Jeune Femme… à l’affiche

Jeune Femme comédie franco-belge de Léonor Serraille avec Laetitia Dosch et Léonie Simaga

Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches, voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache.

Les acteurs et les actrices, comme les réalisateurs et les réalisatrices, construisent une œuvre. Aussi, au fil des chroniques de ce journal, nous aimons autant célébrer le travail des stars mythiques (Deneuve, Huppert ou Belmondo) et interprètes retentissants (Marceau, Cotillard ou Di Caprio)  que défendre le cheminement des jeunes talents (Elle Fanning, Adèle Haenel ou Exarchopoulos). Aujourd’hui, nous ne sommes pas prêts d’oublier l’œuvre que la pimpante Laetitia Dosch s’apprête à concrétiser. Découverte au côté de Vincent Macaigne en 2013 dans La Bataille de Solferino de Justine Triet, la jeune femme brûle non seulement les planches avec son one woman show L’Album, mais elle crève également littéralement l’écran dans Jeune Femme, Caméra d’or au Festival de Cannes et Prix du meilleur film français au Champs-Élysées Festival.

« Être une Jeune Femme, qu’est-ce que cela signifie » semble se demander la metteuse en scène Léonor Serraille ? Son héroïne, autant que le long métrage qui lui rend hommage, cherche son chemin, sa liberté, son identité, alors que Paula est en plein naufrage affectif, professionnel et existentiel.

Pourtant, comme Louise (Catherine Deneuve) dans Tout ce qui nous sépare de Thierry Klifa (voir notre numéro précédent), Paula est une femme combattive, un personnage déterminé et puissant. La cinéaste a souhaité réaliser le portrait d’une femme singulière, confrontée le temps d’un hiver à la solitude. Un tempérament fort et vulnérable, trahi par ses qualités, sublimé par ses failles. Son film est un « film personnage », portrait d’une femme contemporaine prise dans le tourbillon de la vie. Le titre annonce la couleur : « Jeune » ou un témoignage sur la précarité vécue par la jeunesse, sa difficulté à s’immiscer dans le monde des adultes, à s’insérer sur le marché du travail. « Femme » comme l’est infiniment, excessivement, incomparablement la comédienne Laetitia Dosch… et l’ensemble de l’équipe du film, jusqu’à la compositrice de la bande originale !

Volontairement dérangeante et sans limites, glamour et rebutante à la fois, Laetitia Dosch n’hésita pas à uriner sur la scène de son précédent spectacle, provocation ultime au nez et à la barbe des spectateurs médusés. La jeune femme est une véritable performeuse : parions que cette qualité rare a dû compter dans la volonté de Léonor Serraille de confier le rôle titre de son premier film à Laetitia.

La jeune réalisatrice met en scène une femme dans la ville, inventant pour elle un langage et une attitude singulière. Paula circule librement, habillée comme elle veut, roulant des mécaniques comme un mec. La comédienne joue toutes les couleurs du personnage, passant d’une énergie brute à une douceur mélancolique. Elle est à la fois une femme fatale ou glaçante, une insupportable adolescente ou une petite fille attendrissante. Sur l’écran, l’image granuleuse et le montage nerveux ressemblent à ce que vit Paula. Des choses très crues sortent irréversiblement de sa bouche, dans des décors chaleureux et sensuels, résolument féminins.

L’errance de Paula passe par une traversée de zones socialement marquées : l’appartement huppé de Johachim (Grégoire Monsaingeon), la maison en banlieue de la mère (Nathalie Richard), la chambre de bonne ou l’appartement d’Ousmane (Souleymane Seye Ndiaye). Enfin, dans les couloirs du métro, la musique de Gil Evans retranscrit fidèlement les divagations de notre héroïne.

Mais c’est Julie Roué qui signe les chansons du film, dont celle du générique de fin, Like a dog, interprétée par Angèle Chiodo. Une affaire de jeunes femmes… Leurs partitions personnelles donnent aux images une puissance allusive, la composition musicale recherchant des mélodies susceptibles de soutenir Paula dans ses égarements d’Aubervilliers à Montparnasse. Le résultat est d’une cool frénésie et d’une authenticité étonnante, au même titre que Laetitia Dosch, tellement fraîche et attachante. Alors, sous aucun prétexte, ne manquez votre rendez-vous avec elle.

Raphaël Moretto