HOSTILES : Western américain et road-movie

 

Hostiles western américain et road-movie de Scott Cooper avec Christian Bale, Rosamund Pike et Wes Studi.

 

En 1892, le capitaine de cavalerie Joseph Blocker (Christian Bale, abrupt, gauche et ombrageux), ancien héros de guerre devenu gardien de prison, est contraint d’escorter Yellow Hawk (le vétéran tout en retenue Wes Studi), chef de guerre Cheyenne mourant, sur ses anciennes terres tribales. Peu après avoir pris la route, ils rencontrent Rosalee Quaid (Rosamund Pike, toujours aussi bouleversante après Gone Girl et HHhH). Seule rescapée du massacre de sa famille par les Comanches, la jeune femme traumatisée se joint à eux dans leur périple. Façonnés par la souffrance, la violence et la mort, ils ont en eux d’infinies réserves de colère et de méfiance envers autrui. Sur le périlleux chemin qui va les conduire du Nouveau-Mexique jusqu’au Montana, les anciens ennemis vont devoir faire preuve de solidarité pour survivre à l’environnement et aux tribus comanches qu’ils rencontrent.

Au moment où vous lirez ces lignes, HOSTILES, le magnifique western crépusculaire de l’acteur, scénariste et réalisateur Scott Cooper aura-t-il encore l’honneur de figurer (comme il le mérite pourtant)  à l’affiche des grandes salles de notre agglomération dijonnaise ? Ce road-movie pacifiste, et pourtant hyperviolent, est une lente et dure expédition à travers des paysages sauvages. Le film est  tourné en décors naturels au Nouveau Mexique et dans le Colorado, sublimés par le travail du chef opérateur Masanobu Takayanagi. La lumière y est éblouissante et contrastée,  pour une esthétique aux tons sépias proche du noir et blanc. L’équipe du film a entrepris un minutieux et admirable travail historique, et à ce titre une part significative des dialogues est prononcé dans la langue des Cheyennes du Nord. Pour accompagner l’ambiance sonore particulière d’un western farouche et lent, Max Richter, compositeur électro-acoustique, a autant puisé son inspiration dans Bach que dans le punk rock !

Une citation de D.H. Lawrence ouvre le beau film âpre et primitif de Cooper et sa dream team : « L’âme américaine est dure, solitaire, stoïque : c’est une tueuse. Elle n’a pas encore été délayée ». Nous sommes très loin de l’assimilation et du brassage culturel qui pourrait faire la force des Etats Unis. D’ailleurs Scott Cooper s’en explique très bien …

« J’ai toujours voulu réaliser un western mais je tenais à le faire à ma façon. Je voulais qu’il soit pertinent au regard des questions raciales et culturelles qui agitent actuellement l’Amérique. Nous sommes tous conscients des mauvais traitements  qui ont été infligés aux Amérindiens, mais on peut voir le même schéma se reproduire aujourd’hui avec  les Afro-Américains ou la communauté LGBTQ. Cette histoire soulève des problèmes universels. »

Western longtemps sans cow-boys, HOSTILES ne tombe jamais dans la facilité ni dans les clichés du film de genre. La haine et la soif de vengeance finissent ici par se transformer peu à peu en assentiment et estime de l’autre. Les ennemis sont contraints de s’entendre. La route est longue pour ce convoi de survivants, où chacun questionne son passé. Cette métaphore métamorphosante se traduit par l’immense et dangereux chemin parcouru, ainsi que par la durée exceptionnelle de ce chef-d’œuvre engagé. Deux heures et treize minutes, un temps mortel où le mal peut surgir à tout moment : une expression également du destin du monde et de son actualité tragique, préférant souvent la violence à la confiance ou à l’écoute.

Se distille ainsi dans HOSTILES une philosophie intemporelle, écrite avec subtilité par un sens du cadrage et une mise en scène précise, intimiste et réaliste, fulgurante et violente, invitant le spectateur à finir lui-même ce voyage épuisant, triste et pourtant essentiel. La dernière scène est d’une beauté à couper le souffle.

Raphaël MORETTO