Thierry Julian : « Un retour en arrière »

Permis B, permis moto ou conduite accompagnée, lAuto-École de Bourgogne oriente les nouveaux conducteurs vers la route de la réussite. Celle-ci est indiquée par Thierry Julian, gérant, pour qui le bien-être de ses élèves est primordial. Il nous expose son point de vue sur lactualité…

Le ministre de lIntérieur a annoncé que les petits excès de vitesse ne seront plus sanctionnés par un retrait de point à compter du 1er janvier 2024. Comment prenez-vous la future mise en vigueur de ce que Gérald Darmanin appelle une « indulgence administrative » ?

« La limite en ville était avant de 60km/h et a baissé en 1990 pour une raison bien précise : il y a une immense différence d’impact que les voitures ont à ces vitesses lors d’accidents. Là où elle engendre des blessures graves à 50 km/h, une voiture qui roule à 60km/h est mortelle. Le code de la route est coercitif parce que seule la « peur du gendarme » est efficace au volant pour protéger les piétons. C’est un immense retour en arrière que de retirer la menace du retrait de points lors de petits excès de vitesse. Aussi, je suis persuadé que cette mesure va creuser davantage d’inégalités. Le permis à points permet une base commune à tous. Une amende simple n’a pas le même impact auprès des conducteurs en fonction de leur capital économique ».

Le permis de conduire est considéré en France comme un rite de passage à lâge adulte. Pourtant, de plus en plus de jeunes passent leur permis bien après lâge minimal. En 2021, sur les 904 999 personnes fraîchement titulaires de leur permis B, ils sont 59 % à avoir plus de 19 ans. Chez lAuto-Ecole de Bourgogne, le profil de vos candidats a-t-il évolué ?

« Il faut tout d’abord différencier les primo-accédants des retraits de permis. Il y a un effet un désintérêt du permis qui s’installe, mais les statistiques incluent aussi ceux qui l’ont simplement perdu. On constate qu’il y a notamment, dans notre auto-école, beaucoup de femmes qui se retrouvent seules et qui, pour leur indépendance, passent leur permis tard. Néanmoins, environ 90% de notre clientèle à moins de 25 ans. Chez AEB, il n’y a donc pas d’évolution notable de l’âge moyen, ce qui est notamment justifié par notre localisation au croisement de trois lycées (Saint-Bénigne, Notre-Dame et Montchapet) ».

Aujourdhui, le permis de conduite se fait à partir de 18 ans (ou même 17 ans lorsquil sadjoint à de la conduite accompagnée). Les 18-25 ans, qui représentent 9% de la population, sont impliqués dans 17% des accidents de la route. Pourtant depuis plusieurs semaines, lexécutif réfléchit à sinspirer du Royaume-Uni en baissant lâge légal du permis de conduire à 16 ans et en réduisant les heures de conduite obligatoires qui sont aujourdhui de 20h. Que pensez-vous de cette éventualité ?

« Je pense tout d’abord que le permis de conduire nécessite une maturité qui n’est pas acquise chez des enfants de 15 ou 16 ans. Les laisser seuls au volant pourrait poser de gros problèmes quant à leur gestion du véhicule et leur sentiment de responsabilité envers des piétons. C’est d’ailleurs une autre conception de cette responsabilité qui poserait d’autant plus problème. En cas d’accident causé par un mineur de 16 ans seul au volant, qui paierait les conséquences ? »

Entre le jour où l’on vient s’inscrire et le jour où l’on conduit seul, combien de temps se passe-t-il en moyenne ?

« En moyenne, il faut compter 5 à 6 mois pour passer son permis de conduire. Néanmoins, certains le font rapidement et d’autres prennent beaucoup plus de temps. Il existe également des formules accélérées afin de le passer en un temps réduit. D’un point de vue plus général, je dirais que la durée d’acquisition du permis B dépend de trois facteurs : la motivation, l’assimilation et l’assiduité ».

Vous êtes souvent aux côtés des candidats lors du passage de lépreuve ou de sa préparation. Avez-vous remarqué des préoccupations récurrentes chez les nouveaux conducteurs ?

« Il est vrai que nous sommes ce que l’on peut appeler les « psy du volant ». La discussion est primordiale dans la voiture afin de détendre le conducteur. C’est ainsi que nous avons réalisé qu’il y a eu un avant et un après Covid. La nouvelle génération est désormais inquiète du monde que nous lui avons laissé. Elle se considère comme « arrivée trop tard », avec la responsabilité de rattraper les erreurs de ses aînés. Ecologie, économie, tout le système leur semble défaillant et cela les inquiète et les rend très pessimistes quant à l’avenir. Tant de pression doit être difficile pour eux ! »

Propos recueillis par Jeanne Bufferini