Avec des si on mettrait Dijon en bouteille… Autrement dit on referait le monde ! Si l’issue de la cérémonie d’élévation de François Rebsamen au rang d’officier de la Légion d’Honneur n’avait pas été aussi dramatique, nous aurions pu tout simplement faire état des meilleurs moments du discours panégyrique de l’ancien Premier ministre Jean Castex à l’endroit du récipiendaire. Et les instants de (premier) choix furent nombreux… rarement une intervention, conjuguant solennité et humour, n’ayant été aussi excellente au sein de la salle des États du Palais des Ducs – selon nombre d’observateurs.
C’est dire si le célèbre tableau des Gloires de Bourgogne avait ce jour-là toute sa place au-dessus des protagonistes de cet événement… Seulement voilà, une terrible nouvelle est venue noircir le ciel de François Rebsamen juste après le rayon de soleil républicain que Jean Castex a fait briller de mille feux. Quelques instants après être redescendu de la tribune, François Rebsamen, tout juste fait Officier de la Légion d’Honneur, a, en effet, appris le décès de son frère Guy. De la joie… au cauchemar !
Avec des si on mettrait Dijon en bouteille et, avec des si… ne doutons pas que François Rebsamen aurait échangé sa nouvelle étoile à 5 branches et les éloges de cette magnifique cérémonie contre le fait de n’avoir jamais reçu un tel appel. Il est des moments tragiques et ce 12 mai 2023 fit partie de ceux-ci pour le maire et président de Dijon métropole. Et pourtant tout avait si bien commencé… comme nous nous en faisons l’écho dans cette double page. Concernant la funeste issue et la disparition de l’ancien restaurateur Guy Rebsamen, l’un de ses proches, présent salle des États, devait conclure par cette formule très juste : « Bon vent camarade ! » Les larmes aux yeux…
Xavier Grizot
Les différences…
L’ancien Premier ministre et actuel PDG de la RATP s’est amusé à lister quelques différences avec le récipiendaire. Parmi celles-ci, la provenance géographique sur laquelle il a eu ces bons mots qui ont été dégustés par l’assistance, applaudissements à l’appui : « Un observateur aurait noté que ce ne sont pas nos origines géographiques qui font que je préside cette cérémonie : vous êtes un pur produit de la Bourgogne pendant que je suis moi-même gascon de très longue extraction. Les Bourgognes et l’Armagnac ! Je préfère retenir le caractère exquis des breuvages élevés dans nos terroirs respectifs même si, en terme de chronologie, l’Armagnac a le dernier mot ! »
En termes de sport également, il s’est plu à préciser : « Vous êtes un amoureux inconditionnel du football, en particulier du club de Dijon, dont on espère tous qu’il va sauver sa saison… alors que moi je suis attaché au rugby » Dans la partition de son discours, a également figuré la musique : « Vous êtes un fan de jazz pendant que moi j’ai une préférence pour les accords de Georges Brassens mais nous pourrions aisément nous retrouver à Marciac, sur mes terres gascognes, qui est devenue une capitale du jazz ».
Le souvenir du Vietnam
Jean Castex est revenu sur les débuts politiques de François Rebsamen : «Vous êtes viscéralement un homme de gauche, ce qui n’est pas ma caractéristique première. Votre premier émoi politique remonte aux bombardements américains sur le Vietnam qui vous ont profondément indigné et ont suscité chez vous un fort rejet de l’impérialisme américain (…) Ce qui vous conduira à déposer un bulletin pour Alain Krivine au premier tour de l’élection présidentielle de 1974. Il est hautement vraisemblable que j’aurais fait un choix différent même si je dois vous confesser que ma mère adorée, fille d’un militant communiste acharné, a toujours voté Arlette Laguiller à chaque fois qu’elle s’est présentée à l’élection présidentielle ».
« Un combattant de la République »
Jean Castex a rappelé que Dijon fut l’un de ses premiers déplacements comme Premier ministre : « Vous faites partie de ces combattants de la République, de la démocratie, des territoires. Vous avez souvent affronté le suffrage universel et la confiance que vous ont constamment renouvelée les Dijonnaises et les Dijonnais depuis 2001 est un signe qui ne trompent pas.
C’est ce maire engagé et passionné que j’ai, pour la première fois, rencontré ici même à Dijon, dans une ville traumatisée par une sorte d’équipée sauvage dans le quartier des Grésilles, c’était en juin 2020. Là, j’ai vu un maire totalement impliqué. À la fois très soucieux que l’Ordre républicain fut totalement respecté mais aussi que la paix civile fut rapidement restaurée. J’ai vu un élu en phase avec sa population ».
