En 2012, 1 332 400 mètres carrés ont été commercialisés en France, soit une baisse de 7 %. Pourtant, à Dijon ce sont 25 200 mètres carrés qui ont trouvé preneur, soit 15 % de plus qu’en 2011 (source BNP Paribas / Real Estate / Mars 2013). Dijon partage cette augmentation des transactions avec 5 villes : Aix / Marseille (+66%), Rouen (+58%), Lille (+25%), Rennes (+9%) et Mulhouse (+4%). Toutes les autres agglomérations sont en repli.
Alors ? Crise ou pas crise dans la capitale des Ducs de Bourgogne ? Serait-ce la surabondance de l’offre qui a généré ce dynamisme ? Est-ce l’effet Parc Valmy et le tramway ? Tendance temporaire ou durable ? Nous sommes allés poser ces questions à des spécialistes.
Sylvain Rodrigue nous confie que les plus vieux immeubles de bureaux ont 40 ans, en périphérie du centre ville et sont dédiés au secteur tertiaire. En 1987, le parc de Mirande a vu le jour en tant que premier parc structuré et le quartier de la Toison d’Or a suivi avec ses 240 hectares aménagés fin 1997, dont une partie à usage de bureaux. Depuis, les besoins des entreprises ont évolué, tant en termes d’accessibilité voitures, clientèle que piétons, accompagnant l’évolution de la société.
Il convient de noter que les entreprises préfèrent être installées sur la commune de Dijon plutôt que sur une des villes de la périphérie, simplement pour des motifs de notoriété. Depuis 6 ans, Valmy s’est imposé comme la dernière réserve foncière d’où son actualité… Les immeubles qui ont aujourd’hui 20 ans ou plus s’avèrent être d’une conception désuète et énergivores car mal isolés, ce qui conduit les chefs d’entreprises à rechercher de nouveaux emplacements. Beaucoup d’immeubles sont désormais en multi occupation avec un hall d’entrée commun, des sanitaires communs, conçus pour des besoins de 50 ou 100 mètres carrés.
Coté financement, ces immeubles se financent sur 12 à 15 ans et à la fin du crédit ils deviennent obsolètes. Qu’en fait-on ? Eh bien… on les oublie ou bien on les brade car les frais de notaire en 1998 sont passés de 20 à 7 %, relançant l’intérêt pour de nouvelles implantations. Exemple, si un bien valait 200 000 €, il fallait un apport de 10 à 20 % ce qui n’était pas forcément à la portée des TPE. Depuis, on a vu apparaître de nouveaux types d’occupants disposant d’un apport moindre. Aujourd’hui, la très grande majorité des immeubles de bureaux appartiennent à des investisseurs ou des mono occupants. Les investisseurs sont basés à Paris ou à Londres et, le jour où ça ne rapporte plus, ils baissent les loyers de 20,30 ou 40 % et au besoin « balancent tout ça à la casse », sachant que les biens ont déjà été amortis.
La majorité des nouveaux occupants des lots comme le Parc Valmy sont en fait des regroupements d’activités, à preuve le nombre de cabinets d’experts comptables sur le Parc Valmy qui ont besoin de mètres carrés et qui constituent aussi un placement à but patrimonial ; cela leur permet d’anticiper une éventuelle croissance externe ou d’accompagner le développement de leur clientèle. Ces regroupements induisent une augmentation à la hausse des mètres carrés utilisés.
Il y a aussi des réorganisations comme, par exemple, les laboratoires Vendôme qui ont dissocié leur activité production et ont déplacé leur administration à Valmy. Récemment, on a vu ADECCO qui a libéré 11 locaux éparpillés de 2 200 mètres sur l’agglomération dijonnaise et les a regroupés à Valmy en prenant 1 900 mètres carrés. C’est le type même d’un déménagement permettant de faire des économies sur les loyers (- 25 %). Idem pour Pôle Emploi qui regroupe l’accueil clients à Valmy sur 1 200 mètres carrés ainsi qu’avenue Jean-Jaurès en libérant 4 sites épars. On revient sur la question : « Que faire des anciens locaux » devenus vacants ? Les réhabiliter ? Ce n’est pas si simple ! La loi ne permet pas, par exemple, de transformer des bureaux en locaux d’habitation. On peut en faire des restaurants, des salles de sport, mais ça reste à la marge. On a vu récemment un vendeur de fenêtres qui s’est installé au Parc technologique de Mazen-Sully, c’est théoriquement interdit mais il n’y a pas de sanction si on s’installe.
Au début du Parc technologique de la Toison d’Or, les professions libérales n’étaient pas autorisées, mais petit à petit on a dérogé à cette règle et aujourd’hui elles sont nombreuses à s’y être installées et c’est heureux sinon nous aurions encore des terrains non construits… Bref, c’est compliqué !
En résumé, la problématique des ces immeubles anciens est double : d’une part, ils appartiennent à des investisseurs institutionnels qui ont leur propre logique de rentabilité et, d’autre part, on bute sur l’intérêt du nouvel occupant de venir s’y installer, notamment quand les locaux sont au 1er étage sans ascenseur ce qui complique l’accès d’une partie de la clientèle à mobilité réduite. La solution, c’est de trouver des sociétés relevant du code du travail (moins de 9 personnes), pour lesquelles des sanitaires communs sur le palier ne sont pas un handicap rédhibitoire. Raser ? On devrait pouvoir le faire mais on a à Dijon des réserves de bureaux importantes et la fiscalité n’y incite guère puisque raser c’est payer une taxe et reconstruire c’est aussi payer une taxe locale d’équipement, prouver qu’il n’y a pas de pollution, etc. Donc, la solution c’est bien souvent d’agrandir en tertiaire avec (ou pas) des parkings en sous-sol, en créant des surfaces de 7 à 800 mètres carrés, ce qui redonne de l’attractivité aux locaux.
En gros, tous les ans, 25 000 mètres carrés sont négociés et le parc existant est en adéquation avec cette demande. Sans exception, les sociétés sont locataires. Il y a une nuance quand il s’agit d’entreprises qui louent à une SCI montée par le chef d’entreprise lui-même pour maîtriser des coûts locatifs et la durée de son bail, le tout bien entendu avec une optique patrimoniale. Aujourd’hui, la surface moyenne recherchée est d’environ 130 mètres carrés pour un prix annuel allant de 90 € à 130 € comme c’est le cas sur Valmy.
A Dijon, la bonne santé du secteur immobilier de bureaux est simplement liée à l’offre, ce qui suscite des transferts. Comme à Reims, l’arrivée du tramway a indiscutablement boosté les constructions de nouveaux bureaux qui ont tous été occupés très rapidement.
Chez Arthur Loyd Dijon (1), Valérie Dauchy et Carine Provost, co-gérantes associées, manifestement on connaît aussi bien le marché dijonnais que leur collègue Sylvain RODRIGUE. En centre ville, dans des immeubles comme le Marbotte-Plaza, en location on est à 150 ou 160 € du mètre carré annuel. Il n’y a pas à proprement parler de secteur « prime » mais bien des immeubles présentant le nec plus ultra actuel où, logiquement, les prix sont un peu plus élevés. Depuis 2008, l’immobilier d’entreprise s’est complexifié, l’offre a baissé car le Parc Valmy a été progressivement occupé. L’attractivité de Valmy, par-delà le tramway et la LiNo, est surtout liée à la qualité des bâtiments. Les parcs anciens comme Mirande ou le Parc des Grands Crus ont vu des départs vers des zones où l’on avait construit des immeubles mieux pensés, donnant l’occasion pour des chefs d’entreprise de devenir propriétaires, sur Valmy notamment. L’offre s’est donc tassée et malgré cela le volume des transactions s’est maintenu par rapport à N-1 et N-2, même s’il est à la baisse par rapport à 2008.
On a surtout noté que les services de l’Etat, traditionnellement assez demandeurs de surfaces importantes, ont levé le pied à tel point qu’antérieurement ils représentaient environ 30 % des transactions. Les demandes supérieures à 1 000 mètres carrés sont rares et il n’existe qu’une seule offre pour plus de 1 500 mètres carrés. Ne sont pas comptabilisées les transactions en compte propre où l’entreprise concernée achète seule son terrain et conduit ses travaux de construction sans passer par les spécialistes du marché. En 2013, Arthur LOYD évalue à 16 000 mètres carrés les transactions, dont un peu plus de la moitié en neuf (à comparer au 25 000 mètres cités par BNP Parisbas Real Estate pour 2012).
A la question de savoir ce que l’on fait du parc laissé vacant suite aux transferts, la réponse est nuancée. On rappelle qu’il existe un marché de la seconde main qui permet à de plus petites sociétés ou à des créateurs de s’installer à des conditions plus accessibles. Il s’agit souvent de surfaces comprises entre 100 et 200 mètres carrés où le loyer annuel tourne autour de 100 € du mètre carré. Ces bureaux ont quand même du être remis aux normes quand c’était possible et les propriétaires ont fait leur travail pour les rendre un peu plus attractifs. Certains bureaux ont du mal à trouver preneurs car ne pouvant plus satisfaire aux normes d’isolations, à l’accès aux handicapés, des ascenseurs ne pouvant pas être implantés, etc. Le coût global devenant dans certains cas prohibitif. Là où il y a le plus de travaux effectués, c’est dans le cas des propriétaires occupants, ce secteur des bureaux inoccupés représentant environ 5 000 mètres carrés.
Aujourd’hui, le foncier disponible est devenu quasi inexistant, Valmy 2 va être bien occupé avec notamment la Générale de Santé et Valmy 3 sera la dernière phase. Ceci étant, cela va prendre quelques années avant que tout sorte de terre. Pour les investisseurs, ce genre de placement est financièrement intéressant puisque -quand tout se passe bien, avec un bon locataire– la rentabilité oscille entre 6 et 8 %.
Le métier de spécialiste en immobilier d’entreprise consiste surtout à bien déterminer les besoins des clients, à les accompagner de façon personnalisée tout au long de leur projet, de la découverte de leurs besoins jusqu’au jour de leur installation. Sachant qu’il y a un préavis de 6 mois à respecter pour rompre le bail commercial, tout chef d’entreprise s’y prend entre 3 et 6 mois à l’avance et, durant cette période, il y a lieu d’être à ses cotés.
On le voit, on ne peut pas s’improviser spécialiste en la matière et ils ne sont finalement pas si nombreux à opérer sur un marché ultra concurrentiel. Faut-il y voir des opportunités ? Une chose est certaine : ce métier est passionnant et seuls des passionné(e)s, de vrais pros peuvent y réussir.
Jean-Pierre COLLARD
(1) Arthur Loyd est une licence de marque et il y a 61 implantations en France. Le bureau de Dijon couvre Dijon, Beaune et va jusqu’à Besançon.