Une génuflexion pour… Maradona

Diego Armando Maradona na pas réussi à ressusciter une nouvelle foisSi bien que lArgentine, terre de messies par excellence, garde un Pape et perd son Dieu. Il nous était impossible de ne pas participer à la procession

Avant que Diego Armando Maradona ne soit mis en terre dans le cimetière Bella Vista de Buenos Aires, ne doutons pas que le prêtre prononça « Vaya con dios ». « Que Dieu te garde… »

Même si la tristesse a gagné… le monde entier, daucuns nont pas manqué desquisser un dernier sourire en se disant que cette formule navait pas lieu d’être. Car le vrai Dieu, à leurs yeux, n’était autre que Maradona !

Il a suffi de voir les unes des journaux au lendemain de son arrêt cardiaque respiratoire le 25 novembre pour en être presque convaincu. Juste quelques exemples : LEquipe, la bible du sport français, titra « Dieu est mort ! »; lattachement à la laïcité de Libération ne lempêcha pas de jouer avec une partie du nom de la sélection argentine : « Céleste ! »… Evidemment, les quotidiens anglais, à limage du Sun, préférèrent « In the hands of God ». Une référence à son but de la main en quart de finale de la Coupe du Monde 1986 face à lAngleterre (et à son gardien Peter Shilton) que vous avez évidemment tous revu lors des nombreux hommages télévisés. Mais une référence aussi et surtout à son interview à lissue de ce match où le capitaine argentin ne s’échappa pas dans les vestiaires et assuma son geste : « Ce but, je lai marqué un peu avec la tête de Diego et un peu avec la main de Dieu ! »

La messe était dite et « El Pibe de Oro » (le gamin en or) pouvait incarner la revanche de tout un peuple 4 ans après la Guerre des Malouines. Le péché… puis la plus belle des rédemptions, quatre minutes plus tard, avec un but qualifié « comme le plus beau du XXe siècle ». Est-il besoin encore de revenir sur sa chevauchée fantastique nous pourrions même écrire christique, eu égard à sa chevelure débutée avant la ligne médiane et terminée par un dribble sur toujours le même malheureux ShiltonSes deux chefs d’œuvre résumant à eux seuls le côté génial et sulfureux de Maradona, mi-ange mi-démon qui ont fait entrer le joueur dans la légende. Jamais loin du purgatoire mais toujours touché par la grâce

Les Napolitains lont également sanctifié après quil eut remporté, avec leur club, deux Scudetti (championnat dItalie) en 1987 et 1990 et la coupe européenne de lUEFA en 1989. Et, là aussi, ces quêtes du Graal étaient, en quelque sorte, la revanche de la pauvre Italie du Sud, contre la riche Italie du Nord, celle-là même où brillaient la Juventus de Platini ou le Milan de Van Basten.

Lascension extraordinaire ou thaumaturgique, cest selon de ce gamin né dans le bidonville Villa Fiorito de Buenos Aires a contribué à en faire un Dieu de la classe populaire. Il était, pour des millions de Sud-Américains, le Che du ballon rondet son admiration pour Fidel Castro, quil qualifia comme son second père, y contribua aussi largement. Tout comme son soutien à Nicolas Maduro ou à Hugo ChavezSi bien que lHumanité, quotidien de gauche sil en est, préféra, quant à lui, titrer au lendemain de son décès : « Adios Compañeros ! »

Le joueur de Boca Juniors était la voix du peuple et son sens de la formule (aussi affûté que celui du dribble) na eu de cesse d’être du pain béni pour tous les commentateurs. Laissons-lui donc la (sainte) parole pour conclure : « Je suis né dans un quartier privé de Buenos Aires. Privé deau, d’électricité et de téléphone ! » Ou encore celle-ci à lissue dune visite au Vatican : « Je me suis fâché avec le pape. Le plafond était recouvert d’or. Et après, on nous dit que l’église se préoccupe des plus pauvres. Mais, putain, mec, vends le toit ! Fais quelque chose ! »

Une chose est sûre, aujourdhui, lArgentine, qui est la terre des Messi par excellence, a gardé son Pape et perdu son Dieu ! Amen

Camille Gablo