprisée. Pourtant grâce au talent et à la grâce de la jeune femme, le film est un succès public et critique : Vanessa remporte le Prix Romy Schneider et le César du meilleur espoir féminin.

A 17 ans, la carrière cinématographique de la jeune chanteuse est bien lancée. Elle préfère néanmoins faire Tandem avec Gainsbourg et être la « Baby » de Kravitz plutôt que de s’exposer à la lumière des projecteurs de cinéma. Vanessa Paradis attendra 1995 et le retour de Jean Becker qui n’avait rien tourné depuis L’Eté meurtrier pour donner la réplique à Gérard Depardieu dans Elisa, autre hymne gainsbourien. Deux films de Patrice Leconte viendront clôturer le vingtième siècle : le poussif 1 Chance sur 2 avec Belmondo et Delon et le splendide La fille sur le pont, peut-être le plus beau film de son réalisateur.

Au début des années 2000, Vanessa tourne très peu, jusqu’au succès  de la réjouissante comédie du regretté  Pascal Chaumeil, L’Arnacoeur, hommage décalé à Dirty Dancing avec l’irrésistible Romain Duris.

En 2013, alors que Paradis sort son sixième album studio Love songs, produit et réalisé par Benjamin Biolay, le précédent opus de Yann Gonzales Les Rencontres d’après minuit est présenté à Cannes dans une section parallèle : La Semaine de la critique. Le film est  précédé d’un parfum de scandale, d’autant que le casting accueille un débutant de vingt ans au nom mythique : Delon, Alain-Fabien de son prénom. Un grand film de genre dans la tradition du cinéma fantastique français, à redécouvrir d’urgence.

Parions que si Un couteau dans le coeur décroche une récompense sur la Croisette, ou mieux encore si Vanessa Paradis remporte le Prix d’interprétation cette année à Cannes, l’œuvre de Yann Gonzales aura alors une visibilité inespérée… et pourtant amplement méritée. Promis, nous refaisons le point à la prochaine chronique !

Raphaël Moretto