Un acteur de la baisse du chômage
Outre la présidence du groupe PS au Sénat, Jean Castex a listé, parmi les hautes fonctions de François Rebsamen, son passage au ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social entre avril 2014 et septembre 2015 sous le quinquennat de François Hollande : « Ce passage rue de Varennes, que je connais bien, moi aussi, pour y avoir été directeur de cabinet, vous aura permis de faire voter l’importante loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi qui a permis de favoriser notamment l’apprentissage et l’alternance, sujets auxquels je suis, comme vous, très attaché.
Ce texte a indubitablement favorisé la dynamique de baisse du chômage qu’a connu notre pays dans les années qui suivirent et il faut reconnaître que les actions conduites à cette période, prolongées et amplifiées sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, ont contribué à la grande évolution que nous avons connue ces dernières années, c’est à dire le passage d’un chômage de masse à la situation que nous connaissons aujourd’hui ».
« Un très grand maire de Dijon »
L’ancien Premier ministre s’est fait l’écho des nombreuses réalisations de François Rebsamen à Dijon depuis 2001, citant, entre autres, « le centre-ville piétonnier, la transformation de la place de la Libération, le Zénith, le Tram, la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, l’obtention du siège de l’Organisme international de la Vigne et du Vin, la rénovation superbe du Musée des Beaux-Arts, etc. » Non sans ajouter : « Au–delà de ce bilan exceptionnel, vous avez fait de Dijon une Ville où fait bon vivre… Vous avez un bilan impressionnant et vous êtes cher François un très grand maire de Dijon ! »
Rester sur le ring
Avant de lui remettre la médaille, Jean Castex a eu aussi le sens de la formule afin d’exhorter le maire de Dijon à rester aux affaires. Un message qui n’est pas inaperçu dans l’assistance : « On a besoin d’hommes comme vous, cher François Rebsamen. Il n’est pas encore temps de ranger les gants ni de quitter le ring. Nous sommes nombreux, et pas qu’à Dijon, à compter sur vous, sur votre sensibilité, sur votre talent, sur votre courage et sur votre attachement viscéral à notre belle République ! »
Pourquoi Jean Castex ?
Quant à François Rebsamen, il a, notamment, répondu à une question que d’aucuns se posaient : « Pourquoi est-ce vous, Monsieur le Premier ministre, qui me remettez les insignes d’officier de la Légion d’honneur ? Parmi mes amis, quelques-uns considèrent a priori la chose comme une bizarrerie. Certains – ils ne sont pas présents – pensent même que je suis un homme de droite. Ils se trompent : je suis un homme de gauche qui a voté Emmanuel Macron et qui le fait savoir comme l’ont fait d’ailleurs près de 40% des électeurs de François Hollande en 2012.
Pourquoi vous ? La franchise m’impose de le reconnaître : parce que mes amis de gauche ne me l’ont pas proposé. C’est vous, Monsieur le Premier ministre, qui me l’avez proposé et c’est donc à vous que je dois cette distinction et, finalement, à personne d’autre, si ce n’est peut-être un peu au président de la République ».
L’amour de Dijon
Le maire et président de Dijon métropole n’a pas manqué de rappeler tous les liens qui l’unissaient à la capitale régionale, tout en glissant une phrase sur l’avenir : « J’aime cette ville, j’y suis né, j’y ai grandi, j’ai étudié, j’ai fait un peu la fête aussi. J’ai construit ma vie, ma famille. Depuis 2001, j’œuvre à la transformation de ma ville. Je le fais uniquement dans l’intérêt des habitants, au présent et au futur. Je suis vraiment mû par cette conviction profonde que nous sommes là pour agir et pour nous dépasser.
Mon projet pour cette ville, c’est une ville écologique, solidaire et attractive pour concilier les enjeux économiques, environnementaux, sociétaux, produire de la qualité de vie, dépasser les égoïsmes du quotidien, être fidèle à un idéal de société plus juste et se donner les moyens pour agir en ce sens. Le dessein est vaste. Fort heureusement, je n’y travaille pas seul. Je suis accompagné par des élus, à la Ville et à la Métropole, de grande qualité. Je suis accompagné par ma première adjointe Nathalie Koenders dont je prends le pari que vous entendrez certainement parler dans l’avenir… »
A noter la présence, parmi l’assistance, des anciens ministres Jean-Yves Le Drian, Jean-Baptiste Lemoine, Bruno Le Roux, de l’ancien président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, du sénateur François Patriat, des députés Fadila Khattabi, Didier Martin, Benoît Bordat, Didier Paris, de la présidente de Région Marie-Guite Dufay, du préfet Franck Robine et de son prédécesseur Fabien Sudry.