Michel Gey : Adieu l’artiste

Michel Gey s'est éteint dans la matinée du 28 février, à l'âge de 70 ans, emporté par un cancer contre lequel il se battait, sans trêve ni répit mais avec pudeur et force depuis des années. On n’est pas prêt d’oublier cet homme toujours habillé de noir avec une écharpe ou un foulard rouge qui ressemblait à ces personnages qu’on croise dans la littérature romantique.

Michel Gey n’a jamais été un figurant de l’Education nationale mais un acteur essentiel, une tête d’affiche occupant des rôles clé. Et même s’il n’est pas du genre à se laisser engloutir sous des remerciements exagérés et des effusions inutiles pleines de condescendance, ce qui suit est un hommage sincère pour cet homme qui s’est caractérisé par son sens des responsabilités et la rigueur de ses convictions. On ne gomme pas autant d’années passées au service de l’Education d’un trait de plume sergent major… Certains ont tellement vite fait d’oublier qu’il n’est pas inutile de rappeler ce qu'est l’excellence.

Avec lui disparaît un de ces hussards de la République les plus brillants de sa génération. Un homme aux dons multiples mais qui frappait d'abord par la lumière qu'il distillait, illuminant par son intelligence et sa sensibilité le quotidien de chacun. Son franc-parler ne lui a pas valu que des amis mais il partageait l'inquiétude de l'être humain, le souci de sa construction et de sa permanente invention. Disponible pour les autres, oublieux de lui-même jusqu'à négliger sa santé. Trop sans doute...

Difficile de résumer une carrière comme la sienne. Impossible de tout rappeler ici. Brûlons les étapes pour dire tout simplement que celles et ceux qui l'ont côtoyé, qui ont eu la chance de travailler sous son autorité d'abord au collège Boris Vian de Talant puis dans les lycées Stephen Liégeard, à Brochon, Eiffel, Montchapet et Carnot, à Dijon, ou encore le Greta 21, retiendront une conviction énorme et un appétit formidable pour dévorer les tâches.

Tout faisait sens dans le parcours de Michel Gey. Tout faisait signe. Et toujours avec le même enthousiasme, la même rigueur, le même bonheur de travailler. Personnage un peu complexe dont on savait tout et dont on ne savait rien, on sentait chez lui cette volonté de ne pas perdre son temps avec ce qui était accessoire. Il s'exprimait peu sur lui-même, mais parlait avec une passion lyrique de sa vocation de patron d'établissements scolaires, convaincu que l'avenir de la République se joue à l'école. Une école porteuse de savoirs.

Homme fidèle à ses engagements, combatif, droit dans ses bottes, vouant un véritable culte à l'amitié réelle et sincère, Michel Gey était aussi un artiste rare. Remarquable joueur de batterie, peintre, poète, il était aussi l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages scolaires sur la grammaire et l'orthographe publiés chez Nathan.

Ayant quitté officiellement Carnot en juillet 2019, il occupait sa retraite à profiter de choses simples comme la pêche ou les voyages. Mais Victor Hugo, Maupassant, Colette, les pères de l'Eglise, Gainsbourg ou bien encore Aristote, Nietzsche, Onfray et bien d'autres étaient toujours là pour animer une pensée toujours en action. Michel -ou plutôt Alceste- était aussi à nos côtés, proposant dans chaque numéro de Dijon l'Hebdo, sa rubrique « Jet d'encre » toujours pleine d'un humour souvent corrosif. Que de textes inoubliables gravés dans notre mémoire.

Le 30 décembre dernier, au petit matin, il m'a adressé ce message : « (…) N'en ayant plus pour longtemps, je profite d'un peu de lucidité pour t'envoyer quatre Alceste, histoire de faire durer le plaisir (...) ». Sa quatrième et dernière rubrique, nous l'avons publiée dans le numéro du 22 février dernier.

Michel Gey avait le don, qui n'est donné qu'aux cœurs purs, d'aider chacun à exprimer le meilleur de soi. Adieu monsieur le Proviseur, on ne t'oubliera jamais.

Jean-Louis Pierre