Président d’Odivea, la Semop (Société d’économie mixte à objet particulier) en charge de la gestion de l’eau et de l’assainissement, Antoine Hoareau nous détaille les enjeux liés à cette ressource capitale. Et ils sont de taille…
A l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, le 22 mars, le président de Dijon métropole, François Rebsamen, a rappelé, notamment, la Charte sur la protection et le partage de cette ressource essentielle. Pouvez-vous nous en rappeler le principe fondamental ?
« Dijon a une histoire particulière avec l’eau puisque nous avons été la 1re ville de France et la 2e d’Europe à avoir un réseau d’adduction d’eau potable en 1840 grâce à Henry Darcy. Depuis cette époque, il y a un principe fondamental et fondateur : si nous allons chercher des ressources en eau à l’extérieur du territoire métropolitain, cette ressource doit pouvoir bénéficier à l’ensemble des populations qui vivent autour de nos installations. Ce 22 mars, le président François Rebsamen a réaffirmé fortement l’idée du partage de l’eau qui a traversé les générations et les clivages politiques. C’est un engagement fort au moment où il y a un grand débat dans la société sur la question de l’eau. Cette solidarité territoriale est essentielle à nos yeux, si bien que la population du département peut bénéficier des investissements de la métropole. Elle peut ainsi avoir accès à une eau de qualité, en quantité suffisante et à un prix juste ».
Au mois de février, seulement 9 mm de pluie sont tombés à Dijon, contre 43 mm en moyenne. C’est dire si la pérennité de la ressource en eau représente un enjeu majeur…
« C’est, en effet, un enjeu majeur pour les années à venir. C’est vrai à la fois à l’échelle mondiale pour la pérennité de la population et à l’échelle locale afin que tous les habitants puissent en bénéficier. Et en particulier, sur un territoire comme le nôtre, sur le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, où l’on sait que nous aurons des bouleversements très importants sur la disponibilité de la ressource en eau. Nous venons encore de le voir avec un été particulièrement sec et une recharge des nappes phréatiques qui n’a pu se faire au cours de l’hiver avec des déficits pluviométriques depuis le mois d’octobre. Les dernières pluies du début du mois de mars ont permis de limiter la casse mais l’été s’annonce difficile ».
Au mois de septembre, vous avez annoncé que le prix de l’eau n’augmenterait pas. J’imagine que cette décision a été prise afin de favoriser le pouvoir d’achat pour les habitants de la métropole, en cette période d’inflation ?
« Oui. C’est un geste très important et ce ne sont pas seulement les habitants de la métropole qui en bénéficient. Nous avons adopté au dernier conseil métropolitain des avenants pour l’ensemble des conventions qui font que tous ceux des intercommunalités ou des syndicats d’adduction d’eau potable de la Côte-d’Or avec lesquels on travaille pourront profiter de ce gel du prix de l’eau. Nous avons modifié les formules de révision afin de faire en sorte que cette solidarité territoriale s’applique au plus grand nombre. Ce geste fort peut se faire aussi parce que nous avons créé une Semop et qu’aujourd’hui nous avons une vue exhaustive de l’intégralité des charges de l’entreprise. C’est une décision que l’on peut prendre car il y a plus de transparence dans la gestion de l’eau ».
L’année 2023 a débuté avec la signature du 3e contrat de partenariat entre Dijon métropole et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Pouvez-vous nous en citer quelques-uns de ses objectifs ?
« Pour pérenniser la ressource en eau, nous savons qu’il faut que nous limitions nos prélèvements dans le milieu naturel. Il y a 15 ans, nous prélevions 25 millions de m3 par an, contre 20 millions aujourd’hui alors que nous desservons plus de population (275 000 contre 300 000). Comment faisons-nous ? En luttant contre les fuites dans les réseaux d’eau. C’est un enjeu majeur soutenu par l’Agence de l’Eau dans le cadre du renouvellement de Contrat 2022-2025. Ce sont des financement très importants qui nous permettent d’avoir aujourd’hui un niveau de rendement autour de 85%. Nous voulons atteindre 91%. L’Agence nous soutient également sur la désimperméabilisation de l’espace public. Car si l’on veut que les nappes phréatiques se rechargent, il faut que l’eau de pluie puisse s’infiltrer dans le sol ».
Et vous travaillez aussi avec l’État sur cet enjeu de taille ?
« Je voudrais souligner l’implication de l’État aux côtés des collectivités locales. Le préfet Fabien Sudry avait lancé un comité ressource en eau Côte-d’Or, qui est poursuivi par le préfet Franck Robine. Nous venons de nous réunir afin de faire le point et le bilan, dans la concertation, de l’état des ressources dans la période hivernale. Et nous nous réunirons, tout au long de l'été, de manière concertée avant toutes les prises d’arrêté éventuelles de sécheresse. Je tiens à saluer cette initiative de l’État qui fait que l’ensemble des acteurs de l’eau – les collectivités, les agriculteurs, les consommateurs… – sont autour de la table pour pouvoir prendre des décisions collégiales et collectives. C’est extrêmement vertueux ! »
Vous inaugurerez, le 14 avril, l’usine de méthanisation des boues de la station d’épuration Eauvitale Dijon-Longvic. Une innovation à l’échelle nationale ?
« La boue extraite des bassins d’épuration sera méthanisée. Le biogaz issu de ce processus sera transformé en biométhane. C’est une première en France parce que nous réinjectons directement ce biométhane dans le réseau de gaz de ville. Ce projet de l’ordre de 20 M€, réalisé par Odivea et la Métropole, s’inscrit dans notre volonté politique globale de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Et cette station est ainsi à rapprocher de la ferme photovoltaïque, du projet hydrogène… bref de toutes nos actions destinées à développer des énergies propres et locales ».
Propos recueillis par Camille Gablo