Guillaume Lorisson : « Une métropole attractive »

Les notaires représentent la profession la plus à même de sentir et analyser le marché immobilier. Et cest dautant plus vrai pour Me Guillaume Lorisson, président de la Chambre départementale des Notaires de la Côte-dOr qui publie régulièrement une conjoncture immobilière départementale. La dernière en date porte sur lannée dernière – du 1er décembre au 30 novembre 2022 plus précisément lactivité du marché était particulièrement soutenue

Cette note de conjecture 2022 est-elle toujours dactualité ?

« En observant la dernière note de conjoncture parue en novembre, d’aucuns pourraient se dire que l’on vit une époque formidable. L’activité était soutenue… Mais la réalité est que nous avons eu depuis un gros trou d’air dans le volume d’activité lié aux problématiques de hausse des taux des crédits qui ont généré un franchissement du taux d’usure. Si bien que les banques se sont retrouvées dans l’impossibilité d’octroyer nombre de crédits depuis l’automne dernier. L’immobilier s’achetant aujourd’hui pratiquement tout le temps à crédit, la première démarche que fait un acquéreur est de rencontrer son banquier. Et lorsque celui-ci dit qu’il ne peut pas prêter, la source d’acheteurs se tarit considérablement. C’est ce que nous avons vécu depuis le mois d’octobre. Si l’on ajoute à cela que nous venons de passer, depuis la sortie du Covid, deux années très dynamiques, le volume de transactions s’est réduit comme peau de chagrin ».

Si bien quil faut sattendre à quoi pour cette année 2023 ?

« Alors que 2022 a été encore une très bonne année, très solide en volume, avec, à nouveau, des hausses de prix, les perspectives pour 2023 sont beaucoup plus incertaines. Et ce, même si, au mois de janvier, il a été décidé d’adapter le taux d’usure mensuellement – historiquement c’était trimestriellement. Et cela était particulièrement attendu. Les banquiers, les courtiers, l’ensemble des professionnels de l’immobilier et les acquéreurs attendaient cette mesure de façon à ce que l’on colle à la réalité du marché. En conséquence, nous avons moins de risques d’avoir des dossiers qui ne peuvent pas sortir pour des questions réglementaires. En revanche, à partir du moment où le taux d’usure monte, le taux des emprunts augmente de façon générale et le surenchérissement du coût du crédit limite forcément le nombre de candidats acquéreurs également. Il est nécessaire tout de même de replacer les choses en perspective :  aujourd’hui la moyenne des taux à 20 ans avoisine les 3%, ce qui est ni plus ni moins que ce que nous connaissions il y a 4 ans. Et, à l’époque, l’activité fonctionnait très bien. Il faut simplement que les repères du marché se repositionnent et que les acquéreurs-emprunteurs se réhabituent à avoir un coût de crédit un peu plus élevé. Les conditions ne sont pas mauvaises ».

Quid également de la performance énergétique des logements sur lévolution du marché ?

« Les incidences de la question thermique sont délicates à constater statistiquement. Il est certain que la question de la performance thermique du logement est un des critères d’achat important. Il l’est moins par conviction écologique que par les contraintes financières et administratives. Un logement peu performant énergiquement parlant signifie un logement avec un coût de fonctionnement plus élevé. Compte tenu des contraintes réglementaires pour les investisseurs-bailleurs, cela veut dire aussi des dépenses de travaux à envisager, soit moins d’argent à mettre sur le prix du bien. Nous estimons que le prix d’un bien « passoire thermique » va être diminué, selon l’état réel du bien, de 10 à 20%. Beaucoup de choses rentrent en ligne de compte mais sans aucun doute il y a une décote… Cela fait réellement partie des choses particulièrement regardées par les acquéreurs aujourd’hui, d’autant plus depuis la flambée de l’énergie ».

Quen est-il du marché des appartements anciens ?

« En 2022, le prix médian du m² sur Dijon a franchi un cap symbolique : 2 500 €/m². Et ce, grâce à une hausse de 6,5%. Si bien que les prix ont continué de monter pour arriver à 2 540 €/m². Mais nous restons l’une des grandes capitales régionales les moins chères de France. Ailleurs, les prix médians sont plutôt situés entre 3 000 et 4 000 € du m². Dijon reste ainsi attractive pour beaucoup d’investisseurs extérieurs. C’est un phénomène qui a encore été constaté en 2022, y compris pour les appartements anciens. Des Parisiens, des Lyonnais viennent chercher ici des biens abordables et plus spacieux, ils ont des perspectives de rendement et de plus-value plus intéressantes ».

Les évolutions les plus importantes ont été constatées dans quels quartiers ?

« Le quartier des Grésilles n’est autre que celui où le prix médian des appartements anciens a le plus grimpé : + 16,6%. Si bien que le prix moyen atteint 2 060 €/m2. Nous avons un peu le même phénomène aux Bourroches (+, 11,7%, 2 120 €/m²). Nous assistons également à une croissance à 2 chiffres aux Poussots (+ 10,9%, 2 360 €/m²). Le quartier le moins cher de Dijon reste la Fontaine d’Ouche (940 €/m²), où les prix collent à la hausse moyenne de la ville (+ 6,7%). A contrario, sur Montchapet, Les Perrières, Centre Nord, Centre Sud, la Toison d’Or… nous nous situons entre 2 500 € et 3 000 € du m². Dans son ensemble, la hausse des prix est encore plus forte sur la périphérie dijonnaise sur 2022 (+ 12,4%) mais avec un prix médian des biens de 2 170 €/m². Si bien que l’on voit encore un écart avec Dijon… Lorsque l’on est sur Dijon, la surface médiane des appartements vendus est de 57 m² contre 69 m² dans la périphérie dijonnaise. Les acquéreurs s’éloignent pour des biens plus spacieux ».

Parlez-nous maintenant du neuf, lun des grands enjeux de la métropole dont la politique est de reconstruire la ville sur elle-même et dattirer de nouveaux habitants ?

« La métropole dijonnaise représente l’une des dernières grandes capitales régionales où cela construit, où la Ville a, en effet, une politique qui encourage les constructions. Je prends juste l’exemple proche de Lyon où le volume de permis de construire a été considérablement réduit, ce qui fait qu’un certain nombre de promoteurs viennent voir ce qui se passe ici afin de développer des projets. Ce qui accompagne le développement de la capitale régionale. L’activité reste solide en volume de ventes même si l’année a été difficile sur le plan des permis de construire, eu égard aux problématiques de maîtrise des coûts, ce qui a fait que les promoteurs ont eu du mal à se positionner et à lancer de nouveaux projets. Malgré cela, nous avons toujours une dynamique de constructions significatives à Dijon ».

Et quelle est lincidence sur le prix des appartements neufs ?

« Le prix médian du neuf à Dijon a également franchi un seuil symbolique : celui des 4 000 €/m². Avec une hausse sur l’année de + 3,2 %. Les prix du neuf ont augmenté plus fortement sur la périphérie (+ 10,7%) avec un prix médian de 3 700 €/m². Nous voyons que les prix tendent vers une homogénéisation sur l’ensemble de la métropole ».

Quen est-il également pour les transactions liées aux maisons ?

« A Dijon, le prix médian des maisons anciennes est de 290 000 € (+ 6,4%). Et la demeure médiane fait 94 m² sur 364 m² de terrain. Sur la périphérie dijonnaise, le prix médian est de 270 500 € (+5,8%) mais nous sommes sur des biens sensiblement plus grands (99 m² sur 450 m²). Sur Dijon, nous constatons que le quartier Montchapet a vu ses prix médians baisser d’environ 10%. Cela reste certes, et de loin, le quartier le plus cher (441 500 € pour 125 m² sur 350 m) mais nous voyons une forme de plafond de verre se dessiner. Dans une ambiance globalement haussière, c’est un phénomène à noter. Il en est de même à Fontaine-lès-Dijon qui reste la commune la plus chère (360 000 € pour 119 m² sur 530 m²) mais où les prix sont aussi en baisse (-4,8%). On voit bien que dans les endroits où les prix étaient vraiment au maximum, cela commence à se réguler… »

Propos recueillis par Camille Gablo