Moins d’un an après la création de l’agence d’attractivité Dijon Bourgogne Invest, nous avons souhaité faire un point d’étape avec son président Jean-Philippe Girard. L’ancien créateur d’Eurogerm dont il a fait un groupe international nous détaille les forts enjeux actuel de développement et les forces de la métropole dijonnaise pour séduire et accueillir de nouvelles entreprises.
Vous êtes un homme de défi. Que ce soit dans le monde économique ou sur les pentes des grands massifs. Après avoir fait d’Eurogerm un grand groupe international et l’avoir cédé, la présidence de DBI n’a-t-elle pas coïncidé avec un nouveau challenge de taille ?
« C’était un moment important de ma vie. Il y a eu la cession du groupe et je me suis posé, quelque part, la question de mon utilité, de mon avenir et du sens que je voulais redonner à ma vie. Avec une pointe d’humour, j’ai coutume de dire que je vis des cycles de 30 ans. Les 30 premières années étaient plutôt tournées vers le sport, la haute montage et le ski, les 30 suivantes vers la vie d’entrepreneur et Eurogerm. J’ouvre une nouvelle boucle au service de mon pays qui m’a permis de réaliser tout ce que j’avais envie de réaliser. C’est une troisième phase et cette opportunité s’est présentée avec ce rendez-vous avec le maire et président de Dijon métropole, François Rebsamen. Et l’on dit toujours : « On ne vieillit pas tant que l’on a des projets ! » Et il me fallait un projet qui m’incite à me lever le matin. Je me suis posé la question et j’ai toujours eu l’audace de faire, l’audace d’agir, l’audace d’entreprendre. C’est un nouveau pari audacieux ! »
Lors du lancement de Dijon Bourgogne Invest à la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, le 12 mai dernier, vous avez souligné qu’il était nécessaire que « tous aient le réflexe DBI ». Ce réflexe a-t-il d’ores et déjà été pris ?
« Il prend plutôt bien. Je ne demande pas à chacun le Grand Soir mais d’avoir ce réflexe quand l’on croise des amis, des clients, des fournisseurs. Il faut prendre ce petit temps pour parler de Dijon. C’est cela qui va faire rayonner la métropole demain. Il faut aussi que l’on ait ce réflexe DBI pour nos jeunes, pour les jeunes qui passent à Dijon afin de faire leurs études. Ils doivent avoir un très bon souvenir de Dijon afin de générer le réflexe DBI plus tard. Un jour peut-être, en tant que cadre ou dirigeant, ils auront qui sait un choix à faire et ils penseront à Dijon ! »
A l’instar du président de l’Organisme international de la Vigne et du Vin, Luigi Moio, qui avait étudié à Dijon…
« C’est fantastique. Cela montre à quel point nous devons agir sur tous les âges, sur toutes les populations et sur ce qu’est notre image, notre force. L’arrivée de l’OIV, la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin… toutes ces initiatives économiques et écologiques vont dans le bon sens ».
Vous avez également voulu vous doter d’un directeur général doté d’une « culture internationale » et provenant d’une métropole qui, elle aussi, a l’attractivité dans son ADN. C’était l’une des clés indispensable de la réussite ?
« Stéphane Bossavit a été l’animateur d’Hello Lille et nous savons à quel point Lille a aujourd’hui trouvé sa place sur le plan national mais aussi à l’extérieur de nos frontières. Je souhaitais un recrutement ambitieux avec quelqu’un qui ait une culture internationale mais aussi une expérience des relations entre politiques, économiques et administration. J’ai voulu également une gouvernance unique en France avec 15 patrons et 3 élus, une gouvernance qui nous oblige quelque part. Il faut montrer notre implication dans ce projet DBI. Avec François Rebsamen, nous nous sommes dits : qui est mieux placé qu’un patron pour faire venir un patron ? Eurogerm en est un exemple. Je peux témoigner que l’on peut réussir un grand projet international depuis Dijon. On a aujourd’hui d’autres groupes qui font notre renommée : Urgo, Jtekt, Savoye… Nous avons des belles références montrant que la métropole, sur un plan stratégique, est bien positionnée ».
« Réconcilier l’économie et l’écologie, le tout dans une démarche RSE » tel est également votre objectif…
« Cela a toujours été mon engagement. Le leitmotiv d’Eurogerm était : « Réussir en faisant réussir nos clients, réussir en faisant réussir nos associés et nos collaborateurs et réussir durablement ! » Ce triptyque que j’ai baptisé Économie, écologie et éco-citoyenneté est essentiel. Comme chez Eurogerm, où j’avais lancé le concept de l’entreprise qui recycle tout et ne rejette rien, il ne faut pas simplement le dire, il faut mettre tout le monde en mouvement sur ce sujet. C’est vrai aussi pour DBI… »
Si vous me permettez cette expression, le rapprochement des planètes avec le maire et président de Dijon métropole, François Rebsamen, n’est pas étranger au fait que vous ayez accepté la présidence de DBI. Vous avez eu pour votre part cette belle formule : « Vous êtes en marche et François Rebsamen en mouvement ! »
« Nous sommes un an après et nous sommes toujours très alignés sur les enjeux. Nous n’avons eu aucun moment dur, aucun moment compliqué depuis que l’on travaille ensemble tant pour Dijon, pour la métropole et les territoires voisins. C’était un peu la demande supplémentaire que j’avais formulée : nous ne pouvons pas tout faire dans la métropole et risquer la désertification dans les territoires voisins. Nous sommes parfaitement alignés et nous savons très bien que c’est une réussite commune qui nous attend ».
