Ukraine : Dijon soutient Vinnytsia

Jusqu’au 14 juin, la Ville de Dijon accueille 26 collégiens ukrainiens, toutes et tous des filles et fils de militaires tombés au front ou actuellement mobilisés contre l’invasion russe. Il s’agit de la première action concrète née de la visite, du 23 au 27 avril dernier, d’une délégation dijonnaise et régionale à Vinnytsia, qui, même si cette cité n’est pas sur le front, a d’ores et déjà payé un lourd tribut de ce conflit. Le « Memorial Wall » de cette ville située à 200 km au sud-ouest de Kiev en témoigne… Les élus dijonnais qui avaient effectué ce déplacement, Nathalie Koenders, Lydie Pfander-Meny et Antoine Hoareau, reviennent sur ce périple illustrant le soutien de Dijon à cette ville partenaire. Et insistent sur le « nécessaire renforcement de l’Union européenne ».

Pourquoi avoir choisi de vous rendre à Vinnytsia ?

Lydie Pfander-Meny : « Nous avions voté au conseil municipal de fin d’année une aide de 100 000 euros en direction de cette ville partenaire. Ce fut notre première action et, à partir de là, nous avons eu, au niveau des Relations internationales, des échanges réguliers entre Dijon et Vinnytsia. Les maires ont également dialogué par visio. A cette occasion, nous avons compris que, par-delà toutes les actions que nous pouvions mettre en place, il y avait quelque chose qui était particulièrement important : la visite sur place d’une délégation… Au-delà du symbole, c’est un soutien fort à une ville partenaire qui montre également notre engagement en faveur de la paix et de l’Europe ».

Antoine Hoareau : « La délégation a été construite autour de la Ville, de la Métropole mais également de la Région. Nous avons souhaité associer un certain nombre d’institutions locales : le CHU, Sciences Po, l’Université de Bourgogne… Et ce, afin d’aller dans des éléments très concrets d’un partenariat. Notre idée est d’être dans quelque chose de très opérationnel. L’objet de cette délégation était de voir quels étaient les besoins de ce territoire mais aussi de voir ce que nous, nous pouvions bénéficier de leur expérience.

En termes de santé, nous nous sommes aperçus que l’Ukraine avait développé des compétences extrêmement importantes au niveau de la médecine réadaptative. Le CHU de Dijon peut ainsi emmener de la compétence sur la cardiologie – un service qu’ils souhaitent développer à Vinnytsia – et, dans le même temps, bénéficier du savoir-faire ukrainien. Notre objectif est d’être véritablement dans une dimension très partenariale, dans un pays qui en a particulièrement besoin actuellement ».

L’accueil de cette classe transplantée durant 3 semaines – les élèves sont hébergée au CROUS, suivent des cours à Sciences Po et déjeunent à Saint-Bénigne –, était-elle une demande forte des élus de Vinnytsia ?

Lydie Pfander-Meny : « L’éducation est apparue comme particulièrement importante dans nos discussions. Une des premières choses qui nous a été demandées était éventuellement d’accueillir un certain nombre de jeunes. Et c’est ainsi que nous avons créé rapidement les conditions pour que cela puisse se faire. Le maire de Vinnytsia nous a demandé de mettre au vert un certain nombre d’enfants qui ont perdu un proche dans le conflit. Dijon prend en charge leur venue, leur hébergement ainsi que les animations auxquelles ils participeront. Une autre demande a concerné les étudiants. Vinnytsia accueille en effet un nombre important d’étudiants des universités de l’Est de l’Ukraine qui ont été détruites. Beaucoup ne peuvent plus suivre leurs formations… Sciences Po Dijon et l’Université de Bourgogne vont mettre en ligne un certain nombre de cours pour les aider ».

Antoine Hoareau : « Au-delà de l’éducation, nous avons travaillé sur différents éléments sur lesquels ils ont des besoins : tout ce qui est lié à la transition énergétique et écologique, avec en particulier la question de l’eau, de la gestion des déchets, de la Smart City. Ce sont des pistes sur lesquelles nous pourrons leur apporter notre expertise ».

Qu’est-ce qui vous a profondément marqué sur place ?

Lydie Pfander-Meny : « Vinnytsia est une ville qui fonctionne normalement dans une situation anormale. Ce qui a été le plus marquant : nous sommes tous issus de la génération de la paix et c’est la première fois que nous allions dans un pays très proche en guerre. Mais à l’instar de ce qui s’est passé en 14-18, c’est une guerre de front et Vinnytsia vit tout à fait normalement. Cependant, les alertes sont omniprésentes et la gravité est permanente dans les échanges. J’ai vu des jeunes qui n’ont plus rien dans le regard…

Le « Memorial Wall » montre des photographies de jeunes et des moins jeunes avec les dates de naissance et de décès. Ces illustrations montrent 450 habitants de Vinnytsia qui sont tombés au front et il n’y a pas toutes les photos, puisque leur nombre s’élève à 650 aujourd’hui. Je me suis sentie porteuse sur place de ce qu’est la démocratie et du combat aujourd’hui pour l’Europe. Dans un pays comme cela, on voit la force et l’attente que représente la question européenne ».

Antoine Hoareau : « Nous avons senti qu’il y avait une chape de plomb permanente et les 3 alertes que nous avons eues dans la journée ont bien démontré que nous n’étions pas dans une situation normale. Les enfants descendent systématiquement dans les bunkers, et cela peut arriver jusque’à 5 fois par jour. Et même si le front ressemble à la typologie de la 1re Guerre mondiale, avec les bombes et les missiles actuels, Vinnytsia est à portée. Elle a déjà été bombardée à 3 reprises, dont une fois sur des cibles civiles. Un centre médical a été visé le 14 juillet 2022 et 29 civils ont été tués. La visite sur le mémorial fut empreinte d’émotion…

La population a une forme de résilience incroyable, car, malgré la situation, il y a une volonté de gagner la guerre et un sentiment patriotique extrêmement développé. La guerre fait cohésion dans la société et il est intéressant aussi de voir leur volonté farouche de rentrer dans l’Union européenne ! C’était un voyage très dur, très émouvant… qui appelle à l’humilité par rapport à ce que l’on peut vivre en France où beaucoup ont une propension à se plaindre en permanence !»

Propos recueillis par Xavier Grizot

 

Nathalie Koenders : « Renforcer l’Union européenne »

Co-pilotant cette délégation avec le vice-président du conseil régional, Patrick Molinoz, la première adjointe dijonnaise, Nathalie Koenders, a tenu à souligner : « Le partenariat que nous développons entre la ville de Dijon et celle de Vinnytsia s’inscrit dans le devoir de solidarité total que nous devons avoir à l’égard du peuple ukrainien. Cette guerre n’est pas seulement une agression territoriale, c’est une attaque contre les valeurs fondamentales européennes : la démocratie, la liberté, le respect du droit international. Soutenir l’Ukraine, c’est défendre ces valeurs. Dans cette lutte, l’Ukraine représente donc notre première ligne de défense et il est impératif que la Russie soit vaincue, faute de quoi la paix et la stabilité sur notre continent seront gravement compromises. 

Face à la montée du populisme, voire du totalitarisme dans le monde, face aux tentations hégémonistes des grandes puissances, une Europe puissante, unie, forte de ses valeurs, est le meilleur rempart pour nos démocraties. C’est pourquoi les élections européennes du 9 juin prochain représentent un enjeu crucial. J’appelle chacun à se rendre aux urnes et à faire le choix de défendre le renforcement de l’Union Européenne ».