Les Carmélites : un bijou du baroque

 

De nombreuses églises et chapelles qui émaillaient Dijon sous l’Ancien Régime ont disparu au XVIIIe siècle, tout autant dans la tourmente révolutionnaire que dans les premières années du XIXe siècle : c’est en 1802 que l’on commença la destruction de la Sainte-Chapelle, l’un des joyaux de l’art gothique, élevé par les Grands Ducs. Il faut beaucoup de conviction pour l’imaginer là où un parking l’a malheureusement remplacée entre le Musée des Beaux-Arts et le Grand Théâtre !

La Chartreuse de Champmol, les églises et couvents de la Visitation, des Jacobins, des Minimes, des Capucins, des Cordeliers, des Carmes, et d’autres encore furent autant de victimes de l’histoire. Certains édifices, réutilisés, ne furent que partiellement détruits. Si les bâtiments  sévères du couvent des Carmélites, devenu caserne en 1810, ont été préservés, l’église, elle, ne conserva que sa façade.

Elle surgit à l’angle de la rue Sainte-Anne et de la rue Victor-Dumay, ces deux rues délimitant l’ensemble de couvents le plus important de la ville : à l’enclos des Cordeliers, installé là dès le XIIIe siècle, s’étaient accolés au XVIIe siècle, les monastères des Carmélites et des Bernardines, ordres féminins florissants alors dans les villes avec le renouveau religieux né de la Contre-réforme.

Les grands quadrilatères rigoureux des couvents s’inscrivent alors de façon reconnaissable dans l’espace urbain, lui donnant une configuration qui perdurera au travers des siècles.

Les couvents des Carmélites et des Bernardines, s’ils marquent la topographie dijonnaise, représentent aussi une étape particulière dans l’histoire de l’architecture religieuse. Leurs églises sont les deux seules qui soient directement inspirées de l’art baroque italien : la première (1609) s’inscrit dans la filiation de l’église du Gésu à Rome (1568) et l’autre (1699-1708), reprend la formule de Santa Maria della Salute à Venise (1631-1648).

La façade de l’église des Carmélites est sans doute celle qui surprend le plus, avec ses étagements de sculptures. Elle semble même incongrue au débouché de la rue Sainte-Anne, par la richesse exubérante de son architecture, en regard des immeubles sans grand caractère, qui l’entourent. Elle a du baroque ce mouvement ascensionnel qui emporte le regard, des colonnes jusqu’à l’effigie du Christ roi transfiguré et à la croix qui somment l’édifice.

Elle a surtout une vibration particulière qui tient aux nuances roses et ocres de la pierre : une alliance rare de la couleur et de la profusion ornementale, qui, comme  l’hôtel de Voguë, rue de la Chouette évoque immédiatement l’atmosphère d’une Italie fastueuse, telle un bijou baroque.

Marie-Claude PASCAL