Nicolas Urbano : « Les artisans apportent une richesse sur nos territoires »

Nicolas Urbano, qui a conduit la liste « Fiers d’être Artisans » en Côte-d’Or, revient sur les récentes élections aux chambres de métiers et de l’Artisanat. Entre joie et désillusion, il fait un bilan sans concession des rapports qu’il entretient avec les représentants de l’UPA qui ont conservé la présidence régionale. Tout comme il ne mâche pas ses mots à l’adresse de la classe politique. Verra-t-on le maire de Fontaine-Française, ancien conseiller général, s’engager prochainement dans la bataille des législatives sur la 2e circonscription ? 

Dijon l’Hebdo : Du 28 septembre au 14 octobre se sont déroulées les élections aux chambres de Métiers et de l’Artisanat ? Quels enseignements tirez-vous de cette consultation ?
Nicolas Urbano : « Notre liste, Fiers d’être Artisans, portée par la CGPME, la FFB et ses partenaires, a gagné les élections des chambres de Métiers et de l’Artisanat dans l’Yonne et en Côte-d’Or et a fait un score de 48,08% sur l’ensemble de la région, renforçant de 10 points ses résultats par rapport à 2010. C’est une élection qui m’a passionné. J’ai beau être patron d’une PME, je suis et je reste artisan dans l’âme et dans la tête. Ma grande satisfaction, c’est d’avoir gagné en Côte-d’Or, d’avoir détrôné l’UPA qui empoussière la chambre de Métiers depuis des décennies. Je ne parle évidemment pas des personnels qui s’efforcent de faire au mieux leur travail. Je parle des élus siégeant au sein de l’exécutif qui tissent des toiles d’araignées et étouffent ainsi la structure qu’on devrait d’ailleurs plutôt appeler chambre d’enregistrement ».

Dijon l’Hebdo : Et pourtant votre victoire en Côte-d’Or ne vous a pas permis d’intégrer cet exécutif ?
N. U. : « Régis Penneçot, président sortant de la chambre de Métiers et de l’Artisanat de Côte-d’Or, pourtant battu dans son département, n’a permis aucune ouverture aux élus de la liste Fiers d’être Artisans. Au regard de nos bons résultats, je m’attendais à ce que l’UPA nous tende la main pour travailler ensemble pour la défense de l’artisanat. Il aurait été légitime qu’on nous ouvre l’exécutif. J’ai essuyé une fin de non recevoir.
Je suis sidéré de la méthode au moment où il est essentiel de se serrer les coudes dans un contexte économique difficile. Comment pourrait-on laisser croire que quelques-uns, par ailleurs désavoués aussi dans l’Yonne, auraient la science infuse et une quelconque légitimité pour réveiller les chambres de métiers sclérosées depuis des décennies par la gestion de l’UPA !
Je déplore, et je pèse mes mots, l’intérêt personnel de ceux qui tiennent les rênes de l’exécutif. Où est l’intérêt général. Où est l’intérêt de nos entreprises ? On n’est pas des pantins et on sera très vigilant sur la gouvernance de l’UPA pendant les cinq ans qui viennent ».

Dijon l’Hebdo : Fondamentalement, qu’est-ce qui vous distingue de la liste qui vous a devancé ?
N. U. : « L’impartialité et notre combat permanent contre toutes les injustices qui frappent l’artisanat. Efforçons-nous, par exemple, de trouver des solutions simples et efficaces pour que le RSI, dont je ne conteste surtout pas l’existence, ne pénalise pas les artisans dans ses appels à cotisations. Ce sont d’abord les présidents de chambre de Métiers qui doivent monter au créneau pour être force de propositions. Ce n’est pas le cas. On pourrait aussi parler des 35 heures… Une aberration contre laquelle nous continuerons de nous battre ».

