François Deseille, vous êtes adjoint au maire de Dijon, François Rebsamen, en charge des grands projets. Quel est votre rôle ?
C’est un travail transversal, celui d’un élu plus du coté politique que du coté terrain. Je travaille en concert avec d’autres adjoints, plutôt pour initier que pour être en première ligne. On peut citer le déménagement de tous les services rue de l’Hôpital, la réduction de la dette, le passage au taux d’effort où les gens payent en fonction de leurs revenus, etc...
Vous êtes aussi 9e vice-président du Grand Dijon, référent pour la recherche et les transferts de technologie. En quoi ce titre consiste-t-il ?
Le Grand Dijon n’a pas délégation pour la recherche. Avec François Rebsamen, nous faisons le pari de l’innovation qui génère des emplois et fixe des entreprises localement. Vitagora en est un parfait exemple et nous l’aidons beaucoup.
Avec une fidélité à toute épreuve, et qui vous honore, vous soutenez envers et contre tout François Bayrou, président du Modem. Pourtant, s’il avait obtenu un score de 19,69 % lors de la Présidentielle de 2007, il s’est effondré à 9,67 % en 2012. A quoi attribuez-vous cette chute ? A la personnalité de votre leader ? A la complexité de votre positionnement ? A un message en forme de numéro d’équilibriste ? Il paraît pourtant que 77 % des français approuveraient l’idée d’un gouvernement de salut public…
En 2007, François Bayrou avait presque réussi son pari car il avait su agréger beaucoup de déçus du PS. En 2012, François Hollande a su attirer de nouveau vers lui les déçus de Ségolène Royal, l’électorat de centre gauche. Je n’arrive toujours pas à m’expliquer pourquoi autant de Français se retrouvent en François Bayrou et cèdent finalement à des votes clivants, peut-être est-ce lié à la personnalité de F. Bayrou lui-même et de son entourage proche…
François Bayrou a essayé d’opérer un rapprochement national avec l’UDI qui était encore, il y a peu, parmi vos adversaires. S’agit-il d’un énième positionnement de sa part ? Le centre de gravité du Centre se serait-il déplacé sans que nous en ayons été informés ?
Nous avons constaté à l’occasion de la préparation des européennes que nous avons des vues très convergentes avec l’UDI. Si l’UDI n’est pas dans le cadre d’une alliance exclusive avec l’UMP, pourquoi pas ?
Admettons vos explications, l’UDI serait redevenue fréquentable… Pourtant, elle travaille étroitement avec l’UMP qui représente la « ligne rouge » à ne pas franchir selon Jean-Luc Benhamias. Avouez que ça devient compliqué ! Seriez-vous donc assez nombreux au Modem pour vous payer le luxe de « courants » ?
Nous savons garder notre ADN génétique en étant assez sages pour travailler plus avec des personnalités qui font un excellent travail local qu’avec des représentants de partis. Si j’étais à Bordeaux, je travaillerais certainement avec Alain Juppé et pas avec l’opposition socialiste. Nous sommes toujours prêts à travailler avec des sociaux-démocrates et une droite modérée. Localement, François Sauvadet reste ancré à l’UMP et je ne travaillerais pas avec Alain Houpert qui a plombé les finances de Salives.
Et pourquoi n’y aurait-il pas des courants au Modem ? Il y en a bien au sein de tous les autres partis ? Je répète que nous ne sommes pas là pour faire une alliance exclusive avec l’UDI, nous sommes là pour travailler localement avec des gens d’horizons divers mais respectables et efficaces. L’essentiel est de mettre une barrière au Front national et, si c’est respecté, je ne vois pas d’objections à travailler avec des membres de l’UMP, c’est le cas à Beaune avec Alain Suguenot, c’est le cas à Talant avec Gilbert Menut.
Je vous ai toujours entendu dire que vous n’étiez rentré au conseil municipal qu’à la condition d’une baisse de la dette à Dijon. Renseignements pris, si la dette de la ville de Dijon a effectivement (un peu) baissé, celle du Grand Dijon a été multipliée par 18 depuis 2001 (dixit Franck Ayache, conseiller municipal d'opposition). Ce principe des vases communicants relève t-il de la supercherie ou de la pure sémantique ?