Le nom de votre agence comprend Dijon et la Bourgogne. En terme d’attractivité, la métropole et la région sont-elles si étroitement liées que cela ?
« Si on regarde les 5 dernières années, nous ne pouvons pas dire qu’il s’est passé beaucoup de choses de la Région vers la Métropole. Il faut le dire… En revanche, aujourd’hui, nous commençons véritablement à construire un modèle réciproque. L’un agit pour l’autre et vice- versa… Depuis notre arrivée, cela se passe beaucoup mieux ».
Lorsque vous rencontrez des chefs d’entreprise et que ceux-ci souhaitent se développer, quels sont les premiers arguments que vous avancez pour qu’ils choisissent Dijon ?
« Déjà, leur dire qu’ils peuvent tout trouver à Dijon en 15 mn ! Ce n’est pas la même chose à Paris ou à Lyon, dans les grandes métropoles, au sein desquelles il est compliqué de se déplacer et d’agir. Dijon, c’est extraordinaire pour cela. Ici, en 15 mn, tu peux rejoindre ton habitation, tu peux aller te promener, tu peux aller faire du sport, visiter un musée, etc. Ensuite, la qualité de vie. On peut concilier épanouissement professionnel et épanouissement familial. C’est l’enjeu de demain et nous pouvons offrir cela. Enfin, nous sommes une petite métropole avec des infrastructures incroyables pour notre taille. Il ne nous en manque qu’une : le TGV Dijon-Roissy-Lille. C’est stratégique et tout le monde se bat – et c’est une bonne chose ! – pour que l’on retrouve cette ligne. Elle est indispensable pour faire de l’international… »
Les filières d’excellence de la capitale régionale sont identifiées depuis plusieurs années maintenant : l’agro-alimentaire, le numérique, le tourisme et la santé…
« Je n’oublie pas non plus l’enjeu de la formation. Il faut capter des écoles supérieures car tout démarre là ! I Ensuite, il faut capitaliser sur notre image. On ne peut pas dire que l’agroalimentaire est prépondérante sur la métropole. L’enjeu est un peu plus large aujourd’hui et il faut le réécrire autour de l’agriculture et l’alimentation – nous avons la chance d’avoir de grands groupes comme Dijon Céréales –, la Santé – avec Santénov, des initiatives fortes sont prises. Le numérique représente quelque part le chapeau qui va dynamiser l’ensemble. Nous avons aussi le tourisme privé et le tourisme d’affaires, qui est un élément prépondérant – il faut recréer la dynamique autour de CongrexPo. Derrière ce tourisme d’affaires, il y aura des implantations. Des gens qui viennent à un Congrès, s’ils trouvent Dijon sympa, ils seront peut-être nos investisseurs de demain. Il ne faut pas oublier non plus l’éco-construction pour laquelle nous avons un temps d’avance… »
« Agir pour ne pas subir », tel est l’un de vos grands principes. Est-ce le seul moyen, pour un territoire comme le nôtre, de s’imposer dans la concurrence féroce actuelle ?
« La concurrence n’est pas seulement chinoise, américaine, elle est partout. Chacun veut sa croissance. Il faut agir mais pas se disperser. Il faut organiser nos actions collectives autour des 5 pôles que j’évoquais précédemment. Et ce, afin de pas subir ce que d’autres connaissent aujourd’hui. Il ne faut pas que demain nous restions à quai… »
Depuis plusieurs mois, on parle plus de retraite – avec toutes les conséquences que l’on sait – que d’emploi… Ne doit-on pas sortir le plus rapidement possible de cette situation sociale pour que l’attractivité de l’Hexagone – et de nos territoires – redevienne la question primordiale ?
« On a l’impression que rien ne va plus alors que la France s’en sort beaucoup mieux que d’autres pays au niveau économique, en matière d’inflation mais aussi au niveau même du système de retraites. Nous demandons certes un effort mais il est nécessaire. Comme nos parents et nos grands parents l’ont fait. Nous sommes tout de même dans une situation facile par rapport aux précédentes générations. Si l’on parle des régimes spéciaux, il faut savoir aussi que ce qui était possible avant ne l’est plus aujourd’hui. Il n’y a aucune raison que quelqu’un du privé travaille 5 à 6 ans de plus que quelqu’un du public. Ce n’est pas normal surtout que les salaires sont quasi-identiques maintenant. Il faut changer les choses, il faut les bousculer, sinon ce sont nos enfants, nos petits enfants qui hériteront de ce fardeau. Ce serait irresponsable !
Face à la colère et à l’exaspération qui se comprennent – nous sommes dans le dur depuis plus de 5 ans –, face au manque de courage et d’actions de tous ceux qui l’ont précédé, face à des extrêmes qui se comportent de manière insolente et irresponsable, notre Président devra, en même temps, continuer les réformes nécessaires, moderniser notre système d’éducation, prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous, donner plus de pouvoir et de moyens à celles et ceux qui nous protègent et font respecter l’ordre et la paix, réduire cette inflation qui mine notre quotidien et écrire une nouvelle page pour notre pays, pour que chacune et chacun de nous, pour que nos enfants et nos petits enfants puissent s’épanouir à titre familial et professionnel ».
Propos recueillis par Xavier Grizot