Qui en Bourgogne ne connaît pas SEB – la Société d’Emboutissage de Bourgogne – et ses deux usines de Selongey et d’Is-sur-Tille, où ce fer de lance de l’industrie est né, il y a plus de 150 ans ? Quel foyer français ne compte pas dans son arbre généalogique plusieurs branches directes ou collatérales équipées de la friteuse Actifry ou de la fameuse cocotte-minute ? La cocotte SEB a fait et fait toujours le tour du monde. A elle seule, elle vaut bien mille coqs gaulois et trois salves de Marseillaise. Dans un environnement où les fabrications sont très largement externalisées, le Groupe SEB met en œuvre une politique industrielle atypique, produisant plus de 70 % des articles qu’il commercialise. Et dont la plupart sont désormais démontables et réparables. Conformément à un décret de 2014, les fabricants d’électroménager sont désormais tenus d’indiquer la période de disponibilité des pièces détachées de leurs produits. Il leur est également imposé d’en fournir les composants aux réparateurs. Le Groupe SEB voit bien plus loin que la législation actuelle et ne cesse d’anticiper depuis quatre ans. Alain Pautrot, responsable de la « Politique de satisfaction consommateur du groupe SEB » au plan hexagonal et international, nous en dit plus sur ce souci de lutter contre le gaspillage et d’œuvrer à la durabilité des produits :
« Oui, nous nous appliquons cette logique qui consiste à éviter le gaspillage ; et l’ensemble de nos gammes – 97% de nos appareils – est conçu pour qu’on puisse intervenir dessus et les démonter en cas de panne. A cet effet, nous stockons les pièces détachées sur une durée de 12 ans. Nous les vendons à petits prix, voire même à prix coûtants pour la plupart d’entre elles, afin que le client « s’y retrouve » et qu’une réparation n’excède pas le tiers du coût total d’un article.
Etre incitatif, c’est le nerf-moteur de notre stratégie. Nous avons dû réaliser tout un travail d’information en profondeur auprès d’un public, à qui, des décennies durant, on a martelé qu’un produit en panne se jette… C’est d’ailleurs dans les pays scandinaves, la Norvège notamment, où le soutien aux consommateurs a été poussé à l’extrême, que nous aurons le plus de mal à sensibiliser le public à l’idée que réparer, c’est enrayer le gaspillage et se montrer un consommateur écoresponsable.
En revanche, où trouve-t-on le plus de clients « vertueux » ? Eh bien, en Asie ou en Europe centrale, où le niveau de vie plus bas incite à faire durer, puis réparer les appareils. C’est même dans ces contrées une nécessité vitale ! Voilà qui ne fait que nous conforter dans notre stratégie de déploiement des pièces détachées et dans la conception d’une fiche dite de « réparabilité ». Fiche mise à la disposition des 220 réparateurs de proximité agréés, ou dépendant de partenaires tels Darty et autre. Bien entendu, ces 220 personnes ont été formées et sont l’objet d’un suivi. J’ajoute que les particuliers ont bien entendu accès à cette fiche. Un logo apposé sur chacun de nos produits informe la clientèle qu’elle bénéficie d’une garantie de 10 ans, grâce aux stockages de nos pièces de rechanges. Aujourd’hui, le pli semble bien prendre… Pour nous, c’est rentable, même si nous avons dû, au démarrage, faire de très gros investissements en locaux, et dans une nouvelle conception de nos produits afin d’en faciliter démontage et réparation ».
Dans cette optique anti-gaspillage, nous nous tournons vers des associations de consommateurs, vers des parlementaires – Bruxelles notamment- pour améliorer encore la législation. C’est ainsi que nous effectuons des démarches afin d’obtenir que la TVA sur les pièces détachées soit réduite ! J’ajoute que cette politique de fabriquer des appareils réparables peut engendrer des créations d’emploi. Evidemment, pas des milliers d’emplois ! Mais au moins plusieurs centaines en France, où la disparition de 20% des réparateurs de proximité fait aujourd’hui cruellement défaut. A méditer …
Marie-France Poirier