Ni l’un ni l’autre ! A Dijon, quand je suis arrivé, la dette était de 234 millions d’euros en 2008. Lors de son premier mandat, François Rebsamen a augmenté cette dette de 220 à 234 millions. En 2013, elle est à 210 millions soit une baisse de 10 % alors que dans le même temps, celle des villes de France augmentaient de 20 %. Comment ? Parce qu’on a appliqué une technique du privé, le budget base zéro (BBZ). J’ai été aidé en cela par un directeur général des services qui a mis en œuvre cette grande rigueur budgétaire aboutissant à cette maîtrise des dépenses et donc de baisser la dette.
Pour le Grand Dijon, c’est vrai : on est passé d’un endettement ridicule de 12 millions d’euros à un niveau similaire à celui des autres agglomérations. Mais regardons ce qu’il y a en face ! Il y a eu le Zénith, il y a eu la Piscine Olympique, il y a eu le Tramway, toutes choses utiles à la ville. C’est sûr que maintenant, pour les dépenses du Grand Dijon, il faut arrêter car on est arrivé à un endettement normal et qu’il s’agit de faire une pause pour reprendre son souffle.
A Public Sénat, François Rebsamen a déclaré qu’il ne craignait « pas de vague bleue et que la poussée du FN sera limitée ». Quelle est votre vision et craignez-vous un vote sanction ?
Je pense qu’il y aura un vote sanction dans beaucoup de communes de France ; à Dijon je ne le pense pas car les gens sont globalement satisfaits de l’équipe en place. Ce dont je suis certain c’est que la digue UMP – FN va lâcher car il va falloir gérer les reports de voix au second tour ; Jean-Louis Borloo a d’ailleurs déclaré que l’UMP était morte avec les déclarations de François Fillon sur le vote en faveur du moins sectaire. Un Borloo qui dit ça, oui, un Borloo qui ne jure que par l’UMP, non ; vous savez, je n’ai pas changé moi …
Les français ont l’impression que gauche – droite c’est blanc bonnet et bonnet blanc ; quelles grandes thématiques aimeriez-vous mettre en avant pour que la campagne électorale passionne les Dijonnais ?
Je ne suis pas là pour passionner les dijonnais mais pour leur parler concrètement de leur vie. Pour ma part, je veux toujours diminuer la dette, c’est mon dada. Mettre l’accent sur le renouveau économique, l’attractivité du territoire, donner une image encore plus dynamique de la ville, attirer des entreprises.
Est-ce en vue de préparer les élections européennes (qui auront lieu après les municipales) que François Bayrou et Jean-Louis Borloo tentent cette union de circonstance ? Personnellement, pensez-vous que cette tambouille politicienne intéressera les électeurs pour ce scrutin où l’abstention est toujours très forte ?
Pas au niveau européen, on ne peut pas dire ça. L’Europe a été rejetée parce qu’elle s’est occupée de sujets dont elle n’avait pas à se soucier comme savoir si la moutarde de Dijon était bien faite à Dijon, alors que pendant ce temps elle a laissé rentrer des pays qui n’avaient rien à y faire. Pour infléchir tout ça, c’est simple, il faut voter pour des députés européens présentés par le Modem et si j’y suis je travaillerai à recadrer l’Europe ; elle a trop grossi ! Mitterand, Chirac, Sarkozy ont accompagné ce gonflement de l’Europe, nous au Modem nous disons « Stop ! Ça suffit ». La Turquie, par exemple, n’a rien à faire dans l’Europe, c’est un partenaire économique et c’est tout. On n’a plus les moyens d’intégrer d’autres pays.
Vous êtes engagé en politique depuis près de 10 ans. Devant les résultats, n’avez-vous pas parfois envie de jeter l’éponge ?
Non. Vous mentionniez le sondage qui dit que 77 % des français sont pour un gouvernement d’union nationale, c’est donc que le message est bon. On ne sait pas le faire passer, peut-être …
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Note de DIJON L’HEBDO : La dette est de 1144 € / an / habitant à Dijon ville contre 604 € / an / habitant en moyenne nationale (source INSEE)