Une fraude à 800 millions d’euros : le RSA

« Bien mal acquis ne profite jamais » nous enseigne le dicton. C’est ainsi qu’une Talantaise de 29 ans s’est retrouvée tout récemment devant la Justice pour avoir perçu indûment près d’un an durant plus de 4 000 € de RSA (Revenu de Solidarité Active) et ce en établissant de fausses déclarations. Il paraît qu’elle aurait amorcé des remboursements… Alors que la Cour des Comptes vient juste d’évoquer le montant estimé des fraudes sociales (chaque année, en France, entre 20 et 25 milliards d’euros, toutes fraudes confondues), le moment est choisi pour faire un rapide point sur le RSA en Côte-d’Or et, malheureusement, pointer du doigt un dossier mal ficelé.
Géré par le Conseil Général, le RSA en Côte-d’Or représentait en 2012 un coût pour la collectivité de 39 millions d’euros et concernait 11 109 allocataires, soit 2 % de la population. Ce budget RSA est passé à 42 millions d’euros en 2013 pour 11 978 allocataires. Sachant que l’Etat ne transfère que 30 millions d’euros, il y a donc un trou de 12 millions à faire financer par les contribuables locaux que nous sommes. Le problème n’est pas dans la justification ou non du RSA qui est là, depuis juin 2009, pour « lutter contre l’exclusion, améliorer le pouvoir d’achat des plus modestes et inciter au retour à l’emploi » (Conseil Général / dossier de presse / 4ème journée départementale de l’insertion), mais bien dans le coté scandaleux des fraudes à répétition qui forcent à s’interroger sur les conditions d’attribution et les contrôles effectués.
Sans rentrer dans les détails, sachez que l’essentiel de la demande se trouve sur le formulaire Cerfa n° 13880*04 qui, en 5 pages, demande au futur allocataire de faire l’état détaillé de sa situation de famille et de ses ressources, ce qui est la moindre des choses. Là où vous serez interpellés c’est en notant que juste avant la signature du demandeur ou de son représentant il y a une simple déclaration sur l’honneur : « Je certifie sur l’honneur que les renseignements fournis dans cette déclaration sont exacts. Je m’engage à signaler tout changement qui les modifierait. Je prends connaissance que cette déclaration peut faire l’objet d’un contrôle du président du conseil général, des organismes chargés du service du RSA, du Pôle Emploi, du service des impôts et de l’Agence des services et des paiements (ASP) ».
On le voit, le système est DECLARATIF et, si contrôles il y a, ce ne peut être qu’a posteriori. J’ai bien conscience de marcher sur des œufs en parlant du RSA car il est clair qu’on ne vit pas avec et tous les allocataires ne sont évidemment pas des fraudeurs ; mais force est de reconnaître qu’une simple déclaration sur l’honneur, fut-elle étayée par des photocopies de feuilles de salaire ou de quittances de loyer (toutes pièces faciles à « bidouiller »), constitue un bien piètre rempart face à l’ingéniosité de petits malins bien décidés à encaisser ces 499,31 € mensuels du RSA socle (509,30 € depuis le 1er septembre 2014) tout en restant tranquillement chez eux.
C’est ainsi qu’il ne se passe pas de semaine où, en Côte d’Or ou ailleurs, des faits d’escroquerie à la solidarité nationale viennent à être révélés. J’ai noté qu’il s’écoule souvent entre un et deux ans avant que la fraude ne soit découverte, c’est qui signifie que l’usage de fichiers croisés entre les différentes administrations ne doit pas être la règle.
Que dire aussi des vertus d’une informatisation des services concernés si les données ne sont pas confrontées ? C’est ainsi que pour le seul volet « accompagnement professionnel » le Conseil Général, chargé de piloter le dispositif, doit coordonner avec ses partenaires que sont l’Etat, la Caisse d’Allocations Familiales, la Mutualité Sociale Agricole, les Centres Communaux d’Action Sociale et Pôle Emploi. Sur certains dossiers (chantiers d’insertion), il convient aussi de rajouter l’intervention du Fonds Social Européen.
Ouf ! Je souhaite bon courage aux rares dépisteurs de fraudes car il y a là des entrelacs d’administrations qui sont autant d’occasions d’escroquer la solidarité publique financée par les contribuables, ou du moins par ceux qui payent encore des impôts, espèce en voie de raréfaction puisqu’ils ne sont plus désormais que 48 % à s’acquitter de l’IRPP (Impôt sur le Revenu des Personnes physiques).
A titre d’illustration, je vous livre le cas de ce couple non marié qui, revenant de 2 ans d’Afrique, n’ayant pas cotisé un seul centime en France durant cette période, décida de revenir au pays. N’ayant pas (officiellement) un sou en poche, ils sont allés demander séparément le RSA et l’ont obtenu sous 20 jours (qui a dit que les fonctionnaires ne sont pas efficaces ?). On leur fit bien remarquer que la somme de leurs deux RSA (998,62 €) couvrait à peine la location de leur maison (1 000 €/mois) et qu’il convenait de s’inquiéter sur les moyens de leur subsistance. Mais ceci fut balayé par une remarque du genre « pour le reste, notre famille nous aide un peu… ». Et hop, deux RSA accordés ! Incidemment, personne ne s’est étonné de leur achat d’une voiture neuve à 20 000 €. Elle n’est pas belle la vie ?
Sachez en tous cas que « les dépenses nettes liées au RSA ont progressé de 18,3 % en 2013 pour atteindre 2,20 milliards d’euros à la charge des départements et que le RSA est l’une des allocations les plus fraudées : 800 millions d’euros de trop-perçus en 2012. Les deux tiers des malversations concernent les minima sociaux, les aides au logement et les prestations familiales » (source : contribuables associés).
L’Etat Providence est une grande et belle chose mais quand on constate un taux de fraude de 36 % sur les sommes versés, je me dis que le dossier RSA est vraiment très mal ficelé…