« Entre 7 et 8 000 logements disponibles à Dijon »

Philippe de Cock
Directeur de Citya Gessy-Verne :  » J’estime entre 7 à 8 000 logements l’offre locative de l’agglomération dijonnaise « 

Quel serait le meilleur terme pour qualifier l’immobilier aujourd’hui à Dijon ?
Déstabilisé, ou l’offre est nettement supérieure à la demande.

On a entendu des élus se réjouir du nombre de grues de chantier sur l’agglomération dijonnaise. Pour eux, c’est un bon signe. Vous partagez cet optimisme ?
C’était vrai hier, aujourd’hui, le raisonnement doit plus porter sur le délai d’installation desdites grues et des délais de commercialisation d’un programme immobilier. La vocation d’un promoteur n’est pas de conserver son solde d’invendu, ou de le brader trois ans après la livraison de la résidence. C’est le cas à Dijon.

Avec des taux d’intérêt historiquement bas, n’est-ce pas le bon moment pour acheter une maison ou un appartement ?
Le bon moment est édicté par un projet de vie essentiellement. Pour en avoir, il est nécessaire de croire en l’avenir et de se projeter, mais oui, effectivement, les taux sont une opportunité à saisir. Les clients ont d’ailleurs déjà, dans un premier temps, renégocié avec les banques les prêts en cours.

Les prix des biens immobiliers peuvent-ils encore baisser ces prochains mois ?
Je le pense, même si l’effort de baisse est déjà consenti par les vendeurs. Il existe une importante offre sur le marché favorisant la négociation par les acquéreurs.

Côté locatif, quelle est la situation sur Dijon et son agglomération ?
Le locatif est l’aboutissement du dynamisme économique et universitaire. Le chômage des jeunes peut être une explication à la frilosité de l’installation « chez soi ». Les chiffres des universitaires me semble en baisse, et les années entrecoupées de stage à l’étranger ou en entreprise conduisent à des résiliations des baux en plein hiver. Ensuite, il existe une véritable concurrence entre le niveau de charges des différents biens. Il est facile d’imaginer qu’une construction des années 70 soit plus « chargée » que des logements récents. Le poste de gardien concierge, le chauffage collectif, la production collective d’eau chaude, parfois les espaces verts et bien d’autres postes contribuent à accentuer cet écart de charges, souvent individualisées dans les logements récents.

Vous confirmez toujours l’existence de milliers de logements inoccupés sur Dijon ?
Oui, pour des raisons différentes. J’estime entre 7 à 8 000 logements l’offre locative de l’agglomération dijonnaise. Nous avons dans le secteur privé, des logements rénovés avec des honoraires contenus et forfaitisés, adossés à des campagnes de pub qui ne trouvent pas preneurs. La demande est platonique et les habitudes évolutives. De plus, dans nos critères d’accessibilité à l’offre locative nous sommes soucieux du taux d’effort du candidat locataire. C’est parfois un critère de non attribution d’un logement malgré une demande.

De l’avis général des acteurs du marché de l’immobilier, l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot a cassé la confiance. Que faire pour retrouver cette confiance ?
La croisade opérée par la ministre laisse un goût amer. Elle n’a pas respecté les professionnels de l’immobilier et a considéré les propriétaires comme des ennemis de classes. Il faut à mon sens cesser l’idéologie partisane qui concoure à la déstabilisation du marché, cesser la sédimentation des textes, l’évolution des normes de constructions.
Pour redonner de la confiance je pense qu’il faut arrêter en France d’opposer le logement aidé au logement privé. L’imperméabilité entre ces deux mondes crée un effet contre-productif et concurrentiel anormal.
Je propose que le 1% logement soit capté par les bailleurs privés au moins en partie, plutôt que déversé sur les collecteurs pour créer une concurrence envers le privé. En revanche, je pense que notre système existant du parc social ne remplit pas suffisamment son rôle. Il faut y favoriser le turn over des locataires qui est en moyenne inférieur à 10% en zone détendue. De plus, sachez que dans le parc social en France près de 10 % des occupants déclarent plus de 4 000 € mensuel. Ne doivent-t’ils pas laisser leur place à la population en privation grave de logement ? Selon les statistiques, 2/3 des demandeurs de logement sont éligibles à l’attribution dans le parc social. Croisez ces deux données et avouez que le problème du logement est « entretenu » en France, mais certainement pas par les professionnels de l’immobilier, et par le parc privé !

Les logements ne sont-ils pas trop chers en France ?
Je suis partiellement d’accord. Mais qu’est-ce qui influence le prix final, évidemment toutes les composantes de la détermination d’un prix. Le foncier, les délais, notamment administratifs, les recours, les normes imposées (et parfois idiotes)… puis viennent les matériaux de construction… Il est évident que toute ces composantes nous les retrouvons dans le prix d’achat, et par conséquent dans le prix de location d’un bien. A cela pour le bailleur, vous devez rajouter le risque… parce qu’en final l’insécurité de l’investissement est subi par les propriétaires, alors qu’ils participent activement à un pan entier de l’économie de la construction.
La France est le pays le plus protectionniste pour ses locataires, y compris et surtout pour les indélicats. La loi ALUR est venue ajouter une couche anxiogène pour les propriétaires qui ont déserté l’investissement voire pour certain qui ont vendu leur bien.
Un exemple : en France, comme en Finlande, vous ne pouvez pas expulser un locataire en hiver. C’est bien. Mais en France la période hivernale est de 4 mois ½, et en Finlande de 35 jours. Chercher l’erreur… c’est vrai il ne gèle pas en Finlande !
Pour rester dans le locatif, la composante de l’évolution du prix c’est l’indice de révision des loyers, ce n’est pas le professionnel ou le bailleur qui le détermine, c’est la loi de 2008 sur le pouvoir d’achat.

Quelle est la mesure immédiate que vous souhaiteriez voir se mettre en place ?
Les chiffres sont énormes : 22% du PIB sont consacrés à l’immobilier, soit plus de 440 milliards d’Euros. La première dépense d’un foyer, c’est l’immobilier avec près de 23 %. Y toucher de manière déraisonnable, c’est casser un outil primordial pour les ménages et l’économie du pays.
La seule mesure, c’est de rétablir et corriger la détérioration du climat économique. Je rêve que nous soyons en France capable d’organiser les mesures de rétablissement du pays, comme l’a fait Jean Chrétien au Canada dans les années 1995/1998.
Avons-nous assez de courage politique pour cela ? Je pense que le vrai problème de la France est dans son niveau de vie et qu’il est grand temps de revoir nos politiques budgétaires. Diminuons nos dépenses, diminuons notre prélèvement obligatoire, soyons radicaux dans des mesures de redressements, et ayons foi dans l’avenir.

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE