François Sauvadet : « Dijon ne peut pas vivre sans le Département… »

Digérées les déconvenues électorales de ces derniers mois. C’est un président du Conseil départemental combatif qui entame cette rentrée où les grands dossiers ne manquent pas : réduction des déficits publics, transfert de compétences vers la Métropole dijonnaise, reconstruction de la droite et du centre depuis la Bourgogne – Franche-Comté, déploiement de la fibre à domicile, promotion des circuits courts… Et, cerise sur le gâteau, François Sauvadet veut faire de la Côte-d’Or un laboratoire du futur.

 

Dijon l’Hebdo : « Pacte de dupes »… C’est ainsi que vous qualifiez les relations d’Emmanuel Macron avec les élus locaux. Vous ne souhaitez pas laisser un peu de temps au nouveau Président de la république avant de condamner ses positions ?

François Sauvadet : « Qu’est-ce qu’un pacte ? C’est un engagement qu’on prend en commun. Dans le cas présent, c’est une préoccupation que nous avons en partage : celle de se dire qu’il faut réduire le déficit public. Nous avons déjà contribué au-delà de nos possibilités avec François Hollande. Avec Emmanuel Macron, c’est le changement dans la continuité. Sous le couvert de la modernité, ce sont les mêmes méthodes qui ont conduit à l’échec que l’on sait.

Il n’y a pas eu de pacte. Pas d’accord. Simplement une discussion au terme de laquelle il a été dit qu’un effort supplémentaire, encore plus fort, devait s’imposer. C’est la raison pour laquelle je parle de « pacte de dupes ». Les efforts supplémentaires que nous pourrions consentir se feront inéluctablement sur l’investissement.

Les premiers pas d’Emmanuel Macron sont loin de m’avoir convaincu. Le Président a une vision métropolitaine de la France. C’est une erreur stratégique pour l’avenir d’un grand pays comme le nôtre. Aujourd’hui, on parle beaucoup des métropoles présentées comme « l’avenir » de la France. Interrogeons nous justement sur la France de demain. Interrogeons nous sur ce récent sondage qui précise que 60 % des cadres parisiens sont prêts à baisser leurs salaires pour avoir une meilleure qualité de vie… »

DLH : A votre avis, comment peut s’organiser une reconstruction efficace et crédible de la droite et du centre après les défaites de la Présidentielle et des législatives ?

F. S : « Il faut reconnaître que c’est une défaite sans précédent. Une défaite collective. Il y a eu incontestablement un emballement médiatico-politique dont il faudra bien vérifier dans quelles conditions il s’est construit. Il appartiendra à la justice de le déterminer.

Je ne pense pas que la reconstruction viendra par le sommet. C’est par la base qu’elle se fera. Retrouver la voix du peuple, redéfinir ensemble le corpus idéologique qui est le nôtre.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas audibles car on se positionne par rapport à d’autres. C’est un paradoxe pour ceux qui prétendent à la reconquête de se positionner par rapport au Front national en disant « à droite toute »… Et puis, il y a ceux, les « constructifs » qui soutiennent Macron. Entre les premiers et les seconds, il y a un espace important. L’espace qu’occupent tous ceux qui se désespèrent de la politique. Ils sont nombreux tous ceux qui ne votent plus et qui n’adhèrent pas à un parti. Il y a du travail et le temps est compté. La droite avec Les Républicains ne gagnera jamais seule. Pas plus que le centre ».

Il ne s’agit pas de réinventer les cafés participatifs

DLH : Que pensez-vous de la proposition de Nicolas Dupont-Aignan qui voudrait faire équipe avec Les Républicains que pourrait diriger Laurent Wauquiez dès décembre et un Front national « rénové » ?

F. S : « Dupont-Aignan et tous ceux, les plus ultra, qui parlent de repli sur soi, de rompre les ponts avec l’Europe, lancent une invitation qui n’est pas sérieuse. Qui peut encore être convaincu par ces projets insensés ? »

DLH : Et la Bourgogne – Franche-Comté pourrait être un laboratoire pour préparer cette reconquête ?

F. S : « Je vais proposer une méthode. En Bourgogne – Franche-Comté, on va proposer au peuple de s’exprimer sur ce qu’il veut sur des questions de fond, essentielles, comme les salaires, les besoins de vie au quotidien, l’Europe, la mondialisation, le numérique… Il ne s’agit pas de réinventer les cafés participatifs de Mme Dufay où, finalement, on se parle entre soi. Il faut ouvrir l’expression aux 99 % de Français qui ne sont pas dans un parti politique. Le numérique est une formidable chance pour y arriver. Prochainement, dans chaque département, tous ceux qui ont quelque chose à dire sur l’avenir, qui veulent faire des propositions sur les réformes à l’échelle de nos territoires, commenter les décisions… auront l’occasion de le faire. C’est une vraie démarche nouvelle qu’il faut initier ».

DLH : Il y a peu encore, vous invitiez la Région à se mettre rapidement au travail. Qu’en est-il ?

F. S : « Il y a des dossiers qui avancent sur des schémas. C’est le cas notamment en matière touristique. Pour le reste, la région organise des débats, des rencontres… mais elle n’agit pas. La Présidente n’a pas pris une pleine mesure des responsabilités qui sont les siennes. Faire des audits d’exploitations agricoles, c’est bien. Mais on ne règle pas pour autant les problèmes de l’agriculture. Où est le grand plan de formation que j’appelle de mes vœux pour pouvoir au remplacement des artisans qui vont partir en retraite dans les dix ans qui viennent ? Il n’y a pas de réponses prospectives. La région ne s’est pas installée comme une grande Région d’Europe. Au-delà des clivages politiques, je suis franchement attristé de la façon dont ça se passe. On perd des années précieuses… »

DLH : Les divisions relevées, à droite et au centre, pendant la campagne des législatives ne sont-elles pas de nature à fragiliser votre majorité départementale ?

F. S : « La division est mortifère et les situations électorales récentes l’ont encore montré. La seule ligne blanche que j’ai fixée au sein de la majorité départementale, c’est qu’on ne peut pas jouer contre son camp. On ne peut pas appeler à voter contre des candidats se réclamant de notre majorité. C’est la raison pour laquelle j’ai été amené à suspendre de toute fonction exécutive l’un de nos élus ».

Le rassemblement est en marche

DLH : La division est mortifère, dites vous. Pensez-vous intervenir pour calmer les esprits au sein d’une opposition municipale à Dijon qui ne cesse de se déchirer ?

F. S : « J’ai observé que les choses évoluaient. Le rassemblement est en marche. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que nous présentions une liste d’espérance pour Dijon ».

DLH : Avec quelle tête de liste ?

F. S : « Il est trop tôt pour répondre à votre question. Il faut d’abord constituer une bonne liste avec des hommes et des femmes reconnus qui s’investissent, pas pour eux-mêmes, mais pour la ville de Dijon. Même si je vais travailler avec François Rebsamen pour le transfert de compétences au sein de la Métropole, il n’empêche qu’il a, sur le fond, une vision de l’avenir que je ne partage pas. Je pense que la densification urbaine est une idée dépassée qui va porter en germes beaucoup de difficultés ».

DLH : La mise en place de la nouvelle métropole dijonnaise avec l’attribution de nouvelles compétences ne va-t-elle pas trop « déshabiller » le conseil départemental de la Côte-d’Or ?

F. S : « Reconnaître la métropole pour Dijon et son agglomération est une bonne nouvelle. Dijon s’installe comme capitale régionale et dans le panorama national. Maintenant, il faut que cette métropole soit utile, pas simplement pour ceux qui y vivent mais pour l’ensemble de la région. François Rebsamen doit mesurer aujourd’hui la responsabilité qui est la sienne qui n’est pas seulement de travailler entre ses murs. Je souhaite qu’il reconnaisse le fait départemental car Dijon ne peut pas vivre sans le département. Et le département ne peut pas vivre sans Dijon. Il nous faut bâtir quelque chose de nouveau et de moderne. J’y suis prêt. Mon vœu est d’aller vite.

Quant aux compétences qu’on va confier, ce n’est ni un grand soir ni un grand matin. Le département ne se déleste pas de toutes ses compétences, loin s’en faut. Il restera très engagé dans le social et l’aménagement du territoire. On va transférer les routes ce qui me semble légitime. On va transférer le fonds de solidarité logement, le fonds de solidarité des jeunes… Tout ça doit se faire dans de bonnes conditions.

J’ai souhaité que nous conservions les collèges. Je ne voulais pas, en effet, qu’il y ait d’un côté les collégiens des villes, de la métropole et, de l’autre, les collégiens du monde rural. Je prendrai d’ailleurs des initiatives fortes pour que les collégiens partagent une communauté de destin dans un beau département comme la Cote-d’Or. »

Il faut changer de braquet

DLH : Quels sont les principaux dossiers qui occupent le conseil départemental en cette rentrée ?

F. S : « On veut réussir la relation avec la métropole. Je rappelle d’ailleurs que nous avons été l’un des tout premiers départements à réussir le transfert de compétences vers la région. Ensuite, il faut nous projeter dans le XXIe siècle. Les Français et les Côte-d’Oriens nous ont adressé un message très clair : il faut changer de braquet. Nous avons engagé une démarche volontariste, et même quasi-unique en France : travailler sur le futur 21. On veut être la terre d’expérimentation, le laboratoire des révolutions numériques et de leurs effets. On va commencer dès maintenant avec Orvitis qui présentera une maison témoin pour mettre en avant ce que la domotique peut apporter pour le maintien à domicile, le maintien des personnes âgées, l’accompagnement… Quand j’ai lancé le télé-travail dans la Fonction publique à l’époque où j’étais ministre, tout le monde s’est interrogé sur la pertinence d’une telle démarche. Aujourd’hui, c’est plus d’une centaine de personnes du conseil départemental qui travaille chez elle. C’est la raison pour laquelle nous déployons massivement du très haut débit partout dans le département. 103 millions d’euros seront investis pour déployer la fibre à domicile. Au total, le Conseil départemental investira 140 millions dans l’aménagement numérique de son territoire. Pour rappel, l’Etat apportera 40 millions, la Région 10 millions et l’Europe 8 millions, ce qui représente plus de 80 M€ d’investissement à la seule charge du Département de la Côte-d’Or. »

DLH : Votre soutien à l’agriculture côte-d’orienne va prochainement se traduire par la mise en place d’une stratégie visant à développer les circuits locaux. Que se passera-t-il dans les faits ?

F. S : « Les consommateurs veulent désormais savoir d’où viennent les produits et les conditions de leur fabrication. Nous sommes pleinement engagés dans cette demande car la Côte-d’Or doit être aux avant-postes de cette révolution alimentaire et culturelle. Le 11 octobre, nous allons acheter 20 hectares dans la périphérie dijonnaise, à Perrigny-lès-Dijon, où nous installerons, en lien avec la chambre d’agriculture, des jeunes maraîchers qui alimenteront la restauration collective. Nous sommes très sensibles au développement de ces circuits locaux. »

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE