De sa création en 1993 jusqu’au mois de juillet dernier, Pierre Guez aura marqué de son empreinte Dijon Céréales. Portraits croisés du directeur général emblématique de cette coopérative et de son successeur, Christophe Richardot, qui a déjà pris le volant du tracteur…
Si nous devions tresser des lauriers au meilleur défenseur de l’agriculture locale, le nom de Pierre Guez s’imposerait de lui même… Plus que des lauriers, nous pourrions lui remettre une gerbe de blé, puisqu’il aura accompagné toutes les moissons depuis la création de Dijon Céréales en 1993, qu’il n’a cessé de développer jusqu’à ce que cette coopérative devienne le plus grand groupe agricole et agroalimentaire de Bourgogne Franche-Comté avec pas moins de 3800 adhérents et plus de 600 collaborateurs. Mais c’est au total 50 moissons qu’il aura connues depuis ses premiers pas dans le monde agricole : il a été pion et a enseigné en agronomie au collège de Fayl-Billot en Haute-Marne puis au lycée de Sidi Moussa dans le cadre d’une coopération en Algérie avant de rejoindre, comme technico-commercial, le premier négociant en céréales de Côte-d’Or, Renault & Jacquinet, à Darcey dans le Châtillonnais. Dix ans lui ont suffi pour prendre la direction de cette entreprise et, lorsque la Sonogra décida d’acquérir son premier employeur, elle le choisit pour prendre en main la destinée de cette nouvelle entité. Car Pierre Guez n’a pas son pareil pour mener les hommes, fédérer les équipes (son passé de footballeur ne doit pas y être étranger !) et bâtir des projets d’envergure.
Jusqu’à la Chine
Ce fut la réforme de la politique agricole commune (la célèbre PAC) qui le conduisit, au début des années 90, à réfléchir au rapprochement de toutes les coopératives céréalières de Côte-d’Or. La graine de Dijon Céréales était plantée et celle-ci a poussé au fil des ans pour connaître une croissance record. Son siège social fut implanté à Longvic en 2000 et fut doté rapidement d’une plateforme logistique moderne. Nous pourrions également citer, comme réalisation d’envergure à mettre au crédit de ce fils d’éleveurs de la région de Montbéliard, l’avènement de Cérévia, la première union des coopératives de Bourgogne et de Rhône-Alpes qui misa sur le transport fluvial. Et ce, de Pagny jusqu’au tout nouveau terminal céréalier de Fos-sur-Mer, afin d’écouler la production via le bassin méditerranéen… jusqu’à la Chine notamment.
C’est à ce personnage haut en couleurs (et pas seulement celles de la Côte-d’Or et de la Bourgogne), qui a toujours porté haut et fort la parole des agriculteurs, que Christophe Richardot a succédé au 1er juillet dernier, à la tête de Dijon Céréales, présidée par Marc Patriat. Mais pas seulement puisqu’il tient aussi les rênes de l’alliance avec les coopératives Bourgogne du Sud et Terre Comtoise, opérationnelle depuis le 1er janvier 2018. Ce mariage fait suite à de nombreux rapprochements entre ces différentes structures, notamment l’union d’approvisionnement AREA pilotée par Christophe Richardot de 2012 à 2017.
« Une très belle réussite »
« C’est un challenge de succéder à Pierre parce qu’il a construit un groupe important avec l’adhérent comme cœur de cible autour de la production végétale. C’est une très belle réussite. Dans son management, il me laisse une très belle équipe avec une excellente ambiance qui, il faut le savoir, n’est pas commune à toutes les coopératives. Les gens aiment leur boutique. Le sentiment d’appartenance est très marqué », se félicite-t-il… lorsqu’il vous reçoit dès potron-minet dans son bureau. Et c’est un doux euphémisme (horaire) ! Un point commun déjà avec son prédécesseur eu égard au même emploi du temps surchargé mais aussi, n’en doutons pas, aux journées des agriculteurs qui commencent, pour beaucoup, bien avant l’aube. Car Christophe Richardot a lui aussi traîné ses guêtres, dès son plus jeune âge, dans le monde de la terre, celui qu’Henri Vincenot, notre Pape des Escargot, n’avait pas son pareil pour décrire. Enfin ce ne fut pas dans l’Auxois mais dans une exploitation familiale près de Gray, en Haute-Saône, qu’il allait arpenter, dans sa jeunesse, cet univers dans lequel il allait tracer son sillon professionnel. Après une scolarité au lycée agricole de Vesoul, où il obtint un BTS agricole spécialisé dans la production végétale, il rejoignit Paris où il fut diplômé d’une école supérieure de commerce.
De multiples défis
Direction ensuite Nancy où il intégra une centrale d’achat d’une coopérative agricole, qui fournissait les intrants aux agriculteurs. C’est là où il croisa la première fois la route de Pierre Guez, puisque Dijon Céréales s’approvisionnait auprès de cette structure. Il gravit toutes les marches d’assistant à directeur adjoint avant de prendre en main la destinée d’une union de centrales d’achat à destination des adhérents coopérateurs de la frontière du Luxembourg jusqu’à Aix-en-Provence, la future AREA…
Au moment où les alliances sont capitales pour peser dans un marché de plus en en plus mondialisé et complexe, alors que les agriculteurs connaissent des difficultés majeures, eu égard notamment aux aléas climatiques des dernières saisons, Christophe Richardot a de nombreux défis à relever : l’adaptation au projet de loi agriculture et alimentation, adopté le 2 octobre par le Parlement, qui devrait modifier la donne en profondeur, le développement du bio, les travaux de diversification pour chercher des pistes nouvelles de valeur ajoutée, comme la méthanisation, ou bien encore l’arrivée des nouvelles technologies dans les exploitations.
Il croisera, c’est certain, à nouveau Pierre Guez qui demeure à la tête du pôle de compétitivité Vitagora mais aussi du pôle d’innovation AgrOnov. Ils seront dorénavant deux à faire entendre la voix des agriculteurs sur le territoire…
Camille Gablo