Succession / transmission anticipée : « Le meilleur moyen de préparer l’avenir »

En 2017, le nombre de déclarations de succession s’est élevé à 3 264 en Côte-d’Or. C’est dire si le droit successoral anime les études notariales. Transmission, donation-partage, testament… occupe l’emploi du temps des notaires. Interviews croisées de Didier Levray et Clémentine Courlet de Vregille, respectivement président et rapporteur de la Chambre des Notaires de la Côte-d’Or.

Dijon l’Hebdo : Le président Emmanuel Macron a recadré récemment le délégué général de La République en Marche, Christophe Castaner, après que celui-ci a évoqué une possible réforme des droits de succession. C’est dire si le sujet est sensible…

Clémentine Courlet de Vregille :« Cela concerne les seniors au premier chef parce que cela coûte une fortune. L’on peut préparer l’avenir et n’avoir parfois rien à payer si l’on s’y prend tôt, si l’on est bien conseillé mais il reste encore des personnes pour qui la succession reste chère. Une transmission bien faite est une transmission discutée familièrement ».

Didier Levray :« Avec un minimum d’ingénierie patrimoniale – et je ne dis pas fiscale car la solution n’est pas que fiscale –, nous arrivons à faire des transmissions anticipées qui vont faire gagner beaucoup d’argent aux clients et qui amèneront une certaine sérénité dans les familles. La discussion est devenue essentielle. Ce n’est plus le laboureur qui réunit ses fils et qui leur dit : toi tu auras cela, toi cela… dans un silence de cathédrale. C’est devenu, depuis quelques décennies, une décision familiale. D’ailleurs les transmissions anticipées se signent souvent en fin d’année lorsque les gens se réunissent pour Noël ».

DLH : La transmission anticipée représente-t-elle véritablement la meilleure des solutions ?

D. L. :« Parmi ses principaux avantages, elle fixe, par exemple, définitivement la valeur des biens, c’est à dire que le bien transmis aujourd’hui pour une valeur de 100, s’il est évalué à une valeur de 200 au moment du décès, ne sera pas taxé à nouveau. Là, ceux qui ont reçu bénéficient de toute la plus-value du bien. Sachez également que l’intérêt est de faire des donations partage et non au coup par coup à ses enfants. Lorsque l’on a plusieurs enfants et que l’on donne à certains et pas à d’autres, ce que l’on a donné sera réévalué au moment du décès. A partir du moment où l’on a donné à tout le monde, peu importe les plus-values que prendront les biens, les enfants sont censés être à égalité. C’est la paix de la famille… »

DLH : Cela signifie donc que le testament a perdu de sa superbe…

D. L. :« L’anticipation peut prendre deux formes : celle d’une transmission anticipée, c’est à dire que, de leur vivant, les parents transmettent leurs biens, si bien qu’ils n’en sont plus propriétaires. Souvent ils en sont usufruitiers et en conservent la jouissance. Il existe également la transmission préparée sous forme effectivement d’un testament. Maintenant, dans la plupart des familles, il n’existe pas de problématique de mésentente, fort heureusement. Dans beaucoup d’entre elles, il y a nul besoin d’un testament pour préparer la succession. Mais sachez qu’il ne faut absolument pas faire son testament sans consulter un notaire même si c’est légal. A la fois pour qu’il soit adapté juridiquement à la volonté de l’auteur mais aussi pour sa pérennité, car nous pouvons le conserver… »

C. C.d.V. :«  Les testaments sont destinés à des cas très particuliers. Le dernier testament qui a fait beaucoup parler, c’est celui de Johnny Halliday et cela ne nous a jamais autant amené de clients. Ils ont été nombreux à venir se renseigner à cette occasion ».

DLH : La question des successions a-t-elle considérablement évolué ces dernières années ?

D. L. :«  Nous ne sommes plus à l’époque où les parents ne se préoccupaient pas de l’avenir. Car, pour moi, le pendant de la transmission, c’est la fin de vie, la vieillesse. Aujourd’hui, il faut que chacun, arrivé à un certain âge, se préoccupe de ce qu’il va se passer lorsque ses revenus vont baisser, retraite oblige, ou lorsque sa santé nécessitera des dépenses supplémentaires. Dans le cadre d’une transmission, il faut, en premier lieu, penser à soi. L’on voit souvent des gens qui viennent en nous disant : je vais donner ma maison à mes enfants. Mais, lorsqu’on leur demande s’ils ont quelque chose à côté ils nous répondent non… là, nous leur disons que ce n’est pas la peine de faire une transmission anticipée. Ils se mettraient, eux-mêmes et leurs enfants, dans une situation difficile. Pour être caricatural, l’on ne donne de son vivant à ses enfants que ce dont l’on n’aura pas besoin. Nous ne sommes plus dans le monde où les solidarités familiales vont jouer jusqu’au décès des parents. Nous n’avons plus aujourd’hui, sous le même toit, les enfants, les parents et les grands-parents. Et les gens âgés aujourd’hui ont conscience qu’ils ont probablement mieux vécu que ne le feront leurs enfants… Ils veulent faire en sorte de ne pas être une charge pour leurs enfants ».

C. C.d.V. :« Les cartes ont été entièrement redistribuées. La génération d’aujourd’hui se pose la question de l’avenir, ce qui n’était pas le cas avant. Il faut tenir compte aussi du fait que l’on vit de plus en plus vieux, du tarif exorbitant des maisons de retraite et de l’insuffisance, souvent, des pensions de réversion pour celui qui survit ».

DLH : Pourquoi le notaire est-il indispensable afin qu’une succession se déroule dans les meilleures conditions ?

D. L. :« Le notaire est le spécialiste du droit successoral. Nous réglons toutes les successions de France. Nous pouvons très bien optimiser une transmission uniquement avec des solutions juridiques. Cela peut passer par une donation, un changement de régime matrimonial, la souscription d’une assurance vie… Il existe de multiples solutions permettant de prévoir l’avenir, de s’organiser parfois des revenus complémentaires. Le notaire est une sorte de passeur. Il va être là pour traduire les choses et les dire clairement, de manière à ce que chacun soit pleinement conscient de ce qui se passe et des conséquences que cela engendrera. La loi nous confère un rôle impartial, désintéressé. Et les notaires sont aujourd’hui très accessibles ».

C. C.d.V. : « Beaucoup de clients se renseignent aujourd’hui sur internet ou dans des journaux spécialisés. Mais il faut savoir que cela ne peut se faire qu’au cas par cas, par rapport à la situation familiale, aux biens… L’on peut prendre des idées mais le notaire, qui a souvent suivi les familles depuis longtemps, sait exactement comment cela se passe. Aucune famille n’est identique… »