La Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) a réalisé une étude conjoncturelle particulièrement fine sur la situation du marché national du logement en 2020 et a dégagé les tendances pour 2021. Cette étude on ne peut plus fournie dont vous pourrez découvrir dans les pages suivantes les principales informations montre que le marché immobilier a affiché une belle résilience face à la crise du Covid-19. Catherine Vandriesse, membre du Conseil d’administration de la FNAIM Côte-d’Or et de la FNAIM nationale, nous explique pourquoi et aborde également la situation dijonnaise. Interview des plus… constructives !
Dijon l’Hebdo : Quelles ont été les incidences du Covid 19 sur le marché immobilier au niveau national ?
Catherine Vandriesse : « 2020 intervenait après l’année exceptionnelle de 2019 où le nombre de transactions avait atteint, à l’échelle national, 1,067 million. Les bonnes années frôlent le million de transactions et, là, nous l’avions dépassé. C’est essentiellement la baisse des taux qui avait conduit à ce record. Après cette période exceptionnelle arrive l’année Covid. Tout le monde s’attendait à ce que ce soit la fin du monde dans nos métiers. Ce ne fut pas le cas, les ventes de logements revenant, dans l’Hexagone, à leur niveau de 2017 et 2018, soit 980 000. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, en simplifiant, nous vendons des maisons plus loin – ce que nous ne faisions pas avant –, plus ou moins en bon état, à des tarifs plus ou moins élevés, afin de répondre à de vraies questions de société. Je pourrais citer les enjeux du télétravail, le besoin d’espace, de jardin, de verdure… Rappelez-vous du départ du mouvement des gilets jaunes qui était inhérent au prix du litre de fioul. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère de la voiture électrique, parce que le deuxième véhicule qu’il faut lorsque vous habitez à 40 km d’une métropole, c’est ce type de voiture. Ce sont des éléments que j’intègre dans le comportement des acheteurs. Une anecdote afin d’illustrer aussi les nouveaux comportements : savez-vous quelle est la première chose que font les clients lorsqu’ils visitent un bien lointain à rénover ou non ? Ils regardent le nombre de barres sur leur téléphone. Ils se renseignent également pour savoir si le lieu bénéficie de la 4G, de la 5G, voire de la fibre. La période Covid a modifié les comportements mais, dans le même temps, a accentué les relations à l’espace de vie ».
DLH : Autrement dit le marché immobilier a montré une véritable résilience par rapport au Covid…
C. V : « Les professionnels de l’immobilier n’ont pas été impactés par la crise Covid en volume d’affaires. Le volume d’activités n’a pas baissé tant que cela. Certes nous avons assisté à une petite baisse des prix dans les centres-villes historiques. Quand vous avez un balconnet de 20 m2 et que vous dites que vous pourriez avoir au même prix une maison avec 600 m2 de terrain à l’extérieur des villes, avec les confinements successifs, vous vous interrogez. Certains ont fait un arbitrage de vie en ce sens. Cette tendance est apparue l’année dernière et se poursuit aujourd’hui. Mais, lorsque que l’on analyse l’évolution des prix au m2, on s’aperçoit que, sur Dijon, ils sont en hausse de 3,3% entre 2020 et 2019 ».
DLH : Cette légère augmentation des prix de vente dans la cité des Ducs n’est-elle pas inhérente à la faiblesse de l’offre par rapport à la demande ?
C. V. : « C’est vrai. Nous sommes sur une ville intermédiaire et cela prend tout son sens ici. Nombre d’articles ont été publiés récemment montrant que Dijon représentait un bon choix d’investissement locatif, à équidistance des deux grandes métropoles que sont Paris et Lyon. Nous assistons à une tension sur le marché, et, de facto, à une augmentation réelle des prix. L’augmentation de l’offre est plutôt stable et les demandes sont toujours très fortes. Nous sommes toujours sur une conjoncture favorable sur l’achat immobilier qui rassure. La valeur pierre n’a pas perdu de sa solidité ! »
DLH : Les refus de prêt des banques vous ont-ils tout de même impacté ?
C. V : « Nous avons eu, dans ce domaine, une période critique aux mois d’octobre, de novembre et de décembre derniers. La moitié des agents immobiliers au niveau national l’ont constaté. Là, nous avons été impactés par la frilosité des banques. Cela n’a pas été neutre. Mais, à partir du mois de janvier, c’est reparti et ceux qui n’avaient pas pu réaliser leur acquisition précédemment ont alors pu le faire. Aujourd’hui, nous avons toujours des taux très bas. C’est encore open ! »
DLH : Peut-on craindre, à terme, à une flambée des prix sur Dijon ?
C. V : « C’est une augmentation et non une flambée. Proportionnellement, je pense même que l’augmentation des prix est plus forte sur le grand extérieur, la troisième couronne : Sombernon, Montbard… Avant, les biens dans ces secteurs ne se vendaient pas, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sachez également que sur notre agence, nous vendons des biens dans le nord de la Bourgogne à des Parisiens. Avant aucun négociateur ne faisait 150 km jusqu’à Auxerre ou Sens pour rentrer un mandat. Aujourd’hui l’évolution du marché mais aussi du comportement des négociateurs font qu’ils s’y rendent ».
DLH : Quelle est, selon vous, la typicité du marché immobilier dijonnais ?
