Spécial Collectivités / Ludovic Rochette : « Je crois en l’avenir des communes »

 

Dijon l’Hebdo : L’assemblée générale de l’Association des maires de Côte-d’Or va se tenir prochainement dans le cadre du salon Cité 21. Quels en seront les thèmes principaux ?

Ludovic Rochette : « La place de la commune dans la République sera le thème principal. L’objectif est de démontrer que cet « échelon de base » est foncièrement moderne et qu’il a donc un avenir. Nous évoquerons, bien évidemment, les questions fondamentales en terme de pérennité financière qui constitue l’enjeu des négociations entre l’État et les collectivités ».

 

DLH : Alors que la grogne continue de monter du côté des collectivités locales, le porte-parole du gouvernement veut se montrer rassurant en évoquant le budget 2018. Devant les préfets, Emmanuel Macron a confirmé qu’il n’y aurait pas de baisse de la dotation globale de fonctionnement en 2018. Vous êtes désormais rassuré ?

L. R : « Comment peut-on se réjouir de l’arrêt d’une baisse ? Se réjouir ? Non, nous ne sommes surtout pas dans cet état d’esprit. Surtout dans un contexte où l’on « charge la barque » en même temps… C’est le minimum que l’on puisse attendre aujourd’hui de l’État : l’arrêt de la baisse des dotations. C’est aussi le minimum pour la survie de certaines collectivités… Mais 2018 verra apparaître d’autres charges. Par exemple, les communes viennent de récupérer le PACS… Preuve qu’au niveau de l’État, quand on ne sait plus quoi faire, on se dirige vers nous… Maintenant, on peut voir le verre à moitié plein : si les communes n’avaient pas d’avenir, on ne les solliciterait pas ainsi.

Autre exemple : l’an prochain, dès le 1er janvier, la quasi-totalité des communes vont devoir prendre en charge financièrement  l’instruction des permis de construire en lieu et place de l’État. On voit bien que 2018 ne sera pas une simple retranscription de 2017. »

 

DLH : De nouvelles économies menaceraient-elles les services que les communes rendent à leurs administrés ?

L. R : « Bien évidemment. Quelles sont les économies supplémentaires que l’on peut faire ? Il y a peut-être encore des pistes en terme de mutualisation entre collectivités, des systèmes de gestion alternatifs indirects… Franchement, on voit que les collectivités ont fait des efforts conséquents et que pour beaucoup d’entre elles, on est à l’os. »

«  Devant les difficultés, on voit que la commune fait face et s’adapte avec souplesse. »

DLH : N’avez-vous pas le sentiment que, derrière cette pression financière, le but de l’État est de supprimer des strates administratives et notamment un certain nombre de communes ?

L. R : « Franchement, je n’ose pas pas imaginer que ce soit le but encore inavoué de l’État. Si c’était le cas, ce serait purement et simplement la remise en question du système français qui est basé sur la commune même si on entend trop souvent qu’il y a trop de communes, trop d’élus… Ca voudrait dire qu’il y a trop de bénévoles. Cette remise en cause serait grave pour la République. »

 

DLH : Cela fait près de deux ans maintenant qu’un décret est venu simplifier les conditions permettant aux collectivités locales de recourir au crowdfunding. Il s’agit d’un financement participatif d’un genre nouveau leur permettant de financer des projets locaux. Alors que les ressources financières des collectivités sont de plus en plus limitées, le crowdfunding, à l’instar du mécénat, constitue un nouvel outil privilégié à disposition des territoires. Est-ce une pratique sur laquelle les maires s’appuient aujourd’hui ?

L. R : « Les mentalités évoluent au sein des élus et c’est une bonne chose. Aussi voit-on quelques initiatives ici ou là dans ce domaine. C’est la preuve, là aussi, qu’il faut faire confiance aux élus municipaux. Voilà des années que l’on voit des initiatives multiples sur tous les territoires avec des expérimentations. Devant les difficultés, on voit que la commune fait face et s’adapte avec souplesse. Une souplesse qu’il serait regrettable de ne plus voir aux 36 000 coins de notre République. »

 

DLH : Le crowdfunding, c’est la version moderne du Système D ?

L .R : « Dans chaque commune, le Système D il existe. Mais il y a aussi le Système A, c’est à dire associatif, indispensable pour assurer un lien social efficace. Il y a aussi le Système B, c’est à dire le bénévolat. Mais c’est peut-être le Système C qui est le plus efficient. C comme coeur. Et il faut avoir un coeur gros comme ça pour s’investir totalement dans l’intérêt public. »

 

DLH : Le Projet de loi de finances 2018 introduit un nouveau dispositif prudentiel permettant de contrôler plus étroitement le niveau d’endettement d’une collectivité vis-à-vis de son épargne. Souvent utilisé en matière d’analyse financière, ce ratio aura désormais une portée normative et le Préfet interviendra en cas de non-respect. Est-ce une bonne chose ?

L. R : « Les élus sont des personnes responsables. Ils vous répondront oui. Il y a une base fondamentale dans le budget des collectivités, c’est l’équilibre. Cette règle d’or, elle est fixée. Ensuite, il est nécessaire de trouver un équilibre et une confiance entre cette liberté de gestion et un encadrement qui s’inscrit pleinement dans le rôle de l’État. »

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE