« Mon curé chez les nudistes »

 

« Au-delà de cette limite, votre slip n’est plus valable » avertit un écriteau à l’entrée du camp de tout-nus qui sert de décor principal au film éreinté aujourd’hui. Métaphoriquement, cette mise en garde vaut aussi pour vous, lecteurs curieux, avant de poursuivre la lecture de cet article qui sera vulgaire, inconvenant, croustilleux, relâché, trivial et documenté.

C’est en 1982 que Robert Thomas réalise Mon curé chez les nudistes, film qui brasse avec panache une ribambelle d’idées imbéciles et un regard pseudo-sociologique pénétrant, très pénétrant même, sur les mœurs vacancières des Français subversifs de l’époque. Il faut dire que le camp retranché de nudistes était devenu, grâce à Louis de Funès, Michel Galabru et autres gendarmes de choc, un des décors clés de l’érotisme burlesque période Pompidou-Giscard. Mais l’œuvre est aussi une belle et grave méditation sur la Passion du prêtre et les exigences de la Pastorale qui doit s’exercer dans les milieux les plus hostiles : Iroquois, Chinois maoïstes, cocos de banlieue, abbés flagorneurs et … naturistes.

Ici, c’est le curé Daniel qui doit porter sa croix pour évangéliser les tribus gauchisantes à poil, rétives à la Sainte Parole et aux bonnes mœurs. Responsable de la paroisse de Saint-Albert-sur-Tine (et non pas sur Pine, ce n’est pas un film gay), notre bon pasteur attire des foules de fidèles à la messe et leur soutire avec brio l’argent nécessaire à la restauration de son église. Il transforme ses sermons en spectacles humoristiques et pratique brillamment le one man show en chaire (et en os). Par exemple, il mime les animaux de l’Arche de Noé : la carpe (!), le lion, le caméléon, la mouche tsé-tsé, et les fidèles doivent deviner quel animal il imite. C’est hilarant. A l’issue du show, la communion est obligatoire, avec hostie payante dont le cours ne cesse de grimper. « Vu le prix du pétrole, Mademoiselle Berthe (une sorte de bedeau femelle) a mis l’hostie à 20 francs » précise le cureton, ce qui laisse pensif, voire inquiet, quant aux ingrédients et à la composition alimentaire du corps du Christ.

Mis au courant des dons comiques de son subordonné, l’évêque du diocèse le charge d’une mission capitale : célébrer une messe festive au cœur d’un club naturiste, le Camp du Veau d’Or, afin de ramener sur les sentiers de la Foi les brebis égarées adeptes du nu intégral. Mais Monseigneur présente au naïf Daniel l’endroit satanique comme un simple club de vacances sans particularités… particulières. Il s’ensuit une série de quiproquos, de surprises traumatisantes pour le bon père, ce qui occupe toujours une demi-heure dans un film qui dure 82mn.

Terrorisé par le lupanar où il a mis les pieds (les pieds ?), notre Daniel dans la fosse aux lionnes est assailli de visions infernales : des seins, des fesses, des esquisses de raminagrobis, des aréoles rougeâtres, des cuisses en avalanche, des bites en ballottage… Mais non, justement, on ne voit pas de bites. L’Arme Fatale masculine est toujours cachée par un buisson fourni, un sac en bandoulière, un très grand verre à cocktail. Remarquez, en l’occurrence, je ne regrette rien, mais une telle décence ciblée fait quand même un peu faux-cul. Tout le sexe prétendu fort est représenté par le zizi de libellule d’un bambin dont le prêtre infiltré (il n’a évidemment pas fait état d’emblée de ses fonctions) pousse la balançoire, sans aucune arrière-pensée, faut-il le préciser.

Le déroulement du scénario est bien sûr prévisible : habillé d’une jolie barboteuse-salopette rose, tenue de rigueur pour les nouveaux-venus qui ont du mal à s’adapter aux règles du camp, le missionnaire clandestin finit par sympathiser avec les culs-nus, par éviter un vol de bijoux et par célébrer un mariage entre la fille du directeur du club et le fils du fermier voisin, arriéré et hostile à l’aération des entrecuisses de tout genre. En somme, c’est un Roméo et Juliette qui se termine bien au pays des nichons.

Concluons en soulignant que Daniel est interprété par Paul Préboist qui, à lui seul, est un label de nanardise assurée. Avec son faciès gélatineux, imiter le caméléon fou n’est pas pour lui un rôle de composition. Mais allez, il est sympa au fond, surtout quand il boit des cocktails dont la composition étonne, tel un magma détonant de « cocaïne, moutarde de Dijon, cantharide et poudre à fusil ». Santé !

 

Références : Mon curé chez les nudistes (France, 1982)

Réalisateur : Robert Thomas

Costumes : Sylviane Combe

Edité en DVD chez Panorama, avec mention « Tous publics »