Jean ESMONIN : « Je suis candidat à un mandat de transition »

 

Serez-vous candidat à votre succession à la mairie de Chenôve en mars prochain ?
Oui.

Quel âge aurez-vous ?
J’aurai 77 ans.

Est-ce bien raisonnable ? Pourquoi ne pas considérer que vous avez fait votre temps et que le moment est venu de laisser la place à des politiques plus jeunes ?
Je n’ai pas l’impression d’être passéiste dans mes visions politique et intellectuelle. Même si physiquement, je suis en forme, cette question, je me la suis posée. Evidemment. Ma réponse est claire : je me sens tout à fait capable de continuer à présider aux destinées de Chenôve. Mais ce sera un mandat de transition. J’insiste sur ce mot : transition. J’ai engagé sur la ville des mutations profondes, urbaines, sociales, institutionnelles… je souhaiterais pouvoir aller au bout de ce que j’ai initié. Aussi, je pense pouvoir mettre sur les rails dans les années qui viennent un successeur, jeune, à mes côtés, qui sera capable de prendre le relais le moment venu.

Cette élection, vous allez l’aborder sereinement ?
Je sais que Chenôve est une ville très citoyenne, attentive aux valeurs que nous défendons. Elle a toujours été progressiste dans son expression politique. On peut donc penser que, compte tenu de notre bilan, la majorité des électeurs se ralliera à ma candidature. Mais la victoire n’est jamais acquise dans une élection.

Surtout que vous allez avoir un opposant dans votre propre camp, en l’occurrence Roland Ponsaa…
Sa démarche n’est pas saine. C’est toujours ceux à qui l’on a beaucoup donné qui trahissent. C’est pour moi, une déception. Roland Ponsaa, qui est l’un de mes adjoints, s’installe comme adversaire depuis un certain temps. Depuis 2008, il ne cesse de travailler le terrain pour préparer 2014. Ce n’est donc pas d’hier qu’il a pris sa décision. Un Président de la République disait : « Ils me doivent tout, ils ne se souviennent de rien. »

La situation nationale qui n’est pas favorable au gouvernement va-t-elle impacter les élections municipales ?
Le parti majoritaire au pouvoir se trouve dans une situation inconfortable qui pourrait trouver une traduction défavorable dans les urnes. Je soutiens François Hollande dans sa volonté de remettre notre pays dans le bon sens. Ceux qui font de la politique le savent très bien : il était illusoire de penser que ces transformations allaient se faire rapidement. Je pense notamment à la situation alarmante de nos finances publiques et au chômage, véritable cancer de notre société. Il faudra du temps pour réussir. Mais j’ai confiance.

Le Front national va-t-il en profiter ?
Il n’y avait pas de candidats frontistes aux deux derniers scrutins municipaux, en 2001 et en 2008. Cette fois, cela sera différent. Le Front national peut attirer tous ceux qui sont en situation de souffrance et qui sont déçus par la politique nationale. Dans tous les cas, sincèrement, je ne souhaite pas le voir inquiéter le parti d’opposition qui siège au conseil municipal, en l’occurrence l’UMP.

Les travaux d’agrandissement de la Toison d’Or ne réjouissent pas les entreprises implantées sur votre commune, et plus largement sur le sud dijonnais…
C’est une problématique d’agglomération. J’ai toujours pensé qu’il fallait trouver des équilibres entre les pôles d’activités et de développement. On le vérifie dans de nombreuses agglomérations, c’est en général le Sud qui se développe le plus. A Dijon, ce n’est pas le cas. Les municipalités qui ont précédé François Rebsamen ont beaucoup misé sur le Nord. Aujourd’hui, le Grand Dijon a la volonté de poursuivre le développement sur cette zone avec Valmy.
Au Sud, personne n’ignore que le bassin d’emplois n’est pas négligeable avec 2 500 entreprises et 18 000 emplois. C’est une vraie potentialité qui a vocation à évoluer. Notre problème c’est que les zones qui se développent au nord et à l’est sont irriguées par le tram. Et malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir un passage sur la zone d’activités de Chenôve…

Alors que faire pour ne pas subir ?
Chenôve, Marsannay, Perrigny-les-Dijon mais aussi Longvic doivent tirer les conséquences de cette situation et s’unir pour attirer, à nouveau, des acteurs économiques de productions diverses. Le souhait que nous émettons, c’est que le Grand Dijon réfléchisse à une amélioration notoire de la desserte des transports en commun dans la zone d’activités du sud dijonnais.

Le dossier de l’hôpital privé à Valmy reste d’actualité et bien évidemment cela pèse sur l’avenir de la clinique de Chenôve…
C’est plus qu’un dossier, c’est un combat que je mène sur le sujet. Regrouper des cliniques sur un plan purement économique est une erreur. La population de Chenôve m’a massivement suivi sur ce que l’on peut qualifier d’injustice sanitaire pour notre secteur géographique : priver une ville et le sud dijonnais d’un établissement de soins, c’est particulièrement grave.

C’est un dossier qui vous met en situation délicate face à François Rebsamen ?
Non. François Rebsamen connaît ma désapprobation. Et je la maintiens. Nous sommes dans une opération de déménagement du territoire et non pas d’aménagement du territoire. Je me rassure en me disant que les temps sont durs pour tout le monde et aussi pour la Générale de Santé. Cela fait pas loin de 10 ans qu’elle évoque son intention de regrouper ses sites en un seul et même lieu. Je note que, du projet initial à 450 lits on est retombé à 180 lits. 180 lits pour accueillir Chenôve qui en compte 110, Sainte-Marthe et Fontaine-les-Dijon…

Politique de la ville, rénovation urbaine… sont des formules très fortes dans votre commune. Comment comptez-vous favoriser la mixité sociale dans des quartiers entièrement composés de logements sociaux ?
Un vrai débat à Chenôve : c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité déconstruire de façon massive, plus de 700 logements ont été concernés, dans cette ville. Et nous avons lancé, sur le Mail par exemple, une belle opération immobilière avec Promogim. Plus de 250 logements neufs, ouverts à tous, sont en construction ou disponibles sur la commune. 300 logements vont être reconstruits autour de la Place centrale qui recevront une nouvelle sociologie de population. On ne peut plus dire que Chenôve est prisonnière de cette mauvaise image de quartiers difficiles qui a pu être la sienne. Chenôve a changé. Chenôve change.
Je n’aime pas cette notion de mixité sociale, je suis plutôt adepte du « vivre ensemble ». Les commissions d’attributions de logements des offices HLM devront faire des choix équilibrés. Il faut mettre un terme aux pressions et avoir une autre approche du peuplement des logements. On ne peut plus continuer d’empiler la pauvreté là où elle est déjà.

Il y a quelques mois, l’idée a germé de construire une prison à Chenôve. Mais les pétitions et la réaction des habitants ont refroidi les ardeurs de l’administration. Pensez-vous que ce dossier pourrait redevenir d’actualité ?
Une ville stigmatisée comme elle l’a été se voyant affubler d’un établissement pénitentiaire, ce n’était franchement pas une bonne idée. On s’est battu. La raison l’a emporté. Et le gouvernement actuel ne semble pas vouloir revenir sur cette question.

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE