Olga Gay : « Écouter, comprendre et se faire entendre »

Olga Gay pourrait être un personnage d'Alexandre Dumas, dans le rôle d'un mousquetaire toujours prêt à brandir l'épée -ou la truelle- pour la bonne cause... Car, justement, des causes elle en a déjà défendues beaucoup : « Je suis d'une génération où il ne se passait pas une année sans qu'on ne descende pas dans la rue. Contre des projets de loi, le droit à l'avortement, à la contraception... ».

Très rapidement, elle s'inscrit aux côtés de ceux qui défendent les principes laïques et républicains, les valeurs humanistes et universelles, loin, très loin de ceux qui propagent la haine et la bêtise. Son naturel répugne aux embrigadements, aux intégrismes, à tous les « ismes » qui ont ensanglanté la terre des hommes avant de choir dans les poubelles de l'Histoire.

Olga Gay est une artiste authentique -qui excelle dans l'hyperréalisme- capable de s'indigner de tout. Du monde tel qu'il va ou plutôt tel qu'il ne va pas. Sa voix est aussi de celles qui veulent vous convaincre. Mais attention, toujours avec conviction et chaleur. Quand on lui demande de définir son art, elle se montre très disert : « Je pars souvent de mes propres émotions et de ce que je ressens ». Parce que hier ne l'intéresse pas plus que ça et que demain est encore loin, elle vit dans l'instant pour dénoncer la réalité la plus poisseuse, la plus asphyxiante, pour tendre l'oreille aux grands soucis des hommes et la main à tous ceux qui n'ont plus rien à perdre que leur dignité.

Ecouter et comprendre, s'exprimer et se faire entendre : quoi de plus essentiel ! A l'heure où « vivre ensemble » est devenu l'injonction suprême, rien ne lui semble importer davantage ; tant il apparaît qu'au commencement de la Cité était le Verbe partagé.

Sa dernière peinture : une femme tout de blanc vêtue, immaculée, serrée, cernée -et peut-être même oppressée- par des femmes voilées. « C'est ma façon de soutenir toutes ces femmes iraniennes, artistes comprises, privées des libertés essentielles ». En peinture, on le sait, une touche seule ne montre rien ; une somme de touches rapprochées crée un mouvement, révèle une tonalité, donne une impression.

« L'art modifie le regard » argumente-t-elle, sans jamais hésiter à employer des mots forts. « Il ouvre d'autres portes. A défaut de changer le monde, il peut le réinventer. Un artiste est une éponge qui s'imprègne de son environnement pour mieux s'ouvrir aux autres et offrir une vision moins étriquée de notre société. L'artiste a cette faculté de faire pousser des fleurs et de mettre de la couleur sur le bitume. Un peintre est en mesure d'apporter de la lumière dans la grisaille. Comme cette femme libre au milieu de ses sœurs iraniennes... ».

« En moi depuis toujours »

Celles et ceux qui apprécient cette femme authentique qui pratique la peinture avec la modestie d'un artisan et l'orgueil d'un artiste n'ont pas oublié, en plein Covid, sa Marianne bâillonnée d'un bandeau tricolore. « Cette période a été une grande frustration pour les artistes avec l'interdiction d'exposer, de jouer, de chanter... Cette Marianne, c'était nous ! ».

Et pour faire en sorte que les artistes ne soient pas jetés aux oubliettes, emmurés vivants, comme architectes de pyramide, pour ne pas trahir le secret du pharaon, Olga a multiplié les contacts avec Nadjoua Belhadef, adjointe au maire de Dijon, déléguée au Commerce, et avec Christine Martin, adjointe à la Culture, pour que des boutiques vidées de leurs clients puissent au moins offrir leurs vitrines aux artistes. Belle façon de remettre les pendules du cœur et de la solidarité à l'heure, dans une période où le moindre de nos émois a été rationalisé par par les maîtres du comportementalisme, mis en statistiques par de secs sociologues et analysés par de faux prophètes à l'aune d'une catastrophe sanitaire qu'on a finalement surmontée...

« Sincèrement, l'engagement, je pense que je l'ai en moi depuis toujours. Et mon engagement, c'est lutter contre l'injustice et défendre des causes qui me paraissent importantes » explique-t-elle. Comme celles des femmes, par exemple, avec cette belle exposition réalisée en début d'année à MK Galerie, à Ahuy. L'occasion de mettre en lumière Simone Veil, Camille Claudel, Frida Kalho, Marie Curie, Elisabeth II... ou encore Brigitte Bardot « dont je suis pas particulièrement fan mais qui est un personnage mythique de notre cinéma. Ce sont des femmes qui m'ont fait rêver au travers de leurs engagements, artistiques ou non, de leur écriture... Anne Franck m'a particulièrement marquée. J'ai lu son Journal à l'âge de 12-13 ans et c'est le premier livre qui m'a autant émue ». Une exposition en forme d'avertissement, de mise en garde contre l'oubli et le ciel toujours assombri de menaces : « Quand je vois ce qui s'est passé aux Etats-Unis, je me dis qu'il nous être inflexibles sur les acquis. Je me suis réjouie que la proposition de loi visant à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution a été adoptée le 1er février 2023 au Sénat ».

L'exigence du vrai

Olga aime se laisser guider par l'intuition, le plaisir. Celui d'accueillir le trop-plein de lumière. Faire sienne cette intrusion qui prend d'assaut autant le regard que l'esprit, l'âme... S'en remettre à l'intensité solaire, aux accents, aux saveurs, aux parfums, aux couleurs. Composer ainsi sa palette d'inspirations. Accueillir la diversité des regards, l'élasticité du temps...

Cultivant l'amour de la philosophie et des arts, le goût du savoir et de la connaissance, Olga Gay est guidée par l'exigence du vrai. Elle aime comprendre, c'est à dire « prendre ensemble » tous les éléments qui font une vie humaine : la volonté, la conscience, l'action, le langage, le récit, la mémoire, l'identité, l'éthique, la morale, le juste, la mort... Le monde, elle le prend au sérieux, et c'est bien pourquoi elle n'a de cesse de le regarder, de le dépouiller des légendes dorées dont on aime à le parer pour le rendre acceptable.

Les compliments, elle les écoute d'une oreille discrète. L'humilité lui va bien. Elle est comme ça Olga. Simple. Et engagée.

Jean-Louis Pierre