La donation Boisecq-Longuet désormais au Musée des Beaux-Arts

    Le Musée des Beaux-arts se réinvente une fois encore : trois ans après sa réouverture, il accueille la donation Boisecq-Longuet depuis septembre dernier. Les visiteurs et les amateurs d’art peuvent désormais admirer une quarantaine des sculptures réalisées au siècle dernier par Simone Boisecq et Karl-Jean Longuet.

    Ce couple d’avant-garde n’a cessé de partager ses sensibilités artistiques avec la célèbre Ecole de Paris, fréquentant notamment les ateliers d’un Constantin Brancousi, d’un Hajdu, ou d’Arpad Zenes et de Viera da Silva. Ce sont les enfants des deux artistes qui ont porté leur choix sur Dijon, afin de permettre à un large public de s’imprégner de l’héritage éminemment précurseur de leurs parents.

    Avoir ainsi jeté leur dévolu sur la Cité des Ducs s’avère à plus d’un titre pertinent, tant la donation Boisecq-Longuet prolonge l’esprit des collections de Kathleen et Pierre Granville. Comme le souligne Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en chef : « Quarante-deux œuvres du couple Boissecq-Longuet sont aujourd’hui réunies dans les collections (…) et rassemblées pour être présentées au public au cœur des collections d’art moderne dans la proximité de leurs contemporains, tels que Maria Helena da Silva, Vera Pagava, Joan Berthole et Alfred Manessier. Le dialogue entre leurs œuvres réunies à Dijon où contrastent les formes, les matières et les couleurs, finit par créer le sentiment d’harmonie qui fut celle de leur couple dans le respect de leur dualité ».

    Cet apport assoit par ailleurs la réputation d’excellence de la Cité des Ducs au chapitre sculptural : ex-voto du sanctuaire des sources de la Seine exposés au Musée archéologique, munificents retables des Ducs de la Chartreuse de Champmol, pièces maîtresses du Musée des Beaux-arts. Sans oublier les tombeaux des Ducs de Bourgogne, les œuvres de Rude, de Pompon, ou encore les idoles des Cyclades acquises par les Granville au siècle dernier. Le maire de Dijon, François Rebsamen, se dit fier de voir « les œuvres de Karl-Jean Longuet et de Simone Boisecq contribuer au rayonnement de la ville labellisée « Ville d’art et d’histoire » en 2009 par le ministère de la Culture ».

    Le culte des rites solaires

    L’œuvre en pierre la plus ancienne de Karl-Jean Longuet, qui désormais s’offre au regard du visiteur, date de 1946. C’est l’année de sa rencontre avec sa future compagne Simone qui se traduira par un changement dans son rapport à la représentation du corps : plus grande sobriété du style et manifestation d’une sensualité qui se laisse deviner dans un art de la taille magistralement maîtrisé. Une maquette en plâtre de 1956 – un de ses projets architecturaux sans doute jamais mené à terme – traduit chez lui une quête d’inspiration « autre ». Il s’agit là d’un audacieux mariage de la Grèce archaïque et du courant néo-plasticisme présent dans l’art occidental au milieu du 20ème siècle.

    Simone Boisecq, tout en partageant mille et une affinités avec Karl-Jean Longuet, suivra un cheminement esthétique personnel pour notre plus grand bonheur. Ainsi, elle exprime à travers plusieurs de ses œuvres les sensations d’une enfance à Alger. « Grand Soleil », une sculpture en résine brique réalisée dans sa jeunesse, s’avère l’une de créations les plus attachantes, annonçant déjà une attirance marquée par le culte de rites solaires qui nourriront son âme d’artiste tout au long de la vie.

    La donation Boisecq-Longuet de Dijon doit constituer une incitation au voyage vers d’autres institutions qui possèdent, elles aussi, des sculptures du couple, tels que le Musée Untenlinden à Colmar, le LAAC de Dunkerque, le musée des Beaux-Arts de Lyon ou de Nancy ou encore de Reims, le Centre Pompidou et le musée d’Art Moderne de Paris.

    Jeanne Vernay