C. V : « Il est d’une stabilité incroyable. C’est une typicité liée à la caractéristique de la ville. C’est l’avantage d’une ville moyenne, pas au sens négatif s’entend, avec une administration, une activité économique, un peu d’industries, pas beaucoup, des services… Dijon est, par exemple, forcément moins impacté sur le marché immobilier qu’une ville comme Toulouse qui a été frappée de plein fouet par la crise économique liée à Airbus. Les gens ont perdu leur job, ils vont vendre leur maison et il y aura un problème sur le marché à cause de la baisse de l’attractivité économique. Le fait d’être une ville moyenne crée une véritable stabilité mais fait aussi que Dijon devient une ville intéressante pour les investisseurs. Dans l’ancien comme dans le neuf, nous sommes à des prix moyens bien en-dessous de ceux pratiqués dans des villes comme Lyon ou Paris et nous avons une véritable rentabilité. Dans le neuf, celle-ci est garantie parce que les loyers sont fixés par la loi et dans l’ancien les loyers ne sont pas bas. Imaginez : vous êtes un investisseur parisien ou lyonnais. Vous disposez d’un cash. Vous allez acheter mieux et plus grand avec une rentabilité qui ne sera pas moins bonne qu’à Paris ou Lyon. Et, à terme, vous disposerez d’un pied à terre dans un endroit sympa. La ville de Dijon a des opportunités pour cette raison de stabilité et pour ses prix médians nationaux ».
DLH : L’avènement du DPE (diagnostic de performance énergétique) opposable qui va entrer en vigueur au 1er juillet prochain va-t-il avoir des répercussions importantes sur le marché ?
C. V : « Nous allons assister à un mercato des biens concernés car il va y avoir un marché opportuniste des marchands de biens ou autres. Ceux-ci vont dire : vos biens dont les DPE ne seront pas bons ne seront plus vendables, on vous les achète à la casse, on va les rénover et puis on les remettra sur le marché. Des offres très basses seront faites aux propriétaires qui ne pourront pas réaliser de travaux et l’on sait qu’en France nous allons assister à une tonicité de ce marché durant deux mois. Les moins-values vont devenir des plus-values. Cela va dynamiser le marché ».
DLH : Le Covid nous a fait entrer pleinement dans l’ère du digital. Vos métiers, avec, notamment, les visites virtuelles, ont fait preuve d’innovation dans le domaine. La relation client n’a-t-elle pas évolué avec le Covid ?
C. V. : « La technologie a été au service du client mais nous n’avons pas baissé le nombre de visites réelles. Les visites virtuelles fonctionnent mais, après, le client veut voir le bien en réel. Et, comme l’appétence des gens est plus forte pour l’immobilier, ils visitent plus. Il faut aussi être très clair : nous ne pouvons pas utiliser ce procédé pour tous les biens : lorsque les logements ne sont pas en bon état, c’est impossible. Tous ne se prêtent pas à la visite virtuelle. Il faut montrer l’opportunité du bien, son prix, l’évolution du quartier pour de primo-accédants afin de le revendre ou le louer par la suite. Pour le haut de gamme ou les biens lointains, cela a du sens. Les clients peuvent se dire, par ce biais-là, que les produits méritent le déplacement. Mais le métier n’a pas changé. Bien au contraire, les gens ont besoin d’être rassurés. Nous avons beaucoup digitalisé nos relations contractuelles. Les mandats, les compromis se font par le biais de signatures électroniques mais je demande, pour ma part, à mes agents que la signature électronique se fasse en présentiel. Ils n’ont plus à parapher des dizaines de papier mais nous conservons la relation client qui est, et qui restera au cœur de tout. Et encore plus en situation de crise ! »
Propos recueillis par Camille Gablo
L’enjeu de la rénovation énergétique
Dijon l’Hebdo : Un des principaux enjeux de l’immobilier est, aujourd’hui et pour les années futures, la transition énergétique. Comment cela va-t-il se passer à Dijon ?
Catherine Vandriesse : « Nous sommes malheureusement dans une ville qui a beaucoup de vieux immeubles, des bâtiments des années 50, 60 et 70. Là, cela va coincer. Je dis aux copropriétaires que tant qu’il existe des enveloppes de financement il faut y aller. C’est un vrai enjeu d’investissement. Le problème que nous rencontrons aujourd’hui avec les copropriétaires occupants réside dans le fait que ce sont souvent des gens ne disposant pas de trésorerie. Donc ils auront potentiellement du mal à financer ces travaux. En outre, ce sont pour la plupart des gens âgés et ils ne verront pas les effets immédiats des investissements puisque ceux-ci interviennent à 20 ans. Il faut beaucoup de travaux pour constater des économies d’énergie. Et ce sont souvent des travaux simples qui donnent une garantie plus importante. Je vous donne un exemple : vous installez une VMC, vous fluidifiez l’air chaud qui va toujours en bas, vous réchauffez mieux l’air. Et une VMC coûte bien moins cher que l’isolation d’une façade. Seulement il faut aussi réaliser l’isolation… Ajoutez à cela que nous sommes souvent sur des petits immeubles avec peu de logements. Sur une résidence avec 100 logements, les investissements nécessaires se lissent mais sur des immeubles avec une dizaine de logements vous imaginez que le coût est tout de suite plus important pour les copropriétaires ! »