Patrick Irizar et le vélo : la tête dans le guidon

    Passionné de vélo. C’est exactement le qualificatif qui sied le mieux à Patrick Irizar depuis qu’enfant il s’est intéressé au vélo, aux courses cyclistes et au Tour de France. Son érudition à ce sujet n’a d’équivalent que celle de ses amis Roger Chervet et Christian Laborde. Avec le premier, il commit naguère une excellente et fort documentée revue dont les aficionados n’ont pas perdu le souvenir.

    Avec le second, le lient des passions partagées pour le cyclisme, Nougaro, le sud-Ouest et la découverte d’un des plus beaux livres de la fin du XX e siècle dont Christian Laborde, journaliste sportif et écrivain poète, romancier, pamphlétaire est l’auteur : L’os de Dionysos.

    Dans son somptueux et passionnant Le Tour de France, abécédaire ébaubissant Christian Laborde rend aussi bien hommage aux cyclistes qui ont marqué l’histoire du Tour de France qu’aux écrivains épris de la grande boucle, qu’aux amateurs et passionnés qui en entretiennent les épopées.

    Patrick Irizar est de ceux-là et c’est un bonheur de l’entendre évoquer les heures et personnages qui l’ont marqués et émus, enthousiasmés ou déçus, les lieux qui l’ont charmé.

    Rien ne lui échappe des heurs et malheurs des héros s’envolant au plus dur de la pente de cols célèbres répondant au nom de Peyresourde, Aspin, Galibier, Joux Plane, Izoard ou l’Alpe d’Huez. Rien non plus des performances sur piste aussi bien des hommes que des femmes.

    Ses héros ont pour nom Fausto Coppi, Anquetil, Ocana, Bartali, Merckx ou encore Delgado et Marco Pantani , le pirate flamboyant mort en solitaire une nuit de 2004 à Rimini, titre d’un hommage rock et mélancolique des Wampas. Des héros soumis aujourd’hui au rythme infernal des coups de pédales des Froome, Quintana ou autres Geraint Thomas..

    Si le Tour de France n’a pas de secret pour Patrick Irizar , c’est que tout ce qui touche à l’épreuve le passionne au point d’être un collectionneur émérite et avisé d’objets , d’affiches, de cartes postales, et de savoir par cœur les chansons de son ami Laborde sur Charly Gaul «  Le Rimbaud du Tour » dans L’ange qui aimait la pluie ; Indurain dans «  Le roi Miguel » ; Hinault dans «  Le blaireau »  .

    Patrick Irizar , immobilisé par une opération du genou, suivra l’épreuve 2021 devant sa télévision. Il y verra des gens heureux comme lui qui sur le bord des routes à la Pinesse, à Buzignargues, à Cazevieille-Pic-Saint-Loup, ou encore à la Couarde, sont ses frères en poésie et en magie : car derrière l’énigmatique beauté des noms des villages traversés et des routes empruntées, derrière les efforts surhumains de coureurs emportés par la quête de gloire (ne parlons pas de richesse réservée aux footballeurs), on devine une histoire faite d’histoires qui marquent une vie. C’est dans le cœur et la tête des passionnés tels Patrick Irizar que se situe la véritable valeur d’une course qui s’offre au monde entier mais n’appartient qu’à ses afficionados.

    Patrick Irizar sera de toutes les étapes. Il ne manquera pas celle du 7 juillet au mythique Mont Ventoux, un sommet de souffrance où le roi Merckx lui-même, au bord du malaise, reçut de l’oxygène au soir de sa victoire en 1970. « J’ai eu du feu dans la poitrine » expliquera-t-il sobrement au terme d’une escalade qui rend en général les hommes hagards et que Roland Barthes a comparée à « un dieu du Mal auquel il faut sacrifier ».

    Passionné, collectionneur et érudit : Patrick Irizar mériterait bien du «  Tour de France », le prix (à créer) pour les anonymes qui façonnent son nom illustre.

    Pierre P. Suter