Isabelle Laraque : Au carrefour des cultures

Lorsque vous franchissez la porte de « Terre de Lune », rue Amiral Roussin, à Dijon, vous vous retrouvez plongé dans une symphonie de couleurs, de parfums et un univers baroque au charme délicieux. La boutique n'est pas grande et pourtant vous avez l'impression que c'est le monde dans ce qu'il a de plus précieux qui s'ouvre sous vos yeux au travers de bougies, d'encens, de poteries, de broderies, de tableaux, de bijoux, de sacs, de foulards, de tisanes, de thés... Tous ces petites choses qui échappent aux produits industriels et standardisés. Nous sommes là au carrefour des cultures.

Isabelle Laraque vous reçoit avec le sourire généreux. L'élégance comme marque de fabrique. Vestimentaire d'abord. Délicatesse du phrasé ensuite, toujours doux, faussement flegmatique. Distinction du verbe, enfin, avec cette langue dont elle explore toutes les nuances pour évoquer les femmes de son temps. « Je travaille avec des femmes en Inde, regroupées au sein d'un coopérative. Des femmes mises à l'écart, rejetées de la société parce qu'elles sont veuves ou divorcées. Ce travail me touche considérablement dans la mesure où cela répond aussi à l'impérieuse nécessité de faire vivre toute une famille » souligne-t-elle.

C'est une géographie très personnelle qu'elle a composée dans sa boutique. Pas celle des livres. Pas celle d'une mappemonde que l'on fait tourner d'une main distraite. Ici, l'Inde côtoie l'Ethiopie, la Bolivie, le Mexique, le Népal, le Tibet... Sur quelques mètres carrés, les embûches et la joie de vivre des pays pauvres. C'est comme si toute sa vie, Isabelle Laraque avait eu une valise à la main, l'horizon pour repère. Finalement, les frontières, elle n'a jamais su ce que c'était.

« Elles répondent présentes »

Vous l'aurez compris : le travail équitable, le travail des femmes et Isabelle Laraque ne pouvaient pas se rater. Question d'ADN, de chromosomes hautement compatibles. Femme de convictions qui n'hésite pas à dire les choses en face, elle prend parti. Toujours. Elle part en croisade. Souvent. Résumer ses combats ? Ils sont là, partout dans sa boutique. A la disposition de tous, comme l'étendard tombé au sol, prêt à être repris en main et porté fièrement. Et elle trouve les mots émouvants et justes pour décrire la quête à laquelle elle consacre son temps. Avec cette incroyable confiance en la vie, à ce qu’elle peut vous apporter de meilleur. Envers et contre toutes les blessures. Et chez elle cette empathie au monde, à la souffrance des autres, sans ostentation.

« Les gens avec lesquels je me sens bien, avec lesquels j'ai envie de travailler, ce sont des femmes

Mais pas n'importe quelle femme. Des femmes dans la difficulté, dans la tourmente et qui trouvent ou retrouvent un idéal dans la création. Malgré leurs conditions de vie difficiles, elles répondent présentes » confie cette commerçante dijonnaise dont les yeux regardent le monde avec une infinie tendresse.

En ces temps synonymes pour beaucoup d'incertitudes sinon de désarroi, où tant de souffrances morales prospèrent à l'ombre de tant de confort matériel, où la dictature de l'argent émousse parfois jusqu'au plus élémentaire réflexe de fraternité, l'engagement sans faille d'Isabelle Laraque réchauffe le cœur et l'esprit. Voilà qui a du sens comme en témoigne le sourire discret de Frida Kahlo qui semble vous remercier de votre visite.

Jean-Louis Pierre

Terre de Lune

36 rue Amiral Roussin. Dijon