Le cactus de Jean-Pierre Collard

Une histoire qui me revient à l’esprit : simultanément, il y eut, en septembre, les Journées du Patrimoine et l’ouverture de la chasse. Nos amis chasseurs préférèrent donc s’adonner aux joies du pan-pan sur les lapins plutôt que d’aller admirer gratuitement les splendeurs de nos bâtiments et de nos musées. Et puisque je parle de gratuité, l’un de ces chasseurs me fit part de sa déception devant la diminution « injuste et injustifiée » de la subvention dont son amicale pouvait jusqu’à présent se prévaloir.

Ah ? Et quel est désormais le montant de cette subvention ? De 150 €, elle est tombée à 75 €. Bigre, l’affaire est effectivement d’importance ! Curieux de nature, j’ai « épluché » les versements aux associations tels que tout un chacun peut les lire sur les sites internet de la mairie, du conseil général et du Conseil régional, tous trois fort bien faits. Autant vous prévenir, amis lecteurs, il s’agit d’un véritable inventaire à la Prévert ! 90 pages, très bien classées, avec les ventilations comptables au centime près, tout est irréprochablement répertorié.
C’est heureux car les totaux sont impressionnants : à titre d’exemple et pour la seule année 2012, les subventions aux associations ont représenté au conseil Régional (le seul à afficher le total) un montant de 87 913 355,34 € (admirez la virgule !), ce qui n’est pas rien.

Pour ne pas me fâcher avec qui que ce soit, je ne citerai aucune association, enfin presque … Certaines sont très importantes et me paraissent justifier amplement les fonds publics qui leur sont alloués. D’autres, de moindre importance, voient les quelques milliers d’euros dont elles bénéficient être reconduits à l’identique (ou presque) d’une année sur l’autre et il doit bien y avoir de (bonnes) raisons… D’autres enfin – celles qui m’ont franchement interpellé – se retrouvent sous des vocables amusants ou très poétiques, comme l’  « Amicale des joyeux clairons de la plaine » (nom inventé), ou bien l’« Association To rire or not To rire » (celle-ci est bien réelle et a perçu 22,87 € de la mairie), etc.

Toutes ces associations qui reçoivent 22,87 €, ou 50 €, ou 75 €, ou 100 € me font penser que le saupoudrage à visée électoraliste n’est pas mort et ce quelle que soit la couleur politique des hommes et des femmes qui président aux destinées – et aux finances – de ces nobles instances. Je ne saurai trop leur conseiller, avant toute attribution, de se poser la question suivante : « Si c’était mon fric, est-ce que je le ferai ? ». Gageons que les réponses seraient bien différentes et que mon valeureux ami chasseur cité plus haut n’aurait même plus ces misérables 75 € qui lui servent sans doute à payer quelques bonnes bouteilles pour arroser l’un de ses banquets de fin de partie de chasse… D’autres seraient contraints de payer de leur poche les 3 ou 4 mousquetons indispensables à la varappe, que ce sport soit pratiqué en groupe ou à titre individuel… Etc.

Vous pensez que toutes ces petites sommes mises bout à bout ne sont finalement pas si importantes ? Erreur ! La France compte un peu plus d’ 1 300 000 associations en tous genres qui reçoivent 70 milliards d’euros, soit à peu près 3,5 % du PIB de notre beau pays. En Côte d’Or, selon le greffe des Associations, en 2012, on en recensait 2 876 et ce nombre croît de 4 % tous les ans. A l’heure où nos finances publiques n’en peuvent plus, je me dis qu’il y a là un certain gisement d’économies potentielles …