« Les sanglots longs
des violons
de l’automne
blessent mon cœur
d’une langueur monotone ».
Certains se seront remémorés, qui sait, ces vers du poète maudit Paul Verlaine en apprenant la mort d’Adrien Huguet. Cette « Chanson d’automne » – peut-être la plus belle œuvre mélancolique française – qui serait, dans le cas précis, plus une chanson d’hiver, l’adjoint de Saint-Apollinaire ayant choisi de mettre fin à ses jours une triste nuit de mars. Et ce, alors même qu’il n’avait que 30 ans… Aussi aurions-nous pu également débuter par les vers du « Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud, qui, lui aussi, avait quitté les flots de la vie bien trop jeune.
Adrien Huguet aurait dégusté, à n’en pas douter, ces références, lui qui appréciait la culture, au sens où André Malraux l’entendait, c’est à dire au sens démocratique et accessible au plus grand nombre. Ainsi c’est à la Brasserie des Beaux-Arts, à quelques pas du temple culturel dijonnais métamorphosé, qu’il aimait donner ses rendez-vous professionnels, et notamment répondre aux interviews. Et, à chaque fois, un maître mot revenait dans sa bouche : « l’intérêt général ». Et ce n’était pas un slogan vide de sens… car, comme il aimait à le répéter : « Pour faire de la politique, il faut aimer les gens ! » Dans la droite-ligne de son mentor, Rémi Delatte, avec qui il partageait le fait d’ériger l’humanisme au-dessus de toutes les valeurs. C’est à ses côtés qu’il a tout appris, ayant été durant 8 ans son collaborateur parlementaire. L’ancien député décela ses qualités alors même qu’il n’avait pas achevé ses études de droit. Et alors même qu’à l’époque il n’avait pas besoin d’un nouveau collaborateur. C’est tout dire et cela illustre les qualités d’Adrien Huguet.
Alors que les jeunes, à son âge, rêvent de périples dans des contrées lointaines, lui, son Voyage en Orient, cher à Gérard de Nerval, autrement dit son initiation, il a préféré la faire dans l’univers politique et sur son territoire de cœur, cette 2e circonscription où il est né et où il a vécu. Cette 2e circonscription où il s’est présenté, sous les couleurs LR, aux dernières élections législatives, le député sortant, ayant décidé de passer la main après 3 mandats successifs et de lui transmettre le flambeau…
Les Fleurs du Mal
Les suffrages en décidèrent autrement et c’est un nouveau visage – jeune lui aussi – qui s’imposa, Benoît Bordat, bénéficiant de l’investiture de la majorité présidentielle, Adrien Huguet échouant à la 4e place au soir du premier tour. D’aucuns disent que les défaites en politiques tannent le cuir, encore faut-il avoir vécu la défiance des électeurs pour pouvoir être certain de son effet sur la peau Et, aujourd’hui, après la mort d’Adrien Huguet, cette formule a tout d’un poncif… Cet échec a été, à n’en pas douter, une fracture de plus dans son parcours de vie.
Car les blessures ne l’ont pas épargné : ses parents étaient partis très tôt, tout comme son frère qui le quitta tragiquement à un moment où l’on a besoin de conseils éclairés d’un aîné pour grandir, si bien qu’il fut élevé par une famille d’accueil… Sur ces Fleurs du Mal, comme l’aurait si bien écrit Charles Baudelaire, ce jardin secret, Adrien Huguet ne s’épanchait rarement, mais elles faisaient partie intégrantes de sa vie. Comme l’a si bien écrit, dans un communiqué poignant, le maire de Saint-Apollinaire « Adrien a souhaité quitter la vie cette nuit. Seul dans l’obscurité de son balcon. Il a soulagé toutes ses souffrances qui, depuis sa plus tendre enfance, rendaient son ciel orageux (…) sa place est vide et toutes les larmes que l’on pourra verser ne la remplira pas ». Pour Jean-François Daudet, il était « comme un fils que l’on essaie de guider dans ses conflits personnels et sa soif de réussite ». Une soif qui avait pour but principal d’abreuver les autres, comme il s’attachait à le faire, avec la bienveillance et la tolérance comme valeurs fondamentales, en tant qu’adjoint délégué à l’innovation sociale et citoyenne à Saint-Apollinaire.
Lorsqu’on l’interrogeait sur son personnage politique préféré, il aimait à citer Simone Veil. Elle aussi avait vécu des traumatismes dans l’enfance et elle aussi avait voulu mettre toute son énergie au service des grandes causes. Le temps aura, quant à lui, manqué à Adrien Huguet, un « bon mec » regretté par beaucoup, à qui l’on peut accoler, depuis cette terrible nuit du 1er mars, le qualificatif de « maudit ». Comme Verlaine, à qui nous laissons l’épitaphe de la fin :
« Et je m’en vais
au vent mauvais qui m’emporte
deçà, delà
pareil à la feuille morte ».
Xavier Grizot