Spécial Immo : « L’augmentation du volume des ventes ne doit pas provoquer une hausse des prix »

Le notaire est un acteur incontournable dans le domaine de l’immobilier. La chambre départementale, grâce à la structure « Notaires de France », publie régulièrement des notes de conjoncture sur ce secteur. Me Pascal Massip, pour Dijon l’Hebdo, commente la situation de ces derniers mois.

Dijon l’Hebdo :  Comment le marché immobilier se porte-t-il à Dijon ?

Pascal Massip : « Les éléments chiffrés que la chambre des notaires de la Côte-d’Or vous fournit dans ce spécial « Immobilier à Dijon » sont un comparatif sur l’évolution des prix entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017. Tout d’abord, il est important de bien marquer la différence entre les volumes de ventes qui se réalisent et l’évolution des prix. 2016 a été marquée par une stagnation des prix à un niveau relativement bas, intégrant même une légère baisse. Par contre, le premier trimestre 2017 a nettement marqué une reprise du marché de l’immobilier. Reprise qui s’est surtout manifestée au niveau du volume des ventes. Si on compare la période à celle de 2016, on voit qu’il s’est conclu beaucoup plus de ventes. Par contre, les prix sont restés à un niveau que l’on pourrait qualifier de très raisonnable.

En moyenne, sur la Côte-d’Or, le prix de vente des appartements anciens a encore baissé de 4 %. Sur Dijon, la baisse a été de 2,2 %. Pour les maisons anciennes, on constate une baisse de 0,6 % en moyenne pour le département et de 3,9 % sur Dijon.

 

DLH : Comment peut-on expliquer la baisse des prix ?

P.M : « C’est surtout la situation de l’immobilier en 2016 qui permet d’apporter les premiers éléments d’explication. La reprise, en 2017, concerne les volumes. Il faut espérer que les prix resteront raisonnables. Ce n’est pas parce que les volumes redémarrent qu’il faut que les vendeurs imaginent y associer une hausse des prix. Il reste, à l’offre, un marché très abondant qui se fluidifie beaucoup mieux. Dès lors, il n’y a pas de raisons que les prix remontent. Dans ce marché marqué par les difficultés rencontrées dans les années 2013-2014-2015, les acheteurs savent évaluer les bonnes fourchettes. Si un bien est proposé à un prix qu’on qualifiera de hors marché, il ne trouvera pas d’acquéreur. Il faut donc appeler à la raison ».

 

DLH : C’est une situation qui n’est pas homogène ?

P.M : « Il faut également être très nuancé sur l’évolution des prix. Il y a des quartiers qui sont concernés par la reprise alors que d’autres sont encore à la baisse. On peut, par exemple, pour les appartements anciens, parler des faubourgs sud sur lesquels on enregistre encore une baisse de 4,5 %. On peut aussi citer le quartier Montmuzard qui était resté à un niveau de prix très élevé à cause de la proximité de l’université et qui, cette fois, présente une baisse de 13 %. Par contre, à l’opposé, le centre sud, dans la proximité du centre-ville, présente une hausse de 4,8 %, tout comme le centre-nord qui révèle une hausse de 3 % sur un an. On voit bien la différenciation par quartiers avec un rattrapage des secteurs de la première couronne qui avaient subi une baisse ces années dernières alors que, dans le même temps, des quartiers un peu plus huppés constatent un tassement essentiellement en raison du jeu de l’offre et de la demande.

 

DLH : La performance énergétique n’est-elle pas essentielle ? Au même titre que l’emplacement ?

P.M : « C’est certain. Il faut aussi prendre en compte l’aspect intrinsèque du bien. Voilà bien longtemps que nous, notaires, on évoque cet aspect là. Il est évident que les diagnostics de performance énergétique ont une réelle influence sur le marché. Les biens qui sont énergivores risquent de voir les acheteurs se détourner. La règle de l’emplacement joue toujours mais il faut ajouter la règle de la qualité intrinsèque du bien. Les biens construits dans les années 60-70 marquent clairement le pas alors que les biens construits dans les années 2000, et à plus forte raison 2010, qui présentent à la fois des qualités énergétiques et des qualités de confort supérieures, tirent assez nettement leur épingle du jeu ».

Dijon est avant tout un marché de résidences principales

DLH : Les quartiers qui se vendent le mieux, quels sont-ils ?

P.M : « Ce ne sont pas forcément les quartiers où il y a le plus de ventes. En terme de prix de vente, on s’aperçoit que les prix moyens à Dijon ont tendance à se tasser et tournent aujourd’hui, pour les quartiers centraux, autour de 2 000 à 2 500 € du m² pour les prix les plus élevés. Par ailleurs, dès qu’on est dans des quartiers un peu moins prisés, plus périphériques, on est sur des valeurs d’environ 1 800 à 1 900 € du m². Il y a donc une différence de l’ordre de 20 % dans les prix selon que l’on se trouve dans les quartiers centraux ou périphériques ».

 

DLH : Les lignes de tram soutiennent-elles l’activité immobilière ?

P.M : « Le tram est un élément intéressant qui pèse incontestablement sur le marché de l’immobilier, prioritairement pour des gens qui en sont des utilisateurs. On touche là des appartements qui vont du T2 au T4. Le tram a peu d’impact sur la vente des studios car on a un marché qui est très central ou proche de l’université. Pour les grands appartements, l’attrait du tram se fait moins sentir car on touche des familles qui utilisent généralement leurs voitures, notamment les familles qui ont des enfants en bas âge ».

 

DLH : Et les maisons anciennes ?

P.M : « Pour les maisons anciennes, on touche aussi un marché très nuancé et surtout très périphérique. Sur Dijon intra muros, on a beaucoup moins de ventes de maisons. Les tarifs moyens se stabilisent autour de 210 000 € car des maisons d’exception à la vente, il y en a très peu. On est loin des prix qu’on relève en périphérie. A Fontaine-lès-Dijon, par exemple, on est à 300 000 € de prix de vente moyen. Même Quetigny, sur la période considérée, présente un prix de vente moyen à 213 000 €. A Saint-Apollinaire, 229 000 €. A Talant, 238 000 € ».

 

DLH : Comment voyez-vous évoluer la situation dans les mois qui viennent ?

P.M : « Je sens une évolution qui va être en adéquation avec la conjoncture économique. Si, véritablement, le pari du Président de la République et de son gouvernement se révèle gagnant, on aura un marché qui se maintiendra au niveau qu’on lui connaît aujourd’hui. Dijon est avant tout un marché de résidences principales et ne devrait donc pas être impacté par les mesures gouvernementales, qui ne sont pour l’heure que des projets. J’y vois peu d’effets sur le marché de l’ancien. A l’inverse, si la prochaine rentrée de septembre est économiquement et socialement désordonnée, on aura du mal à maintenir le marché immobilier au niveau du dynamisme des volumes qu’il connaît à l’heure actuelle. Et puis, il ne faut pas masquer la réalité : une bonne partie du marché est tenu par des achats d’anticipation des hausses des taux d’intérêt qui sont annoncées ».

 

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE