Roulez et… payez !

Du nord au sud, l’A31 ; à l’ouest, l’A6 et l’A38 ; à l’est l’A36 ; au sud, encore l’A6. Dijon est l’une des villes de France à bénéficier d’une excellente desserte autoroutière. Mais, car il y a un « mais », qui dit autoroute dit péage (sauf pour la A38 et la LINO, gratuites pour le moment) et ceux-ci viennent d’augmenter en moyenne de 1,12 % au 1er février dernier.

Retour sur une pitoyable saga… Suivant le précédent créé par Lionel Jospin et Laurent Fabius qui, en 2002, avaient ouvert le capital à l’ASF (Autoroutes du Sud de la France), le gouvernement d’alors, ayant à sa tête Dominique Galouzeau de Villepin, constatant une fois de plus que les caisses de l’Etat étaient désespérément vides, décida en 2005 de vendre les autoroutes à Vinci et Eiffage pour 15 milliards d’euros. La Cour des Comptes, elle, les valorisait à 25 milliards. Passons sur cette « petite » erreur de valorisation…

Comme l’Etat ne saurait se transformer en vulgaire marchand des bijoux de famille, on appela cette transaction une « délégation de service public », ce qui a tout de suite une autre allure ! Les SCA (Société Concessionnaires d’Autoroute) se frottèrent les mains. L’Autorité de la Concurrence a dénoncé en septembre 2014 une situation de rente à long terme permettant des bénéfices « hors norme » : leurs résultats nets passèrent de 689 millions d’euros en 2003 à 1 794 millions en 2013, soit une progression de 160 % avec, sur la même période, une progression des dividendes versés de 359 %. Franchement, je regrette de n’avoir pas acheté des actions dès le départ ! Et au passage, j’observe que dès que l’affaire passe aux mains du privé elle devient ultra profitable alors que, lorsque l’Etat est à la manœuvre, le fiasco est le plus souvent garanti…

Cependant, pour être tout à fait honnête, il convient de relativiser la responsabilité des SCA dans cette hausse bien supérieure à l’inflation (officielle). En effet, elles se bornent à appliquer à la lettre les contrats signés à l’époque par les « génies » de la politique susmentionnés et dont les successeurs nous rabâchent les oreilles avec cette appellation pour le moins étrange d’un « Etat stratège ».

La vérité est que l’Etat, de plus en plus aux abois financièrement, a voulu renégocier ces contrats et que les SCA – qui ne sont pas des œuvres philanthropiques – ont dit « banco » à condition que leurs contrats soient rallongés de 2 ans, pour durer jusqu’en 2030. Marie-Ségolène Royal, en octobre 2014, tonnait à qui voulait l’entendre que les autoroutes devraient être gratuites le week-end et qu’elle allait s’opposer à toute hausse car l’inflation était quasi nulle : « Toute hausse est exclue puisque l’engagement qui avait été pris, c’est de ne pas dépasser l’inflation et même d’être en dessous de l’inflation, compte tenu du pactole que les compagnies autoroutières avaient déjà accumulé dans le passé » déclarait-elle sur l’antenne de RTL. Scrogneugneu !

Ce chant de victoire de la défense des automobilistes n’aura pas duré longtemps puisque c’est la même Marie-Ségolène Royal qui dut négocier pied à pied avec les SCA, lesquelles rappelèrent que leurs tarifs avaient été illégalement bloqués en 2015, que l’Etat venait d’augmenter de 50 % la redevance domaniale (location) et qu’il allait bien falloir répercuter tout ça, plus naturellement, la hausse « normale » prévue pour 2016, et patati et patata.

Et c’est ainsi qu’en date du 9 avril 2015, notre toujours aussi souriante et sûre d’elle Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie signa un protocole d’accord, paraphant toutes les pages, conjointement avec Emmanuel Macron ès qualité de Ministre de l’Economie et des Finances. Lequel protocole d’accord entérinait noir sur blanc que les SCA allaient pouvoir augmenter leurs tarifs de péages de 1,12 % au 1er février. Comme dit l’autre, CQFD !

On se dit qu’échaudé par ce pataquès l’Etat hésiterait désormais à se lancer dans d’autres concessions autoroutières ; eh bien non ! C’est ainsi que le GCO (Grand Contournement Ouest) de Strasbourg, long de 24 kilomètres, va être confié à une des sociétés du Groupe Vinci pour une durée de 55 ans moyennant un péage dont le montant serait de 3,50 € pour les voitures et de 13,50 € pour les camions. Vous ne voulez quand même pas que Vinci investisse près de 500 millions d’euros pour rien quand même ? Du reste, Lyon, comme d’autres grandes villes, a une rocade similaire de contournement, assortie d’un péage. Du coup, on bénit le ciel que notre LINO soit gratuite, tout comme le tronçon A38 reliant l’échangeur de Pouilly à Dijon. La LINO a coûté un peu plus de 164 millions d’euros, cofinancés à 25% par le Conseil régional, 25% par le Conseil général, à 22,5% par le Grand Dijon et 27,5% par l’Etat. Enfin, gratuite, c’est vite dit car, ne rêvez pas braves gens, ces différentes collectivités récupèrent leur mise de fonds sous forme de taxes diverses et variées qui, peut-être l’avez-vous noté, augmentent toujours plus vite que l’inflation. Etrange, étrange…

On le voit, il y a une logique : c’est l’usager qui paye, ce qui se conçoit. Là où le bât blesse c’est qu’avec un taux d’inflation de 0,5 % en 2014 et de 0,0 % en 2015 (source INSEE), l’automobiliste constate qu’il est prié de gober une hausse des péages de 1,12 %. Que des requins de la finance cherchent à s’en mettre plein les poches, ce n’est pas une surprise ; que, par son incurie, le Gouvernement devienne leur complice, voici qui ne nous incitera guère à renouveler notre confiance à d’aussi piètres gestionnaires, fussent-ils quasiment tous issus de la célèbre Ecole Nationale des Ânes (ENA).