« Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, de la sueur et des larmes… » Si vous avez la chance d’assister à la genèse d’une des œuvres de Michel Couqueberg, vous vous remémorez, qui sait, cette citation de Winston Churchill, aussi célèbre pour sa dialectique que pour son cigare. Cette formule fumante vous viendra, peut-être, à l’esprit en observant, dans son uniforme de combat, cet artiste vaincre la matière afin d’en sublimer les formes, remporter son mano a mano avec les couleurs pour en magnifier les nuances et les reflets… Une chose est sûre, le « veux lion », surnom donné à l’ancien Premier ministre britannique, aurait rugi de plaisir en regardant naître l’un des superbes spécimens du bestiaire du sculpteur côte-d’orien. Le félin anglais aurait adoré plonger ses yeux dans la pieuvre, il aurait aimé toiser du regard le taureau pourtant maître en son arène et, malgré son statut de roi de la savane politique, il aurait, à n’en pas douter, fondu devant la puissance de l’éléphant… Il n’aurait pas, non plus, craint d’être pétrifié en fixant la méduse même si son charme dévastateur n’est pas sans rappeler celui de la Gorgone originelle.
Dans son atelier d’Orgeux, qu’il aime qualifier de « temple », véritable champ de bataille – ordonné s’entend – de la création, Michel Couqueberg vit chaque sculpture comme une véritable aventure…C’est dans cet antre que cet aventurier fait jaillir la lumière et façonne ses légions d’animaux. Depuis sa première œuvre en bois – une Chouette comme il se doit pour tout bon Dijonnais grand connaisseur de l’histoire et des légendes locales –, cet artiste prolifique a, en effet, donné vie (et forme) à plus de 1 500 statues dont nombre d’entre elles ont fait le bonheur de célèbres galeries ou encore de collectivités à la recherche de monuments pour éclairer leurs concitoyens.
Et, pourtant, à la différence de Persée, doté d’armes magiques confiées par Athéna et Hermès pour ses périples victorieux, dont celui sur la Méduse, Michel Couqueberg ne s’impose sur la matière que grâce à son labeur… et son imagination. Pour que l’alchimie opère, il faut ajouter, bien évidemment, à cela le talent et c’est ce triptyque, permettant de conjuguer force, sagesse et beauté à chacune de ses réalisations, qui lui confère le statut de digne descendant de François Pompon. Même si la filiation s’impose d’elle-même, elle peut même être réductrice tellement l’ancien professeur de dessin s’affranchit de tous les carcans. En dialogue permanent avec la matière, avec les couleurs mais aussi avec les époques, il sait être contemporain tout en demeurant hors du temps. Ses pairs ne s’y sont pas trompés, eux qui lui ont accordé le Graal du Grand Prix européen de l’art contemporain, s’installant autour de la table ronde des artistes auréolés, où figure un certain César… dont le nom est associé au monde du 7e art.
Notre chevalier du bronze réussit, quant à lui, la prouesse de réunir les arts… et les périodes. Avec une technicité sans cesse renouvelée, il nous guide sur son propre chemin de la création, le seul susceptible de faire le bonheur de l’artiste, qui, tel celui si bien déclamé par le poète espagnol Antonio Machado, « se construit en marchant ». Admirer ses pièces, c’est admirer le chemin parcouru mais c’est aussi admirer l’avant et le pendant de chacune de ses œuvres. Et c’est aussi admirer l’après… Cette anaphore n’a pour unique but que de vous faire partager l’ivresse qui, devant chacun de ses animaux épurés, emplit l’amphore de sentiments de chacun des observateurs… qui se laissent submerger par sa vague créatrice. Cet amoureux de la nature nous emporte dans une belle mélodie des sens… Il faut dire que, depuis sa plus tendre enfance, l’imaginaire coule dans ses veines…
Restons, justement, dans l’imaginaire et revenons à notre anachronisme du début. Durant la Guerre, Winston Churchill, auteur-écrivain nobélisé mais aussi peintre à ses heures perdues, croisa le fer avec des représentants de la Chambre des Communes qui exigeaient la suppression du budget britannique consacré à la culture. Celui-ci leur rétorqua lors d’une célèbre passe d’armes : « Then, what are we fighting for ? » Dans la langue de Victor Hugo, cela donne : « Alors, pourquoi nous battons-nous ? » Ne doutons pas que le « vieux lion » se serait battu et aurait sorti ses griffes pour que Michel Couqueberg puisse poursuivre son grand art…
Camille Gablo
Le dernier livre présentant les œuvres de Michel Couqueberg est disponible à l’Atelier du Moulin, 3 B chemin du Breuil. 21490 Orgeux.
On peut visiter l’artiste et ses œuvres tout l’été, du lundi au dimanche. 03 80 47 51 68.