Coup de tonnerre sur le PEA !

Dans cette rubrique au nom évocateur, d’habitude je me contente de pointer du doigt ce qui me surprend ou m’horripile … Aujourd’hui, je crée le cactus d’or que je décerne sans l’ombre d’une hésitation aux esprits dérangés qui ont eu l’idée de taxer à 15,5 % les (éventuelles) plus-values réalisées dans le cadre d’un PEA et ce, tenez-vous bien, avec effet rétroactif sur toute la durée du dit contrat. On en reste coi !

Le PEA, comme vous le savez sans doute, est une collecte de fonds orientée vers l’investissement en faveur des entreprises ; L’Etat propose de soutenir financièrement les entreprises et en échange vous permet de bénéficier d’une fiscalité réduite (11 % depuis 2005) pour autant que les fonds soient bloqués pendant 5 ans minimum, le plafond de dépôt étant fixé à 132.000 € par personne physique et devant passer à 150.000 € au 1er janvier prochain. Certes, il y a des risques de moins-values, mais on n’a rien sans rien. Eh bien figurez-vous que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de supprimer cette clause comme expliqué précédemment. Vous pensiez peut-être, comme moi, que l’Etat ne peut pas renier sa parole au motif qu’il ne saurait y avoir de loi rétroactive ; erreur complète !

Le Conseil d’Etat s’est exprimé sur le sujet : « Le principe de non rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ; que néanmoins, si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » (Conseil Constitutionnel, décision n° 98-404 du 18 décembre 1998). En clair, au nom d’un « intérêt général suffisant » qu’il est seul à juger et à décider, l’Etat, qu’il soit de droite comme de gauche, est parfaitement fondé à changer – une fois de plus – les règles fiscales * . 11 % + 15,5 % font bien 26,5 % ce qui n’est plus du tout un placement indolore… Au 31/12/2012, il y avait environ 7.300.000 PEA dont le solde moyen des dépôts était de 11.790 € (source magazine Le Revenu), dont 60.000 contrats atteignant le plafond, soit 0,8 % des détenteurs concernés.

On voit donc qu’il ne s’agit pas là d’un contrat atteignant des sommes colossales, quoique par les temps qui courent on ne sait plus très bien qui est ‘riche’ et qui ne l’est pas. A titre de comparaison, il y a en France 61,6 millions de livrets A avec un encours moyen de 3.354 € (données de juillet 2013, source Fédération Française Bancaire). A un moment où notre économie a tant besoin d’argent pour soutenir ses entreprises voir le PEA taxé (rétroactivement !) devient impossible à comprendre et brise le pacte liant les citoyens à l’Etat. Comme vous sans doute, j’ai crié ‘au fou’ devant pareille annonce ; à la réflexion, les esprits dérangés cités plus haut ne le sont peut-être pas tant que ça car, au 1er janvier prochain, va être lancé le PEA-PME qui va avoir l’apparence du PEA classique, avec plafond limité à 75.000 €, mais orienté cette fois vers les PME, cotées ou non cotées, sociétés ayant moins de 5000 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 milliard d’euros. On voudrait nous faire quitter les investissements dans les sociétés du CAC 40, jugées plus sûres, pour réorienter différemment l’épargne et l’investissement qu’on ne s’y prendrait pas autrement. A ceci près qu’avec ce PEA-PME on oublie une fois de plus les centaines de milliers de TPE qui constituent l’essentiel du tissu économique et que ce nouveau contrat remet les compteurs à zéro puisqu’il faudra attendre 5 ans pour bénéficier d’une fiscalité plus clémente.

Notons qu’il sera possible de détenir les deux types de PEA ce qui ne fera plaisir qu’aux 60.000 détenteurs de ‘gros’ PEA. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et les règles du jeu auront vraisemblablement changé plusieurs fois. Je ne sais pas si nous avons les dirigeants les plus intelligents ou les plus idiots du monde (je laisse à chacun le soin de choisir), mais une chose est sure : ils font tout pour nous détourner du soutien vital à nos entreprises. Cactus d’or !
Selon une étude du cabinet Ernst & Young de janvier 2013, l’instabilité fiscale est citée comme cause de défiance n° 1 par tous les investisseurs étrangers.