L’adjointe dijonnaise Kildine Bataille plaide pour le qualitatif plutôt que pour le quantitatif. Aussi l’annonce du gouvernement de créer 200 000 places d’accueil supplémentaires pour les tout-petits ne suscita pas son aval. Loin de là !
Comment définiriez-vous la politique Petite Enfance de la Ville de Dijon ?
« C’est en quelque sorte mon mantra : coller et répondre au mieux aux besoins des familles en matière d’accueil des tout-petits. Cela passe, d’abord, par la connaissance des besoins, qui évoluent beaucoup, que ce soit en termes de volumes d’accueil mais aussi en matière de souplesse. Le télétravail, comme la crise sanitaire, a, par exemple, modifié la donne. Au-delà de l’Observatoire social, nous sommes en train de travailler sur un observatoire de la petite enfance. Nous faisons tout pour conforter ce service public de la petite enfance à l’échelle de Dijon parce que nous n’avons pas attendu le gouvernement pour le mettre en place… »
Le plan du gouvernement pour la Petite Enfance, dévoilé au début du mois, n’a pas été de votre goût…
« J’apprécie beaucoup ce que fait le gouvernement mais lorsque les actions décidées ne vont pas dans le bon sens je le dis. Il faut savoir qu’il y a eu une concertation territoriale pilotée par Élisabeth Laithier. Elle a été nommée présidente d’un comité de filière censé travailler sur tous les enjeux, notamment celui du recrutement. Elle est venue nous voir le 12 avril. Nous lui avons expliqué la situation, elle a d’ailleurs cité deux fois Dijon lorsqu’elle a présenté son rapport devant le ministre. Et la Première ministre annonce le 1er juin la création de 200 000 places d’accueil supplémentaires alors que nous n’avions même pas été concerté là-dessus. Nous avions été interrogés sur comment faire face à la pénurie de professionnels et comment aider plus de familles modestes à accéder à des solutions d’accueil.
Et maintenant, nous sommes stricto-sensu dans le quantitatif, cela n’a aucun sens. Et j’ajoute à cela que nous n’avons même pas été prévenus en amont. L’AMF – je fais partie en son sein du groupe de travail Petite Enfance – est contre ce projet de loi sur nombre de points… On ne peut pas annoncer comme cela 200 000 places supplémentaires en mettant de côté la pénurie de professionnels. Car cela représente 20 000 professionnels alors qu’au niveau national il en manque déjà 10 000 ».
Qu’attendiez-vous des annonces gouvernementales ?
« Je fais partie des élus transpartisans qui ont signé, avant cette annonce, une tribune dans Le Monde où nous disions en substance : nos crèches brûlent, le président de la République regarde ailleurs. Aussi nous attendions-nous à des annonces fortes mais pas celles qui ont été présentées. Cela fait 10 ans que les professionnels du secteur alertent sur la situation. N’oublions pas non plus qu’il y a un enjeu d’attractivité derrière pour les territoires mais aussi et surtout de justice sociale. C’est l’avenir des enfants qui se joue. Une puéricultrice a plus d’impact social qu’un professeur des Universités. L’apprentissage du langage, le développement psycho-affectif, la relation à l’autre, les habiletés sociales… S’ils ne sont pas sensibilisés, cela peut avoir des conséquences non négligeables pour la suite. Ce projet est inscrit déjà dans la Loi Plein Emploi. C’est bien mais cela ne peut pas être que cela.
L’investissement social dans la Petite Enfance disparaît et c’est là où le bât blesse, au-delà du fait que nous ne disposons pas assez de professionnels, que les métiers ne sont pas assez valorisés, que la formation n’est pas assez importante… Il faut ainsi que la formation soit revue, devienne complète. Je suis par exemple très attachée à la gestion des émotions dans la formation pour qu’il n’y ait pas de drames comme on a pu le voir à Lyon. Aujourd’hui cela ne représente que 2 h à l’échelle de 6 mois de formation. c’est une hérésie ! Il faut aller sur le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant. Il faut arrêter avec la seule vision hygiéniste des crèches… »
Combien de places manquent-ils à Dijon ?
« Nous arrivons à satisfaire de plus en plus de familles et il ne manque sur Dijon actuellement qu’environ 125 places. Nombre d’autres collectivités nous envient et je veux remercier pour cela les services qui font du cousu main. Dans le projet de loi, il est précisé qu’il faut mettre en place un guichet unique mais, ici, cela fait des années que cela existe. Nous avons deux coordinatrices exceptionnelles qui tentent de trouver les solutions les mieux adaptées à toutes les familles… Nous n’avons jamais fermé de structures à la différence d’autres villes. Et nous n’avons réellement pas à rougir de ce que nous faisons ».
Pourquoi organisez-vous le samedi 1er juillet une Journée intitulée « Petite Enfance et nature » au Jardin de l’Arquebuse (1) ?
« Dans le cadre de la Petite Enfance, la qualité de l’accueil est inhérente aussi à la sortie des structures. Nous organisons la 2e édition de cette opération en nous appuyant, là aussi, sur la créativité des professionnels. Ce sont eux qui proposent des activités aux enfants au sein du Jardin de l’Arquebuse durant le Festival Kultur’Mix. C’est une manière de tisser des liens mais aussi de favoriser le contact réel avec la nature, essentiel au développement de l’enfant. Pourquoi ? Parce que l’on est une ville très engagée sur les questions écologiques. Et c’est dès tout petit que cela se joue également ! »
Propos recueillis par Camille Gablo
(1) Le 1er juillet de 11 h à 19 h au Jardin de l’Arquebuse. Ateliers gratuits ouverts à tous.