Dijon l’Hebdo : Vous-même en quoi êtes-vous fier d’être artisan ?
N. U. : « Nous exerçons un métier noble. Nous apportons une véritable richesse, une plus-value sur nos territoires. Notre fierté, c’est d’avoir créé nos entreprises, d’avoir pris des risques pour nous-mêmes bien sûr, mais aussi pour nos familles. J’estime que ce sont des gens comme nous qui font marcher la France et, pourtant, on ne nous met jamais à l’honneur. Un artisan qui démarre et qui, cinq ans après, crée des emplois, est-ce qu’il est mis en avant ? Non. Politiques et médias semblent plutôt se complaire dans ce qui ne va pas. Heureusement, il y a nos salariés qui, eux, savent se montrer reconnaissants en mettant toute leur énergie dans leur travail. Quand je dis ça, ce sont mes tripes qui parlent.
Personnellement, je suis content d’en être arrivé là en sachant d’où je viens. Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Je suis issu d’une famille d’immigrés italiens qui a su s’intégrer en s’appuyant sur les trois piliers que sont le travail, l’éducation et le respect même si, comme disait Coluche, « les fins de mois duraient trente jours ».
J’ai créé en avril 1978, dans ma commune, une entreprise artisanale avec mes mains et ma caisse à outils. J’avais 20 ans. J’ai travaillé seul pendant 11 ans. L’entreprise s’est développée en PME et nous sommes aujourd’hui 23. On peut être fier, non ? »

Dijon l’Hebdo : Comment voyez-vous évoluer l’artisanat dans les années qui viennent ?
N. U. : « L’artisanat a déjà beaucoup évolué. Il évoluera encore avec de nouveaux produits mais aussi avec les nouvelles technologies qui permettent une meilleure productivité, du gain de temps. Les artisans ne sont pas passéistes. Ce sont des hommes et des femmes de leur époque qui montrent de formidables possibilités d’adaptation à toutes les situations nouvelles. Nous sommes sans cesse en train de nous remettre en question. C’est une impérieuse nécessité ».

Dijon l’Hebdo : La campagne que vous venez d’effectuer ne vous donne-t-elle pas envie de renouveler l’exercice, en politique cette fois ? Et notamment pour les prochaines élections législatives sur la 2e circonscription ?
N. U. : « Pourquoi pas ? C’est possible… Pour s’engager, il faut être soutenu. Et il faut aussi savoir s’engager pour ne pas subir. C’est dans ma nature, j’ai la volonté de faire avancer les choses. Que ce soit à la tête de ma commune ou de la communauté de communes. Je le vois : les gens veulent du concret. Ils ne supportent plus ces élus, éloignés du terrain, qui font du spectacle, de la politique politicienne et qui oublient la politique de besoins. C’est regrettable au moment où l’on souffre d’une véritable fracture rurale. Les politiques ne se posent pas les bonnes questions. Ils sont dans leur bulle. Conséquence : le front national est en embuscade et les députés en place ont du souci à se faire. En politique, comme ailleurs, il y a des règles. Si les Républicains les respectent à l’égard de l’UDI, il n’y aura pas de problèmes. Partout où il y a un sortant républicain, il n’y aura pas de candidat UDI. De la même façon, partout où il y a des sortants UDI, on attend que les Républicains renvoient l’ascenseur… »

Dijon l’Hebdo : Vous pensez notamment à la 4e circonscription ?
N. U. : « Oui. Si Hubert Brigand se présente avec le soutien des Républicains, il y aura des candidats UDI partout. Dès lors, je serai peut-être candidat sur la 2e circonscription ».

Dijon l’Hebdo : Et vous respecterez les consignes de l’UDI, votre formation politique ?
N. U. : « Je suis d’abord un homme libre. J’ai quitté l’UMP en 2012 à cause des querelles incessantes, de la pratique de la langue de bois et de la pensée unique. Aujourd’hui, je suis à l’UDI car j’estime qu’on ne peut pas rester en dehors des partis. Et dans UDI, il y a le « i » d’indépendant. C’est ce qui me va bien. Dans cette formation, tout le monde a droit à la parole. On peut même être en contradiction avec François Sauvadet qui, pour moi, est quelqu’un de très respectable. J’ai passé 7 ans à ses côtés. C’est un bulldozer. Il fait un boulot monstre. Je ne dis pas que tout est parfait mais il sait prendre les orientations nécessaires à notre économie, à nos entreprises et à l’emploi. J’aime être aux côtés des gens qui font bouger les lignes ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE

(1) Union professionnelle artisanale
Leg : Nicolas Urbano : « J’estime que ce sont des gens comme nous (ndlr : les artisans) qui font marcher la France et, pourtant, on ne nous met jamais à l’honneur !