Voilà des Post-its, un semblant d’arbre, on les place où mes aïeux ? Mon oncle d’Amérique, surtout ! Aujourd’hui je rencontre un généalogiste, une sorte de magicien patient comme un jardinier capable de déterrer les souches nobles ou gueuses. Plus précisément un généalogiste successoral. J’ai nommé Gilles Poissonnier, patron de la SARL Inter Généalogie non loin de la Cité judiciaire de Dijon. Si toutefois il entrait en contact avec vous, accueillez-le comme il se doit. Enfin, si vous aimez les chèques tombés du ciel…
Gilles Poissonnier a 10 ans, au début des années 70, en région parisienne, quand il ouvre le grand Larousse à la page généalogie. Et là, bim ! L’arbre des Bourbon lui balance un énorme clin d’œil. Il en est convaincu, fabriquer ces arborescences ne doit pas être un métier mais c’est ce qu’il veut faire plus tard. 1979. Il rencontre un auteur de livres de généalogie qui lui démontre qu’il est possible d’écrire, pour des niches certes, voire de vivre de ses recherches.
Un bien joli rêve mais passe ton bac d’abord ! Alors ce sera compta et à Dijon. Et après cela, une licence d’AES (Administration économique et sociale) à l’université de Bourgogne. Evidemment, il y a un hic, Gilles Poissonnier n’est pas « fonctionnaire dans l’âme. J’ai continué mes études en fac d’histoire. J’ai écrit mon mémoire sur une grande famille noble du coin, les Choiseul, puis je suis retourné à Paris pour mon DEA (diplôme d’études approfondies) en anthropologie historique, la science des réflexes familiaux au travers de l’étude d’un groupe ». Comprenez pour faire court : étude des stratégies de mariage et transmission de patrimoines. Nous y voilà. Il faut savoir qu’il n’existe aucune formation officielle au métier de généalogiste, d’ailleurs non réglementé et typiquement français.
En 1990, vraisemblablement un jour de beau temps, il atterrit à nouveau à Dijon, en parachute. En vérité, il y est déjà revenu depuis quelques temps, s’essayant à d’autres métiers lorsqu’il postule chez Andriveau, entreprise de généalogie basée à Paris et disposant de succursales en France. « Coup du sort, le directeur régional bourguignon allait partir, j’ai été directement parachuté à son poste à Dijon » se souvient-il, aussi ravi que s’il réalisait à nouveau son rêve d’enfant. Il y fera pousser beaucoup d’arbres et distribuera avec liesse les pommes d’or à nombre d’héritiers retrouvés. « Le généalogiste n’intervient que lorsqu’il y a un patrimoine et non des dettes » précise-t-il.
Huit ans plus tard, Gilles Poissonnier décide de voler de ses propres ailes avec Inter Généalogie. Autant dire que le parachute est inutile. Sa maîtrise du métier est largement reconnue sur la place et le potentiel d’activité bien présent. Justement, concernant l’héritage de mon oncle d’Amérique ? « Le généalogiste successoral doit être mandaté, un simple courrier suffit, pour lancer les recherches dans le monde entier. Dans 80% des cas, ce sont les notaires qui font appel à nos services, plus rarement les assureurs et les particuliers. » En France, chaque année, 10% des défunts sans descendant ou ascendant connu n’auraient pas de testament. De l’enfant naturel né d’une maîtresse, en passant par l’ex disparue depuis 30 ans, ou encore le petit fils du grand oncle du neveu de la cousine Berthe exilé à Tombouctou, les héritiers potentiels sont partout avec des réactions parfois mémorables aux dires de notre expert. Comme cet homme au premier abord méfiant et silencieux, soudainement radieux : « La salbiiiiiiip ! Ça y est ! Elle a crevé ! J’signe où ? ».
Attention toutefois, dixit Gilles Poissonnier qui ne badine pas avec le Code civil, car depuis 2006, la prescription pour réclamer une succession, une fois votre statut d’héritier avéré, est tombée à 10 ans. Passé ce délai, tout revient à la Nation. Dernier détail : l’Etat mange d’abord la plus grosse part du gâteau (aux pommes, cela va sans dire). Puis le généalogiste qui vous a retrouvé caché sous un nom d’emprunt à Trifouillis-les-Oies en jouant les détectives privés durant plusieurs mois ou années, encaisse 60% de ce qui reste. Les 40% vous reviennent ensuite, parce que vous le valez bien.
Florence PARRINELLO