François Patriat : « Emmanuel Macron n’est pas centriste, il est central ! »

Le téléphone de François Patriat n’a de cesse de sonner. Ses deux téléphones plus exactement… De toute la grande région, on lui demande, en effet, de se déplacer pour tenir réunion sur réunion. Et, à Paris, on l’invite sur les plateaux de télévision. Ses béquilles – après son terrible accident de la route au mois de septembre dernier – étant désormais derrière lui, le sénateur de la Côte-d’Or marche plus que jamais pour son champion, qui, selon lui, serait le seul « capable de rassembler pour être présent au second tour de la Présidentielle ». Interview entre les deux tours de la Primaire de la gauche, où Emmanuel Macron est omniprésent… tout en étant absent !

Dijon l’Hebdo : L’actualité est à l’entre deux-tours de la Primaire de la Belle Alliance Populaire. Un mot sur la participation au 1er tour ?

François Patriat : « C’est loin de l’objectif affiché en début de campagne pour la Primaire. Ce n’est pas un succès. Cela ne me réjouit pas pour autant parce que cela montre que la gauche n’est pas dans une santé extraordinaire. L’objectif est bien de sortir de ce marasme, de cette morosité pour se rassembler autour d’un candidat, qui, lui est de nature à briguer sérieusement le 2e tour ».

Dijon l’Hebdo : Comment analysez-vous les résultats du 1er tour de la Primaire de la gauche ?

F. P. : « Ce résultat est très riche d’enseignements. En premier lieu, cette Primaire avait été conçue pour François Hollande. A partir du moment où il n’était plus dans la compétition, elle perdait tout son intérêt. C’est ce que nous avions dit depuis le début, considérant qu’elle ne pouvait pas désigner un candidat susceptible de remporter l’élection présidentielle. Elle devait être ensuite le signe du rassemblement du PS, des écologistes et du PRG. Pensez-vous que l’affrontement du 2e tour est de nature à rassembler ? La réponse est non. Elle devait aussi donner une dynamique. Le résultat est serré et rien n’est acquis. Enfin, nous pouvions penser qu’elle clarifierait la ligne du PS mais nous nous apercevons que les deux gauches irréconciliables le restent jusqu’au bout. Une fois de plus, à mon grand désespoir, c’est la ligne conservatrice du parti qui semble devoir l’emporter contre la ligne réformiste ».

Dijon l’Hebdo : D’aucuns ont dit dès dimanche soir que de bonnes fées veillaient sur Emmanuel Macron. Un papier de cigarette séparant les idées de Manuel Valls de celles de votre champion, ils annoncent qu’en cas de défaite de l’ancien Premier ministre, nombre d’élus PS sociaux-démocrates vous rejoindraient. Les attendez-vous les bras ouverts ?

F. P. : « Ce sujet est primordial. La droite souhaitait la victoire de Manuel Valls. Emmanuel Macron a montré une fois de plus son sang froid, sa vision et sa détermination, lorsqu’il a précisé que, quel que soit le résultat de la Primaire, cela ne changerait rien à notre ligne de conduite. Celle-ci est de rassembler les progressistes de gauche comme de droite autour d’une plate-forme qui, elle, est de nature à rassembler notre pays. Le moment est venu de nous réinventer, et, autour de cela, nous allons évidemment avoir des ralliements. Ceux-ci ne proviendront jamais de discussions d’appareils. Chaque personne pourra nous rejoindre individuellement sur la base de ses convictions, de son passé, de ses ambitions ».

Dijon l’Hebdo : Le 13 janvier, vous avez annoncé qu’En marche possédait 1260 adhérents en Côte-d’Or, avec 23 comités locaux. Combien en revendiquez-vous aujourd’hui ?

F. P. : « Nous avons deux nouveaux comités locaux. Mais sachez surtout, qu’au-delà des chiffres, les réunions que nous faisons se déroulent toujours dans l’amitié, la bonne humeur et la pugnacité. J’ai répété l’autre soir à Dijon qu’il fallait que nous conservions l’esprit qui nous anime depuis le début. Il n’est pas question de se faire mettre sous tutelle par quelque parti que ce soit. Il faut garder notre autonomie, notre mouvement dans ce qu’il a d’original, dans ce qu’il peut proposer aux Français, à savoir un renouvellement de la vie politique, de l’engagement, une adhésion des jeunes… Nous accueillerons toutes les bonnes volontés mais nous devons être vigilants à ce que ces ralliements se fassent de façon cordiale et intelligente et non de façon hégémonique ! »

Dijon l’Hebdo : Emmanuel Macron a demandé aux socialistes qui le souhaitaient de le rejoindre avant la fin de la Primaire…

F. P. : « Ma formule est la suivante : ceux qui nous ont rejoints avant sont venus par conviction, ceux qui le feront après viendront par contrition ! »

Dijon l’Hebdo : Durant la campagne de la Primaire, Emmanuel Macron, grand absent de cette élection, a été, en tout cas, omniprésent. En faisant salle comble durant ses meetings pendant que les candidats avaient du mal à mobiliser ou encore en multipliant les annonces… Cette marche forcée, ce mouvement perpétuel est-il sa marque de fabrique ?

