Quelle exploration plus passionnante, plus réjouissante et plus inspirante que celle de découvrir le bestiaire de Michel Couqueberg qui fête ses 45 ans de sculpture. Une œuvre qui ne laisse personne indifférent et dans laquelle l’artiste peut se draper comme dans une étoffe des héros de son époque.
1979. Pendant que l’actualité nationale se concentre sur PSA Peugeot-Citroën qui finalise son rachat de Chrisler Europe, sur le ministre de l’Economie Michel Monory qui annonce la libération totale des prix, sur l’arrivée du 1er Paris-Dakar, sur le premier vol du Mirage 4000, ou encore sur Simone Veil qui est élue présidente du Parlement européen… un professeur de dessin dijonnais mettait, en toute discrétion, ses derniers coups de ciseau à sa première sculpture qui n’était autre qu’une chouette…
Michel Couqueberg est venu à la sculpture seul, hors atavisme, en entêté. Tout simplement parce qu’il a toujours défendu le droit de faire ce qu’il aimait. De tracer sa voie sans s’occuper du regard des autres. 45 ans après, les souvenirs sont toujours aussi précis et impeccablement classés, comme son immense atelier, à Orgeux, qui se fond dans la végétation sur les bords de la Norge. Il se souvient des grandes dates qui ont marqué son parcours par cœur : année, mois et jour. Chez cet artiste pas comme les autres, tout est rangé avec le plus grand soin.
Il tourne les pages de sa vie, sans fard mais avec flammes. Une vie qui lui a permis de créer des œuvres qui font aujourd’hui autorité sur le marché de l’art. D’autres auraient pris la grosse tête. Pas lui. N’attendez pas qu’il donne des leçons. Sauf, peut-être, de modestie et d’humilité. Il est comme ça Michel Couqueberg. Toujours dans la réserve, la maîtrise et la prudence extrêmes.
Curiosité toujours en éveil
A Orgeux, le temps ne s’écoule pas comme partout. Et une rencontre avec Michel Couqueberg charrie son lot d’images indélébiles qui resteront suspendues dans les mémoires. Ne vous attendez pas à faire face à un « ancien » de 77 ans à l‘air ombrageux d’un personnage peint par Bernard Buffet, charentaises au pied et viandox tiède à portée de main. Il est vrai qu’à son âge, il en est qui s’ennuient, ressassent, soignent leurs rhumatismes et leur mauvaise humeur… Lui, le boulimique créateur, il continue à s’intéresser à tout ce qui l’entoure. La curiosité toujours en éveil, il parle avec volubilité, comme un homme qui laisse bailler les fissures du temps pour faire resplendir le film de son passé. Dans la lumière de ses yeux qui éclairent un regard amusé de tout et curieux d’autant, s’inscrivent l’intensité et l’humilité de ceux qui ne tiennent rien pour acquis.
Michel Couqueberg se plait à souligner qu’il n’est pas sorti de la cuisse de l’élite et qu’il s’est battu pour la rejoindre… A force de travail et de ténacité, il signe aujourd’hui 45 années d’un parcours remarquable pour son apparente et tranquille simplicité. 45 années durant lesquelles il a su garder la ligne de crête. Jamais il ne combattit pour un âge d’or regretté ou un présent à proroger. Seul demain l’intéressait. Et surtout, jamais il n’est tombé dans le piège de la facilité, faisant sienne cette maxime de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles »…
40 œuvres exposées
Ce que vous venez de lire est une invitation. Une invitation à vous rendre entre le 1er et le 31 octobre, de 10 à 19 heures, à Orgeux. Michel Couqueberg, toujours aussi loquace, précis, pédagogue, se fera un plaisir de vous faire découvrir son atelier et sa galerie. Vous pourrez y découvrir 40 œuvres exposées mais aussi l’ensemble de son parcours : depuis sa première chouette en bois jusqu’à ses derniers nés en bronze-argenture dégradée, et comment il a su bâtir un dialogue permanent avec la matière, avec les couleurs mais aussi avec les époques, en réussissant le tour de force d’être contemporain tout en demeurant hors du temps. Rares sont les artistes qui subliment autant les formes et les courbes du bronze ou encore de l’altuglas.
Prenez le temps de découvrir l’homme et ses œuvres. Un homme qui sculpte comme il respire et qui a besoin de sculpter pour respirer. On l’a déjà dit dans ces colonnes mais on va prendre un immense et réel plaisir à le répéter : Michel Couqueberg est le digne héritier de François Pompon. Mais il est surtout l’héritier de cette civilisation qui l’a éduqué, instruit, moralisé, humanisé en lui donnant accès à l’héritage des générations passées. Il serait même plutôt l’héritier de l’antiquité grecque et latine dont les œuvres n’ont eu de cesse de transporter les hommes dans un univers imaginaire.
Jean-Louis Pierre
Exposition « Michel Couqueberg, 45 ans de sculpture »
Atelier du Moulin. 3 B, Chemin du Breuil. 21490 Orgeux
Du 1er au 31 octobre. De 10 heures à 19 heures
Galerie ouverte tous les jours. Sans rendez-vous
06 11 61 89 70