Yan Pei-Ming et Napoléon : la rencontre de deux… empereurs

Les « grognarts » que nous sommes (au sens où nous avons grogné durant les longs mois où la culture n’a pas été jugée essentielle) ne peuvent que retrouver le sourire : Yan Pei-Ming fait partie des grands artistes contemporains qui ont été conviés par le musée de l’Armée à donner leur vision de Napoléon. A l’occasion du bicentenaire de la mort de l’Empereur, le célèbre peintre dijonnais franchit ainsi la porte des Invalides avec un nouveau portrait, qui, à l’image de ses œuvres précédentes, fera date.

C’est un joli coup d’Etat ! Enfin nous devrions plutôt écrire : c’est un joli coup (artistique) de l’Etat. Le musée de l’Armée organise, en effet, depuis le 19 mai un parcours d’art contemporain afin de marquer le bicentenaire de la mort de Napoléon. Et, comme il n’y a rien de mieux pour le retentissement d’une exposition qu’une polémique, la missive adressée par le député LR de Seine-et-Marne Jean-Louis Thiérot à la ministre des Armées, Florence Parly, fustigeant « l’idée folle » de suspendre sous le Dôme des Invalides, au-dessus du tombeau de l’empereur, une reconstitution du squelette de Marengo, cheval favori de Napoléon, s’est apparentée à une excellente campagne de… promotion. Une pétition en ligne est même venue ajouter une salve supplémentaire.
La bataille autour de cette installation du plasticien Pascal Convert, ajoutée à la réouverture tant attendue des musées, gonflera, à n’en pas douter, l’armée de visiteurs qui se délectera de cette exposition visible jusqu’au 13 février 2022.
Cette armée de… « grogn’arts » – qui ont vitupéré contre la fermeture des lieux culturels – appréciera, c’est certain, cette exposition intitulée « Napoléon ? Encore ! ». Et ceux-ci découvriront, parmi les grands artistes d’aujourd’hui invités à dévoiler leur regard sur le Napoléon d’hier, Yan Pei-Ming. Comment en aurait-il pu être autrement, pourrions-nous écrire, puisque le peintre dijonnais a revisité les grands comme les petits de ce monde ! C’est notamment avec ses portraits de Mao que sa notoriété (dorénavant mondiale) a débuté… C’est ainsi tout naturellement que son portrait de Napoléon sera visible aux côtés des œuvres d’autres grands noms de l’art contemporain, tels la Serbe Marina Abramovic ou encore le Belge Hans Op de Beeck. Pour ne citer qu’eux…

Sa bichromie si caractéristique – ses noir et blanc – s’adapte parfaitement à la lumière et aux ombres jalonnant l’héritage de Napoléon depuis sa mort à Saint-Hélène. A l’instar de Chateaubriand, qui l’adulait autant qu’il l’exécrait, ses contempteurs tout comme ses thuriféraires sont légion. Tout comme, à 29 ans, son pouvoir sur le monde était total, son pouvoir… de fascination reste entier plus de deux siècles plus tard. Et ce portrait de Yan Pei-Ming nous permet de « regarder notre histoire en face », en paraphrasant Emmanuel Macron lors de son discours commémoratif le 5 mai dernier. Seulement le second président en exercice, rappelons-le, à s’être exprimé officiellement sur l’héritage du stratège de la bataille d’Austerlitz, après Georges Pompidou. C’était en 1969… à l’occasion du bicentenaire de sa naissance !

Mais revenons au présent… artistique. Après avoir été parmi les premiers peintres vivants exposés au Louvre – avec ses gigantesques Funérailles de Monna Lisa, à quelques mètres à peine de celle du maître florentin – Yan Pei-Ming est ainsi invité dans un autre écrin du patrimoine français : les Invalides. A quelques pas cette fois-ci du tombeau du héros du Pont d’Arcole… Notre premier empereur de l’art contemporain est ainsi allé à la rencontre de l’Empereur. Quand l’on vous disait que c’était un véritable coup… d’éclat !

Camille Gablo