Dijon ou Lisbonne ?

Ayant eu le plaisir de passer tout récemment 6 jours à Lisbonne, j’ai pu comparer ces deux villes. Tout d’abord, par la vertu des vols dits « low cost », un Dole-Lisbonne ne coûte qu’environ 150 € aller et retour, ce qui n’est pas la ruine. Une fois sur place, en bon touriste que je suis, j’ai visité la capitale du Portugal en empruntant tantôt le métro, tantôt ces délicieux tramways au charme suranné où, dit-on, les pickpockets s’en donnent à cœur joie. C’est là que débutèrent mes comparaisons : à Dijon, le ticket pass 1 heure de tramway est à 1,20 €, à Lisbonne le ticket un seul trajet est à 2,85 €, soit bien plus que le double du nôtre !
N’ayant pas l’impression que les Lisboètes roulaient tous sur l’or, je me suis renseigné sur le niveau de vie en recherchant le montant de leur SMIC : 565,83 € bruts mensuels. J’ai cru avoir mal lu… Mais non, c’est bien ça, tandis qu’en France –donc à Dijon aussi– le SMIC est à 1 445,38 €. Précisons que la durée légale annuelle du travail est de 1 877 heures au Portugal contre 1 679 heures en France.
Présenté autrement, nous bénéficions d’un SMIC qui représente 2,55 fois celui du Portugal alors que nous travaillons 11,79 % de moins qu’eux. Et dire que les Français râlent tout le temps… Quant au salaire moyen, il est de 1 088 € brut par mois contre 2 830 € brut par mois en France1. Coté chômage, ce n’est guère brillant au Portugal puisqu’à fin 2013, 17,7 % de la population était sans emploi, contre 10,2 % chez nous2.
Vous voulez vous loger à Lisbonne ? Comptez un prix moyen de 2 300 € du mètre carré, soit sensiblement comme à Dijon. Enfin, la TVA y est de 23 % (comme la Finlande, l’Irlande et la Grèce), contre 20 % chez nous. Je vois déjà arriver à grands pas les objecteurs mettant en avant la différence de niveau de vie, arguant que la vie est bien moins chère là-bas. Que nenni ! J’ai visité les supérettes locales, j’ai exploré les magasins de détail, j’ai eu une indigestion de bacalhau (la morue) servie sous toutes ses formes dans de petits restaurants de quartier, etc. Eh bien, à qualité égale, les prix sont quasiment les mêmes qu’en France.
Un peu perplexe devant ces disparités de revenus, j’ai observé les façons de vivre, de s’habiller, de se déplacer des Lisboètes. En fait, il m’a semblé qu’ils vivaient mal, c’est-à-dire avec cette sorte de résignation dans le regard, avec cette nostalgie d’un passé récent où, brièvement, ils avaient pu sortir des 50 années de dictature de Salazar avant de connaître les « joies » de l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui. J’ai vu des magasins de vêtements où un costume est affiché à 119 € mais est quasiment partout bradé à 75 €, sans doute du made in China. J’ai vu des gens qui, bien souvent, se contentent d’un mini sandwich et qui n’hésitent pas à faire des kilomètres à pied dans de vilaines chaussures, là aussi venues d’Asie.
Certes, j’ai vu des magasins pour les « riches ». Sur l’avenue de la Liberté, j’ai vu le fameux Corte Inglès, équivalent de nos Galeries Lafayette où, faut-il le rappeler, à Paris près de 80 % du chiffre d’affaires est le fait de touristes étrangers. Vous pensez que je caricature et que j’exagère ? Allez-y et vous me direz ce qu’il en est, car incontestablement à Lisbonne la crise a frappé bien plus durement qu’à Dijon.
En panne de ressources financières, depuis le 1er janvier 2013, le Portugal n’hésite pas à exonérer d’impôt sur le revenu pendant 10 ans (renouvelables) les étrangers retraités qui résideront au moins 183 jours par an. Voici un moyen comme un autre de faire venir des consommateurs qui investiront dans de la pierre, c’est du moins le souhait de leur gouvernement. Est-ce que cela sera longtemps toléré par Bercy ou par Bruxelles ? Toujours est-il que l’Europe est manifestement encore très loin d’hune harmonisation fiscale…
Alors, au vu de ce qui précède, où est-on le mieux ? A Dijon ou à Lisbonne ? N’hésitez pas une seconde, amis dijonnais, restez dans notre bonne ville ! Sous l’impulsion de notre maire (fraîchement réélu et aussitôt parti vers un destin ministériel), notre ville et notre agglomération se sont métamorphosées en bien. Des équipements flambant neufs ont vu le jour comme le tramway, la piscine olympique, etc. Notre santé est assurée grâce, notamment, à l’hôpital du Bocage où des médecins de talent veillent sur nous en cas de gros pépins. Il n’y a guère que la désertification du centre-ville qui pose problème et si la municipalité peut beaucoup elle ne peut pas tout non plus, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer dans ces colonnes. Faute de pouvoir « Dijonner ensemble », je ne peux que vous suggérer d’aller visiter le vaste monde et vous reviendrez vite dans notre bercail où, certes, des nuages noirs s’amoncellent, mais où il reste évident que nous sommes encore –pour combien de temps ?– parmi les enfants les plus gâtés de cette pauvre planète Terre.

(1) et (2). Sources INSEE