Mon ordinateur a une excellente mémoire ; je viens de retrouver les notes prises il y a 13 ans lors d’un dîner-débat organisé par la CGPME avec comme invité le député Christian Blanc, disparu depuis des écrans radar pour cause de quelques cigares payés par le contribuable ; comme quoi, une carrière ça tient parfois à des détails, n’est-ce pas ? Tout en devisant avec lui dans ce qui était alors le salon Napoléon de l’Hôtel de la Cloche, il me confiait avoir observé que toutes (j’insiste sur ce mot) les séances de l’Assemblée nationale auxquelles il avait assisté étaient, de près ou de loin, consacrées à la redistribution. Vous savez, la redistribution c’est ce système qui consiste à prendre à Pierre, qui a trimé dur et gagné quelques sous, pour donner à Paul, lequel pour des raisons diverses n’a pas eu la même chance. Le tout, évidemment, au nom de la solidarité.
Je n’ai rien contre ce mécanisme de redistribution qui vise à faire participer ceux qui ont quelques ressources afin d’améliorer, si possible, le sort de ceux qui sont moins bien lotis. Par contre, je m’interroge : est-ce que depuis que cela existe – c’est-à-dire des décennies – nos compatriotes se portent mieux ? La réponse est claire et cinglante : Non ! Jugeons-en plutôt…
« La France compte 5 millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian et 8,8 millions si l’on utilise le seuil à 60 %, selon les données 2014 de l’Insee (dernière année disponible). Dans le premier cas, le taux de pauvreté est de 8,1 % et dans le second de 14,1 %. Au cours des dix dernières années (2004-2014), le nombre de pauvres a augmenté de 950 000 au seuil à 50 % et de 1,2 million au seuil à 60 % » (Observatoire des inégalités). La France est numéro 1 dans ses dépenses sociales. Ce vocable recouvre « les retraites, assurance santé, assurance chômage, allocations universelles pour les plus pauvres type RSA, allocations pour les handicapés, aides à la petite enfance, allocations familiales… Autant de services qu’on résume souvent sous le nom d’Etat-providence » (Le Monde du 25 novembre 2014). 34,9% de nos dépenses sont affectées aux dépenses sociales contre 22% en moyenne dans les pays de l’OCDE (INSEE 2014). Cette exception française, à laquelle nous serions paraît-il si attachés, est en fait un fiasco monumental ! Taxations et prélèvements tous azimuts pour les uns, allocations riquiqui pour les autres, plus chômage en hausse continue, c’est ce qui s’appelle un système triplement perdant.
Voici trois pistes, pour ne citer qu’elles, pour sortir de ce statu quo désespérant :
1°) Nous ne travaillons pas assez. Hormis l’Italie, le taux d’activité en France n’est que de 71,2%, contre par exemple 77,6% en Allemagne ou en Grande-Bretagne, la Suède culminant même à 81,7%. Par ailleurs, nous ne recourons pas assez à l’emploi à temps partiel (moins de 30 heures par semaine) et je vous épargnerai l’avalanche de chiffres sur ce sujet. Par ailleurs, nous partageons avec l’Italie le triste record du plus faible taux d’emploi des séniors (55-64 ans) avec 52,5% seulement. Est-ce un hasard si nous rencontrons les mêmes difficultés ? Que faire ? Réponse : adapter notre législation et supprimer tout ce fatras de lois issues d’un temps manifestement révolu. Qu’attend-t-on ?
2°) Plutôt que de s’atteler à une véritable baisse des dépenses de l’Etat, éternel serpent de mer, nos élus préfèrent taxer encore et toujours au point, dans certains cas, de transformer cet outil de contribution au fonctionnement de nos institutions en véritable outil de confiscation. Je laisse aux spécialistes le soin de dire où et comment il faut trancher (s’ils n’ont aucune idée, qu’ils viennent me voir !) ; par contre, je note que les niches fiscales qui se sont empilées au fil des décennies pour des motifs souvent de basse politique électoraliste comptaient pour 72 milliards en 2013 et se sont élevées à 83,4 milliards d’euros en 2016 (source Bercy) ; souvent dénoncées mais toujours amplifiées donc… A titre d’illustration, ces niches fiscales représentent deux fois le montant annuel de la charge de la dette, ou un peu plus que le budget total de notre défense. Moralité, quand on veut trouver d’autres affectations plus intelligentes à nos dépenses, c’est possible ! Encore faut-il le vouloir.
3°) Parmi les dépenses sociales, celles concernant les retraites comptent pour 31,5% du PIB, contre 25% dans la majorité des autres pays d’Europe. L’explication est fort simple : Nous partons à la retraite beaucoup plus tôt que nos voisins alors que l’allongement de l’espérance de vie génère mécaniquement une flambée de ce poste « retraites ». Quelle solution alors ? Réponse : repousser l’âge du départ à la retraite à 65 ans au moins, voire 67 ans. Les leaders politiques qui prétendent le contraire sont tout simplement des menteurs, se gardant bien de dire qu’une retraite à 60 ans ne serait possible qu’au prix d’une amputation insupportable des pensions. Je suis fatigué de ces multiples réformes des retraites où, à chaque fois, les politiciens au pouvoir nous assurent avoir réglé le problème alors qu’ils ont juste refilé la patate chaude (brûlante même) aux suivants. Là aussi, la seule chose qui manque, c’est le courage.
On le voit bien, le logiciel en vigueur est faux, archi faux. Tout le monde le sait, tout le monde le déplore mais personne ne touche à rien ! Bel exemple de cécité qui nous vaut d’être les traîne-savates d’une Europe déjà bien à la peine.