Consécration suprême, le Consortium Museum a été récemment salué par le New York Times comme le radar français des courants artistiques d’avant-garde. Belle consécration qui ne l’empêche en rien de s’ancrer plus profondément au cœur de Dijon ou de la région.
Le lieu de la rue de Longvic – magnifiquement repensé par l’architecte nippon Shigeru Ban – met l’accent davantage sur ses ambitions : s’ouvrir sur la ville avec des visites commentées, des visites flash ou ludiques proposées aux jeunes enfants, ainsi que des projections de films en rapport avec les œuvres présentées. Enfin, offrir aux visiteurs pour la saison actuelle (jusqu’au 22 mai) l’opportunité de découvrir des artistes français ou étrangers d’inspiration fort diverse. Certains comme Nathaniel Mary Quinn, peintre américain de grand talent n’avait jamais fait l’objet d’une exposition en France. Quant à Bertrand Lavier, depuis septembre dernier, ses aficionados sont ravis de redécouvrir ses réalisations emblématiques réalisées depuis une quarantaine d’années.
Des cinq expositions offertes simultanément au regard des visiteurs, plusieurs artistes se détachent. Les portraits fragmentés, disloqués, éclatés de Nathaniel Mary Quinn, l’un des grands représentants de l’art afro-américain, sont absolument bouleversants. La quinzaine des œuvres présentes au Consortium est le fruit d’une grande maîtrise des techniques picturales, d’un humour corrosif et tragique. Chacun de ses tableaux est un « Reader Digest », conjuguant les souvenirs recomposés d’hommes ou de femmes que cet artiste, longtemps travailleur social, a rencontrés au cours de son parcours professionnel. Et ce, toujours dans le cadre de la communauté afro-américaine bousculée, comme nous, par les médias, par les archétypes de la pub ou du cinéma, par internet bien évidemment. On sent palpiter la vie intérieure de tous ces personnages qui suintent l’angoisse, le dérisoire de la vie, le baroque des rêves : Francis Bacon n’est pas loin et pourtant ailleurs, tant l’inspiration de Nathaniel Mary Quinn procède d’un génie propre.
Deuxième point fort de cette quintuple exposition : le Danois Sergej Jensen, dont la rétrospective d’une « peinture sans peinture » en surprend plus d’un. Les effets de couture, de suture, de rapiècement des textiles de ses œuvres relèvent d’une technique sophistiquée, d’une véritable performance pour finir par confiner aux frontières d’un post-modernisme désenchanté et désenchanteur, voire douteux ou entaché ! D’un tableau- toujours grand format- à l’autre, l’occasion est offerte d’écouter la musique qu’il a composée, lui qui se dit « peintre silencieux ». On l’a compris : Jensen aime évoluer sur la corde raide du paradoxe…
Le couple d’artiste Ida Tursic et Wilfried Mille introduit dans plusieurs salles du Consortium, qui leur sont dédiées, un brin de soleil ainsi que des brassées de fraîcheur naïve et paradoxalement sophistiquée par le choix des coloris, par la facture : présence de traits de couleur or dans des thématiques traitant du quotidien de familles Tout-le Monde. L’intrusion omniprésente de chiens-chiens kitsch dans l’ensemble de leur œuvre renvoie à une sorte de moquerie des faux-semblants du train-train d’un monde dit « normal » ou familier. A contrario, la série de tableaux de l’américaine Elisabeth Glaessner suggère un univers chimérique hanté par des chimères dérangeantes et balayées de visions psychanalytiques.
Marie-France Poirier
Consortium Museum
37 rue de Longvic. Dijon
www.leconsortium.fr/fr
03 80 68 45 55