F. P. : « Sa marque de fabrique, c’est d’abord la vision, le courage, la constance et la prise de risques. Lorsque nous avons créé le mouvement à Amiens au mois d’avril, et j’en étais, nous imaginions bien les embûches qu’il rencontrerait. Passons sur les doutes, les sarcasmes autour de cet engagement ! On s’aperçoit que, fait assez rare, après la formidable démonstration de force à Versailles, la candidature d’Emmanuel Macron est restée comme centrale. Parce qu’Emmanuel Macron n’est pas centriste, il est central ! La cristallisation s’est faite entre Noël et le jour de l’An, dans les discussions de famille. Elle s’est traduite par l’affluence dans les meetings et il a ainsi été, c’est vrai, le personnage central de cette Primaire ».

Dijon l’Hebdo : Ne s’est-il pas, lui-même, créé tout de même quelques embûches ? Je pense notamment à ses passages à Orléans pour rendre hommage à Jeanne d’Arc ou encore au Puy du Fou où il a salué Philippe de Villiers…

F. P. : « Les passages par Orléans et le Puy du Fou ont répondu à un besoin de gens qui ne sont pas politiques mais qui ressentent une identité. Il n’y avait aucune connivence entre Emmanuel Macron et les tenants de la droite de la droite. Il y avait simplement une démarche par rapport aux racines des Français et cela a pu participer à sa crédibilité ».

Dijon l’Hebdo : Beaucoup annonçaient que la bulle Macron allait se dégonfler comme une baudruche. Vous avez toujours dit le contraire…

F. P. : « J’ai souvenir d’un sénateur éminent me disant au mois de juin : qu’est-ce que tu fais avec Macron, c’est une bulle, il est déjà mort, on ne tire pas sur l’ambulance ! Je vais le revoir au Sénat, j’aurai beaucoup de bienveillance à son égard et peut-être qu’il aura pris conscience de l’ampleur de notre mouvement ! »

Dijon l’Hebdo : Vous avez plaidé pour une campagne Bottum Up. Pouvez-vous nous expliquer cette approche ascendante ?

F. P. : « Ce mouvement autour d’Emmanuel n’est pas pyramidal. Il ne vient pas d’en haut. Il a été fait sur le mode novateur numérique. Les gens qui le rejoignent le font avec beaucoup de générosité et je rends hommage aux tout premiers à avoir réalisé le porte à porte avec beaucoup de détermination. Ils méritent d’être toujours sur le devant de la scène, car ils sont nos premiers ambassadeurs. Ce mouvement part de la base, est ouvert et ne fonctionne pas comme les autres partis, de façon clanique, dans l’entre soi. C’est une gageure de gérer un mouvement avec des gens qui viennent de familles différentes mais notre signe de ralliement à tous, c’est Macron ! »

Dijon l’Hebdo : Emmanuel Macron a annoncé qu’il présenterait 577 candidats aux législatives. Localement, ils sont nombreux à vouloir s’élancer sous vos couleurs aujourd’hui. Comment allez-vous trancher ?

F.P. : « Emmanuel Macron a parfaitement répondu à cela : tout adhérent du mouvement peut être candidat sur la base d’un engagement clair et d’une détermination sans faille. Sur deux points : il doit s’engager à soutenir Emmanuel pendant la campagne et ensuite à voter sans faille les 10 points de la plate-forme d’Emmanuel. C’est presque le mandat impératif… En revanche, des critères compteront : le renouvellement, la parité, la probité et la répartition entre les différentes tendances du mouvement. Cela fait 4 critères d’exigence qui créeront, évidemment, des difficultés. Celles-ci ne seront pas tranchées localement par des logiques d’appareil mais, nationalement, par une commission composée de 9 personnes, non élues, non candidates, qui jugeront les candidatures sur dossiers. Cette structure sera elle-même supervisée par une commission des sages. Je n’appartiens à aucun de ces cénacles et, je veux le rappeler, je ne suis personnellement candidat à rien ! »

Dijon l’Hebdo : Il se murmure qu’Emmanuel Macron pourrait tenir un meeting à Dijon ?

F. P. : « Je le confirme. Emmanuel Macron tiendra bien un meeting à Dijon dans le dernier mois de la campagne »

Dijon l’Hebdo : « Selon Alain Duhamel, je le cite, Emmanuel Macron représente la première trajectoire à l’américaine dans la présidentielle française ». Il ajoute : « Il met en pièces l’antique canevas ; énigmatique et redoutable, cannibale pour la gauche et le centre, dangereux pour la droite et l’extrême droite ». Alain Duhamel le juge aussi « imprévisible ». Alors, Emmanuel Macron, imprévisible ?

F. P. : « S’il y a une caractéristique que j’apprécie chez Emmanuel Macron, c’est justement sa gestion du temps et des actions à mener. Il a une capacité d’écoute extraordinaire et se forge une opinion en discutant avec l’ensemble des membres du mouvement. Lui-même se fixe une ligne dont il ne dévie jamais. Tout est calibré : lorsqu’il décide de créer le mouvement le 6 avril, quand il quitte le gouvernement le 30 août, lorsqu’il choisit la date de sa candidature, à 2 jours de la Primaire de la droite… ce n’était pas par calcul mais pour démontrer que, quel que soit le candidat de la droite, il sera de nature à l’affronter. Quand nous avons fait le meeting de la Porte de Versailles, l’objectif était de 10 000 personnes et nous l’avons largement dépassé. Et beaucoup disaient avant : il ne quittera pas le gouvernement, il ne sera pas candidat, ou encore, où est son programme ? Il l’a clairement dit là-aussi: le programme sortira fin février. Emmanuel Macron n’est pas imprévisible, il est déterminé, structuré, a une vision et un calendrier. Je suis admiratif parce que, à chaque fois, ses choix ont été validés par les Français ».

Propos recueillis par Xavier Grizot