Intercommunalités : « Le plus simple est derrière nous… »

Les évolutions de la carte intercommunale inscrites dans les schémas départementaux de coopération intercommunale ont pris principalement la forme de fusions de communautés. Effectives depuis le 1er janvier de cette année, ces fusions ne se sont pas faites sans quelques difficultés. Ces tensions et ses doutes rappellent ceux des années 2000. À l’époque, les élus devaient se regrouper en communautés de communes. Avec les mêmes incertitudes. Ludovic Rochette, président de l’Association des maires de Côte-d’Or, et lui-même président d’une nouvelle communauté de communes, fait le point.

Dijon l’hebdo : La loi NOTRe a pour objectif de désépaissir le millefeuille administratif de la France et rationaliser, en faisant plus et mieux avec moins. Avec à la clé des fusions de communautés de communes. Fusions mais aussi transformations, dissolutions, créations ex nihilo… Combien y a-t-il eu d’opérations en Côte-d’Or ?

Ludovic Rochette : « La Côte d’Or est passée de 29 EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) à 19. Une métropole dijonnaise, une communauté d’agglomération beaunoise et 17 communautés de communes couvrent aujourd’hui l’intégralité du territoire côte-d’orien. 8 fusions de communautés ont été effectives au 1er janvier 2017. Si certaines fusions s’inscrivent logiquement dans une démarche volontaire, d’autres se sont faites plutôt dans la douleur et la contrainte.

Certaines fusions se sont faites entre deux communautés mais d’autres entre trois anciens territoires, ce qui complexifie lourdement la tâche.

Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce que cela change en terme de compétences ?

L. R : « Depuis le début de l’année, les intercommunalités doivent assumer de nouvelles compétences obligatoires : ordures ménagères, développement économique, tourisme, accueil des gens du voyage notamment. Assumer à la foi de nouvelles compétences et une fusion rend l’année 2017 très tendue pour les EPCI concernés.

Mais elles doivent aussi, en 2018 et en 2020, prendre d’autres compétences très lourdes : la GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), l’eau et l’assainissement. Lors de la rencontre entre les présidents des associations départementales des maires et les candidats à la présidentielle le 22 mars dernier, j’ai d’ailleurs demandé publiquement à ce que ces futurs transferts soient revus car ils induiront localement une augmentation générale de la tarification de l’eau à l’usager, ce qui n’est pas acceptable.

Les intercommunalités assument aussi d’autres compétences qualifiées d’optionnelles et facultatives. Les fusions ont été faites selon la loi en suivant des critères uniquement démographiques. Le législateur a oublié que l’on pouvait utiliser d’autres données : l’espace, la fiscalité mais aussi la réalité des compétences assumées par les anciens EPCI ».

Dijon l’Hebdo : On peut imaginer que tout ne s’est pas passé simplement. Quelles ont été les principales difficultés qu’il a fallu surmonter ?

L. R : « Le plus simple est derrière nous, le plus compliqué devant ! Et ce n’est pas peu dire… Le tempo dicté par la loi NOTRe est simplement irréaliste et peu responsable. Il a fallu en moins d’un an organiser une nouvelle assise territoriale. Souvent les décisions ont dû être prises sans le recul et les études nécessaires. On en voit par exemple aujourd’hui les conséquences sur les périmètres des Schémas de cohérence territoriale devenus pour certains… incohérents. Mais le plus inquiétant, ce sont les conséquences fiscales et budgétaires. Je doute qu’ici ou là les nouvelles intercommunalités soient réellement plus efficaces que les anciennes. Enfin, les EPCI étaient des structures de gestion locale. Elles risquent de devenir l’objet d’enjeux purement politiques.

Dijon l’Hebdo : Si on prend l’exemple de votre communauté de communes, n’est-ce pas un peu utopique de bâtir un nouveau projet de territoire prenant en compte toutes les populations, rurales, rurales agglomérées ou semi-urbaines ?

L. R : « Encore une fois, la construction intercommunale ne se fait pas que sur des considérations démographiques ou défensives. Dans la communauté de communes Norge et Tille, le consensus s’est construit avec la volonté de donner la chance à un territoire qui n’est pas artificiel. Comment adapter nos services à notre population en mutation ? Comment développer notre territoire par l’économie ? Nous ne vivons pas contre une future métropole. Nous vivons avec, tout en assumant notre choix de vie qui correspond aux attentes des 15 500 habitants de notre communauté. Et j’attends ce respect mutuel, j’y veillerai avec rigueur ».

Dijon l’Hebdo : Comment ont été déterminés le nom et le siège d’une communauté issue de fusion ?

L. R : « Soit il y a eu un consensus local sur ces questions, soit le préfet dans l’arrêté de création a tranché. Ces deux cas de figures se sont produits en Cote d’Or. Pour la communauté de communes que je préside, un accord rapide a été trouvé pour un nom logique et simple d’une part, et un siège existant et peu coûteux d’autre part.

Ces nouveaux territoires doivent créer une nouvelle identité favorisant leur attractivité. Nous avons opté pour un logo épuré, conçu en interne par des élus provenant des deux anciennes intercommunalités, et pour une abréviation simple : la NeT ».

Dijon l’Hebdo : Quelles sont les conséquences financières et fiscales des fusions d’intercommunalités ?

L. R : « Avec le vote des taux des intercommunalités fusionnées, une constatation s’impose : l’augmentation de la fiscalité pour une partie de la population est là. Et ce n’est pas faute d’avoir alerté l’Etat au préalable. Beaucoup d’EPCI ont choisi de voter des taux moyens pondérés avec un système de lissage (on prend le taux moyen entre les anciens taux des communautés fusionnées et on choisit une période afin que ces deux taux se rejoignent, souvent à 10 ans). En fait, ils ont opté pour cette solution car ils n’ont pas le choix. Faire une fusion, se heurter à une baisse insensée des dotations de l’Etat combinée à une augmentation des prélèvements là encore de l’Etat… Bref, on est au bout d’un système tout en étant au début de l’existence de nouvelles collectivités…

La communauté de communes Norge et Tille n’a pas fait ce choix car justement elle a le choix, étant un territoire extrêmement attractif. Nous avons opté pour une harmonisation à la baisse. Par exemple, pour la CFE (Cotisation foncière des entreprises) : les taux des deux anciens EPCI étaient de 17,79% et 19,51%. Au lieu d’opter pour le taux moyen de 18,56% (et imposer une augmentation de plus de 4% pour la moitié des entreprises), nous avons choisi le taux le plus bas (17,79%) pour permettre d’attirer de nouvelles entreprises… et par conséquent de créer de nouveaux emplois et de la nouvelle fiscalité.

Dijon l’Hebdo : Combien ces nouvelles communautés rassemblent-elles en moyenne d’habitants ?

L. R : « En Côte d’Or, les populations des communautés de communes vont de 5 114 habitants (Tille et Venelle) à 30 528 habitants (Gevrey-Chambertin et Nuits-Saint-Georges). La Loi NOTRe a fixé des seuils à atteindre suivant les densités de populations. Ce seuil est facile à atteindre en zone périurbaine ; c’est beaucoup plus problématique en zone rurale. Ainsi des communautés XXL voient le jour avec un nombre élevé de communes mais aussi et surtout des espaces de plus en plus vastes. Des régions plus grandes, de cantons plus vastes, des intercommunalités élargies, tout ceci ne doit pas être au détriment du service au public et des services de proximité. L’ensemble des élus locaux se bat actuellement afin qu’une autre conception de l’aménagement du territoire s’impose. Tout ne peut plus se faire de la même manière partout en France. Les élus locaux eux l’ont compris ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE