Didier Martin : « Booster le redémarrage économique ! »

Député de la République en Marche sur la 1re circonscription de Côte-d’Or, Didier Martin évoque les grandes réformes actuelles : Code du travail, loi antiterrorisme… Mais l’élu dijonnais aborde également les sujets plus sensibles tels que la fin des emplois aidés, la baisse des APL ou encore la chute de popularité d’Emmanuel Macron. Au programme aussi de cette interview de rentrée politique, ses rapports avec François Rebsamen…

 

Dijon l’Hebdo : « La République ne cédera jamais face à l’émergence de ce nouveau totalitarisme qu’est le terrorisme », a exhorté le ministre de l’Intérieur, Gérard Colomb, tout en reprenant les propos de Jaurès sur la nécessité de concilier « la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ». La loi antiterroriste destinée à sortir notre pays de l’état d’urgence, ne représente-t-elle pas un équilibre difficile à trouver ?

Didier Martin : « Certaines mesures qui étaient inspirées de l’Etat d’urgence vont entrer dans le cadre de la République. Et nous avons vu l’efficacité de ces mesures, avec les attentats déjoués et les victimes évitées. Nous avons suffisamment de recul pour admettre que ces mesures sont indispensables mais elles ne peuvent pas être inscrites définitivement dans un état d’urgence. Aussi faut-il changer la loi… Nous avons trouvé le bon équilibre vis à vis de ceux qui voulaient maintenir des mesures beaucoup plus fermes et ceux qui, à gauche, pensaient que seules les lois de la République et la Démocratie suffisent. »

DLH : Les ordonnances sur la Réforme du Code du Travail ont fait couler beaucoup d’encre. Quelle est votre position sur cette première grande mesure signée Emmanuel Macron ? 

D.M. : « La Réforme du Code du Travail représente le 1er étage de la fusée. La suite va venir sur la formation professionnelle, le chômage ou encore la loi sur les entreprises au printemps. Les Français ont approuvé à deux reprises la méthode proposée : lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Il n’y a ainsi aucune surprise sur la méthode employée. Chacun a pu voir ce qu’il pouvait en retirer, que ce soit du côté des salariés ou des entreprises. Il faut prendre de la hauteur par rapport à tous ces éléments. Quel est l’objectif aujourd’hui ? Alors que l’on assiste à une amélioration de la conjoncture économique, il ne faut pas faire ce qui s’était fait avant : autrement dit ne rien changer puisque les choses s’arrangent par elles mêmes. Au contraire, il faut profiter de cette embellie pour accélérer la transformation économique en France. Et en prenant l’objectif entreprises en premier, parce que ce sont elles qui peuvent créer des emplois et de la richesse…Les entreprises attendaient un signal. Elles l’ont reçu. Nous verrons également avec le projet de loi de finances 2018 tous les éléments incitatifs. Il faut changer les mentalités, rétablir la valeur travail comme étant celle qui porte le développement et la prospérité. Il faut que le travail paie. Cette formule a déjà été employée. Cette confiance partagée doit permettre la modernisation, la numérisation des services publics, dans le plan d’investissement d’avenir, mais aussi de toute l’économie. Bref, il faut voir dans nos projets les éléments essentiels afin de booster le redémarrage économique ! »

DLH : La CPME 21 a accueilli avec enthousiasme cette réforme du Code du Travail…

D.M. : « Notre objectif est de favoriser la croissance afin de développer les PME, faire émerger des entreprises intermédiaires. Le message a été très bien compris en direction des PME »

DLH : Avec cette réforme, beaucoup ont estimé que La République en Marche était plus sur sa jambe droite que sur sa jambe gauche. Et notamment les syndicats qui poursuivent la mobilisation dans la rue…

D.M. : « Les syndicats ont été associés aux ordonnances et nous avons vu qu’il y avait une appréciation différente. Ils ne forment pas un front uni. Aujourd’hui, il faut bien voir qu’il y a une autre façon de lire le projet de loi de finances pour 2018 avec des mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat : la prime à l’emploi, l’allègement des charges sociales chômage-maladie sur les petits salaires, des mesures pour l’allocation adulte handicapé, le minimum vieillesse, l’emploi à domicile… La feuille de paye va être prise en compte. Il va y avoir, et de plus en plus sur les 5 ans à venir, une augmentation du net à payer au bas de cette feuille de paye. C’est un ensemble qu’il faut voir : à la fois des réformes structurelles en faveur de la reprise et des entreprises mais aussi des mesures favorables au pouvoir d’achat ! »

DLH : En ce qui concerne la baisse des Aides personnalisées au logement (APL) ou encore les contrats aidés, la pilule semble tout de même difficile à avaler…

D.M. : « Il faut laisser tomber les postures. Que ce soit sur les APL ou sur les contrats aidés, l’opposition s’arc-boute dans des postures. C’est un changement complet de l’algorithme que nous voulons mettre en place. Nous savons tous pourquoi les APL ont baissé de 5 € : c’était inscrit dans le budget précédent. Nous savons pourquoi le stock de contrats aidés qui était dans la loi votée par le gouvernement Hollande s’est épuisé. Que fait-on ? Nous en rajoutons tout de même 40 000 parce que nous voulons tenir compte des situations particulières – des personnes de 57, 58 ans – et de certaines urgences sociales et sanitaires, dans les associations en particulier. Avec les contrats aidés, nous voyons bien qu’il n’y a pas de retour aux CDI, aux CDD de longues durées… Nous essayons de corriger le tir mais il faut changer de mentalité. Nous voulons œuvrer à une reprise et descendre le chômage à 6% à la fin du quinquennat. C’est cela qui compte ! »

 

DLH : Durant la campagne des législatives, les candidats LREM ont été qualifiés de futurs « députés godillots ». Alors, êtes-vous un député « godillot »… ou pas ?

D.M. : « Ce que l’on ne souhaite pas, c’est se diviser. Nous voulons rester unis. Nous avons des arbitrages au sein du groupe. Les amendements sont aussi votés en commission. Ce travail d’amendement des députés LREM existe et il y a des arbitrages politiques. J’ai dit pour ma part ce que je pensais des sujets d’actualités. L’avantage des députés LREM réside dans le contact direct avec les ministres. J’ai eu l’occasion d’attirer l’attention de la garde des Sceaux sur un problème particulier de la Juridiction soulevé par le Parquet et les Bâtonniers. J’ai évoqué le Levothyrox avec la ministre de la Santé, le Glyphosate avec le ministre de l’Agriculture. Nous avons des échanges directs… Bruno Lemaire, ministre de l’Economie, nous a également invités à lui adresser des messages personnels. Cet échange existe ! »

DLH : Comment expliquez-vous la baisse de la cote de popularité d’Emmanuel Macron… intervenue seulement 2 mois et demi après son arrivée à l’Elysée ?

D.M. : « Je perçois que le président nouvellement élu n’a pas bénéficié de l’état de grâce. Nous avons assisté à un changement de communication au cours de l’été qui était nécessaire. Emmanuel Macron s’est montré, il a également parlé. Il fallait qu’il parle directement à l’opinion, c’est ce qu’il a fait et c’est important pour garder une adhésion aussi grande que ce dont il a pu bénéficier. Je pense pour ma part qu’il a eu raison de changer… »

DLH : Après la campagne des législatives où vos rapports ont été (très) tendus, le maire de Dijon, François Rebsamen, nous a déclaré, dans notre dernier numéro, que « les rapports étaient bons avec les élus LREM ». L’heure est-elle réellement à l’apaisement ?

D.M. : « J’ai rencontré François Rebsamen à France Urbaine puisqu’il est actif dans cette structure. Evidemment, les questions du logement, de sécurité, du financement des collectivités locales sont au cœur des politiques locales… Je serai là aussi pour défendre les orientations du gouvernement. Comment ? En expliquant ce qui se passe. Nous entendons parler de baisse de dotations. C’est faux. Il y aura dans le proche avenir une maîtrise de la dépense publique. Au niveau national, l’objectif du gouvernement est de – 3%. Il faut aussi que les collectivités locales maîtrisent leurs dépenses de fonctionnement. Ce n’est un coup de rabot comme nous l’avons vu dans le gouvernement Hollande où la baisse a été très forte sans contrepartie. Là, un véritable contrat doit être passé avec les collectivités locales… C’est comme cela que je vois mon échange avec le représentant de l’exécutif local, c’est à dire dans un rôle d’explication à l’opinion et montrer aussi que Dijon et la Métropole peuvent atteindre ces objectifs dans le contexte actuel. Dijon doit profiter de ces transformations profondes, dans la gestion des collectivités locales ou dans l’essor économique et la transition écologique, et prendre toute sa place afin de travailler à son attractivité ! »

DLH : Vous avez démissionné du groupe majoritaire au conseil municipal de Dijon. Pourquoi ne pas être allé jusqu’à créer un groupe LREM ?

D.M. : « Mon rôle de député aujourd’hui n’est pas de reformater la majorité du conseil municipal de Dijon. Elle a été élue, elle travaille. Elle doit intégrer des départs, des décès, ma démission entre autres. Mon rôle ici n’est pas de redessiner maintenant une majorité politique. Je ne tiens pas à être à l’origine aujourd’hui de scission ni de tension, sachant que sont présentes dans cette majorité beaucoup de personnes qui se sont engagées très clairement derrière Emmanuel Macron et pour faire élire des députés LREM. Ceux-là, ils le savent, ils l’ont fait, ils le reconnaissent mais, aujourd’hui, ils sont associés à l’exécutif de François Rebsamen et je ne tiens pas à les mettre dans une situation de tiraillement à mi-mandat. N’oublions pas qu’il y a encore 3 ans et demi de mandat si l’on imagine les élections municipales repoussées d’un an. Ce n’est pas le moment d’agir ! »

Propos recueillis par Xavier Grizot